Vocation
Cet après-midi j’avais une discussion avec un ami. Je parlais de mes voisins, je les déteste à peu près tous, et il me disait qu’il avait l’impression que tous les gens étaient désespérés au fond d’eux-mêmes. Je lui répondais qu’à mon avis, ils ne le sont nullement. La plupart sont vraiment très satisfaits d’eux-mêmes, et en-dessous de cette couche d’égoïsme auto-satisfait, il n’y a pas un être bon et généreux qui se morfond de je ne sais quoi, tout simplement parce qu’il n’a jamais eu le temps de se constituer. Et quand l’aurait-il fait ? Pour qu’un être existe, il faut qu’il ait eu l’occasion de se former. Or si on regarde l’éducation des enfants, on ne voit jamais qu’il se serait constitué un être plein de bonté qui aurait été ensuite recouvert par l’éducation. Ce qui se forme, c’est un petit monstre totalement égoïste, qui est ensuite limité par l’éducation. Les exceptions sont rares, en tous cas je n’en ai jamais croisé (je parle d’enfants spontanément bons et généreux). Alors on pourra me dire que les gens ont une âme divine etc… mais comme le dit Mère il y en a à peu près un sur un million dont l’âme se trouve au premier plan. Bref, j’ai dit à mon ami qu’il projetait son état d’esprit sur le monde entier, en leur prêtant des sentiments qu’ils n’ont absolument pas. Je l’ai fait longtemps moi aussi, mais il y a un jour où on réalise qu’on n’a en face de soi que des coquilles vides.
C’est pour cette raison que la religion chrétienne, quand elle parle de vocation (il faut trouver sa vocation), ne parle que pour les saints. La vocation est dictée par la constitution de l’être psychique. Trouver sa vocation, c’est trouver de quelle façon notre âme est constituée. La plupart d’entre nous n’ayant qu’une âme embryonnaire, il n’y a rien à trouver. Nous ne sommes pas semblables à des pruniers, nés pour fabriquer des prunes dès l’origine. L’être humain, contrairement aux anges, est vide de qualités. Il peut donc engendrer en soi ce qu’il veut. C’est ainsi que l’être psychique se constitue, de vie en vie, jusqu’au jour où on peut parler de vocation, un mot qui décrit ce qui a été constitué par le passé.
Par exemple, je pourrais penser à l’heure actuelle que j’avais une vocation pour la musique, puisque maintenant j’aurais certainement les qualités pour devenir musicien. Mais je ne les avais pas il y a dix ans, et il y a dix ans, il était déjà bien trop tard pour cela. De même, mon amie a certainement acquis une vocation pour devenir la mère de 5 enfants, mais là aussi, il est un peu tard, elle va probablement devoir se contenter d’un seul.
Tout cela pour dire que chacun peut choisir de manifester ce qu’il veut, et que notre vocation est seulement le résultat de choix antérieurs. On peut même choisir des choses impossibles ou qui ne vont pas avec l’environnement, car même si l’univers est un, il est aussi construit de sorte qu’on n’est pas obligé d’être déterminé par ce qui nous entoure. Par exemple, je regardais des plantes, en général elle poussent de manière assez interdépendante, et je me disais que l’homme est différent. Beaucoup de grands penseurs ont poussé très différemment des plantes, d’une façon qui ne collait pas du tout avec leur entourage. C’est aussi un peu ce que j’ai fait, j’ai choisi d’évoluer dans un sens qui ne correspond pas à l’époque et qui ne colle nulle part. Et pourquoi pas. Mais avec cela, je serais idiot de chercher comment ça pourrait coller puisqu’en premier lieu je n’ai pas cherché un sens qui colle avec le reste. C’est pour dire qu’on cherche toujours de quelle manière Dieu nous a inclus dans son grand dessein, mais je crois justement que c’est à nous de choisir, et qu’on obtient le résultat de ses intentions.
Récemment je tombais sur une vidéo d’enseignement d’un tibétain, je voyais le lama débiter sa leçon devant une foule de gens esbaudis, et je me disais : »Il est devant une foule d’imbéciles, il pourrait en choisir un ou deux et leur dire : « je vais vous apprendre véritablement comment pratiquer », mais étrangement il ne le fait pas et ça ne semble pas lui venir à l’esprit ». Ce qui me ramène à mon propos de départ : ce qu’il lit chez ses ouailles, ce n’est certainement pas le désespoir, sinon il me semble qu’il ferait quelque chose de plus que ce qu’il fait.