On regrette rarement d’avoir trop écouté, en
On regrette rarement d’avoir trop écouté, en revanche on regrette toujours d’avoir trop parlé. Les gens à qui j’en veux sont ceux à qui j’ai trop parlé, pas ceux que j’ai trop écoutés. Et pourtant il y en a qui ont abusé, comme mon ami peintre qui m’a rebattu les oreilles pendant 7 ans de ses histoires qu’il trouvait toujours à raconter d’une nouvelle manière. La dernière année tout de même je lui en ai voulu parce qu’à chaque fois qu’il m’appelait, il était vraiment insupportable – en fait j’espérais toujours qu’il allait dire un truc intéressant mais ça n’arrivait plus. Cependant, presque 10 ans plus tard, je peux dire que les mauvais souvenirs ont laissé peu de traces, et qu’il n’y a presque que des bons. Avec lui, je parlais peu, car les histoires des autres ne l’intéressaient pas, par définition. Il en va différemment avec les gens avec qui j’ai essayé de communiquer à double sens. Je regrette la plupart des choses que je dis. C’est toujours de ma faute évidemment, je n’ai qu’à me taire, mais mon esprit est fait de telle manière que c’est à l’autre que j’en veux. Pourquoi, me direz-vous ? Pour le savoir, le mieux c’est de se taire, ce qui permet de voir à quel bénéfice imaginaire on doit renoncer pour y arriver. Et je me rends compte que je ne recherche ni l’amour, ni la reconnaissance, ni l’admiration, et je n’ai pas même le désir d’enseigner : je dois simplement renoncer à ce que l’autre me dise quelque chose d’intéressant. A partir du moment où je peux admettre que « ce gars n’a rien à me dire qui vaille la peine », je n’ai plus envie de parler. C’est pour cette raison que je suis incapable d’écrire à mon ex-ami peintre et à bien d’autres. La dernière personne qui m’a rendu furieux de ce point de vue, c’est une ex-amie doctoresse en théologie qui a royalement ignoré un mail pourtant destiné à engager une conversation que j’espérais fructueuse. Je m’étais donné du mal, elle n’en a rien eu à foutre. Et ça m’a énervé, parce que j’ai tendance à supposer qu’une telle personne a forcément des choses intéressantes à dire. Mine de rien, il y a pas mal de personnes qui détiennent un savoir qui m’intéresserait, par exemple les traducteurs de tibétain. Qu’est-ce qu’ils entendent pendant les entretiens avec les lamas ? L’un d’eux m’a confié que c’était édifiant (concernant la bêtise des gens), sans en dire plus cependant. Et c’est peut-être aussi la raison pour laquelle je fais des mauvaises critiques d’Alain Durel, Matthieu Dauchez, et autres auteurs du genre. Il ont été infoutus d’observer quoi que ce soit de vraiment intéressant alors qu’ils étaient en position idéale. Je veux dire que si je devais passer un an au Mont Athos, j’aurais franchement autre chose à dire que les banalités Dureliennes. Quelque part, apprendre des autres motive fort peu de gens. Je crois que je n’avais pas mis cette vidéo (voir plus bas). Il explique qu’aucun de ses frères capucins ne l’a interrogé sur son expérience d’ermite – peut-être aurait-il refusé de parler. Mais il précise également qu’aucun n’est venu le voir, passer une semaine avec lui, ce qu’il aurait accepté. En fait personne n’en avait rien à foutre, alors que c’était un gars intéressant. Pas forcément enclin à partager, mais s’il avait trouvé une personne motivée, c’est évident qu’il aurait partagé. Bref, les gens à qui j’en veux sont finalement des gens qui n’ont rien à l’intérieur d’eux, qui ne savent que ratiociner que dans la superficie, et au fond, je m’en veux de ne pas l’avoir vu plus tôt. Mais je suis quelque part incapable de concevoir des gens vides, du moins pas des docteurs en théologie, pas des moines, pas des prêtres…