Hier j'ai relu "Petit manuel de speed-dating avec Dieu" de Jean Druel, moine Dominicain. Je m'étais dit que peut-être j'avais mal lu la première fois, car j'avais trouvé cela ridicule. Mais en fait, c'est ridicule, comme livre. Le titre l'indique déjà, d'ailleurs, mais je n'aime pas m'en tenir aux apparences. Et puis, dans la première partie, je me suis dit "ouah, ce type est un vrai chanceux, c'est un saint, je m'étais vraiment trompé à son sujet". En effet, pour lui, les premières étapes de la rencontre avec Dieu, c'est la rencontre, puis la prière perpétuelle, puis la prière dans le sommeil, et la fin de la peur, de toute peur...
Du coup je me suis demandé quels augustes mystères il allait dévoiler dans la seconde partie, puisqu'à la fin de la 1ere partie nous sommes toujours un débutant qui ne comprend rien. Et alors là, boum badaboum nous revenons en-dessous du niveau zéro. Il nous parle de divers défis, comme par exemple le défi de la passion (des voitures, des soldats en plomb, des timbres poste...) en nous expliquant que souvent nous avons peur du regard des autres et qu'il ne faut pas.
Quelques pages plus tôt, nous volions dans les cieux merveilleux de la theoria au cours d'extases dignes de sainte Thérèse d'Avila, nous ne craignions absolument plus ni la peste maléfique ni le fléau qui frappe à midi, et tout à coup nous voilà dépendant du regard des autres, avec toutes sortes de fantasmes sexuels bizarres et ainsi de suite.
Je n'ai personnellement jamais volé plus de quelques minutes dans les cieux de la theoria, et je n'ai jamais eu d'extase au point d'en perdre le sens. J'ai encore moins atteint la claire lumière du sommeil. Mais rien qu'avec ça, les défis qu'il annonce sont ridicules. Et je sais bien que si j'étais dans la peau d'une personne qui a eu le don de la prière perpétuelle et en plus de la theoria facile, tout ce qu'il dit n'aurait plus aucune importance depuis longtemps. Je connaîtrais également la valeur de la souffrance, et du sacrifice, choses dont il ne semble avoir aucune conscience. Pour lui, la phase 1 (extases et compagnie) se déroule quelque part hors du corps, et la phase 2 se déroule dans le corps. En somme il n'a eu d'extases qu'intellectuelles, car les vraies extases consistent à rassembler les souffles vitaux dans le canal central et à les dissoudre. Ce qui est un exercice vraiment très physique. Idem pour la claire lumière du sommeil ("je dors mais mon coeur veille").
Au final, je me demande bien à quelle sorte de gugusse illuminé j'ai affaire. Et si un jour il tombe malade ou se retrouve handicapé, que pensera-t-il de son livre ? Car les conseils qu'il donne sont certes corrects - ne pas se prendre pour une victime -, mais les enseignements de la maladie il n'en a aucune idée, ni la peur que l'on peut avoir de se damner - je parle un langage chrétien. Les bouddhistes parleraient de tomber dans des royaumes inférieurs, ou même de se réincarner dans l'enfer qu'est la vie présente.
Quand on sait qu'il existe des terres pures d'où l'on ne retombe pas dans le royaume du désir, on se dit qu'on a intérêt à en trouver le chemin, et on comprend que le karma n'est pas un vain mot. Qu'il ne s'agit pas d'une aimable plaisanterie.