La science mystique
Souvent je me demande si je devrais dire certaines choses ou non, surtout de celles qui ne sont pas dites ailleurs. Mais en les révélant, je ne fais rien d'autre que faire pour les autres ce que je voudrais qu'ils fassent pour moi. En effet, combien on m'aurait rendu service en m'informant de certaines vérités, et combien on m'aurait fait gagner de temps. Cependant, je constate que vouloir connaître le fond des choses n'intéresse personne ou presque, alors je m'interroge sur cette disparité. Avec ou sans Cheikh, connaître le pourquoi du comment est réellement indispensable pour progresser réellement. En effet, tous s'imaginent que, du fait qu'ils ont un Maître, ils ont reçu une transmission de pouvoir spirituel, mais c'est faux. C'est d'ailleurs l'un des réalités que j'ai demandé à Dieu de me faire connaître : les lignées initiatiques qui prétendent transmettre quelque chose le font-elles vraiment ? Et la réponse est : très rarement. En effet, dans le domaine spirituel, c'est le maître qui choisit le disciple et non l'inverse, ceci est écrit noir sur blanc. Si donc un disciple s'imagine avoir choisi un maître, en intégrant telle ou telle lignée, cela a toutes les chances d'être faux, et il a toutes les chances d'avoir reçu de la monnaie de singe. Mais la prétention qui est la qualité la mieux partagée au monde fera toujours qu'il ne s'en apercevra pas.
Quoi qu'il en soit, il y a quelques questions au sujet desquelles il me semble absolument indispensable de savoir la vérité, ainsi que le pourquoi du comment, sans quoi on est rendu à la foi aveugle qui est le plus bas niveau d'interprétation de la religion. On se remet entre les mains des autres, et la vie prouve qu'en ce monde, les gens qui aident réellement les autres sont très rares, surtout dans le domaine spirituel. Pour avoir assidûment fréquenté des assemblées spirituelles dans 4 religions, je peux dire que je n'ai jamais vu personne se donner la peine d'aider réellement qui que ce soit, par contre j'ai vu une grande quantité de gens absolument convaincus de recevoir une grande aide, mais au bout de 10 ans, 20 ans... rien n'a vraiment changé chez eux. Pour le moment je connais assez mal les milieux soufis, mais la vision des vidéos de dhikr sur youtube me fait dire que la plupart de ces gens sont en transe, qui est un état inférieur à l'état de conscience ordinaire, et qu'une infime minorité seulement éprouve un réel état mystique. Il y a de nombreuses raisons à cela.
En fait le sujet qui m'occupe depuis un certain nombre d'années maintenant, cet celui de la barakah (pouvoir spirituel). Constatant qu'il est impossible de l'obtenir d'un maître sauf si l'on fait partie des très rares élus, comment l'obtenir ? Tout le monde répète que c'est impossible, mais qui s'est véritablement intéressé à la question ? Il existe un certain nombre de livres plus ou moins érudits sur la question (en général sous l'appellation "kundalini", "shakti"), où l'on constate que l'auteur n'a rien compris lui-même (on peut penser à Lilian Silburn ou Julius Evola), ensuite on constate qu'il existe un certain nombre de gens qui ont reçu quelque chose sur la tête mais dont la grande majorité sont désaxés et/ou se prennent pour des gourous, au final on se dit que si on n'en vient pas à compendre précisément le mécanisme de la chose, on finira soit dans une catégorie soit dans l'autre, sachant qu'on n'est pas dans celle des disciples qualifiés. C'est assez fatal, si on joue avec un briquet et un bidon d'essence sans savoir ce qu'est ni l'un ni l'autre, je ne vois pas comment cela finirait bien - dans le meilleur des cas on n'arrivera pas à ouvrir le bidon.
Cette question du pouvoir spirituel va évidemment avec celle de la dévotion. Comment développer la dévotion ? Envers qui ou quoi ? Qui est Dieu ? Quel est le rôle de l'imagination ? Elle va aussi avec celle de notre prédisposition essentielle, qui est selon Ibn Arabi l'une des choses les plus difficiles à connaître.
Ce qui est certain c'est que la science de toutes ces choses est d'une extraordinaire complexité. Ce qui rend les choses difficiles, c'est qu'on ne peut séparer les causes des conséquences.
Prenons l'exemple des exercices ascétiques, ou des mortifications. Il est évident par exemple que le jeûne est une mortification, ainsi que la veille nocturne, ces deux exercices étant chaudement recommandés par tous les maîtres.
Mais il nous apparaît que si on les fait pour en obtenir quelque chose - c'est-à-dire en suivant les paroles des maîtres avec une confiance aveugle, en se disant que c'est pour notre bien -, cela ne fonctionne pas. Et si on ne le fait pas pensant qu'on devrait le faire par soumission, on en a mauvaise conscience. Dans tous les cas, cela nous est finalement préjudiciable, car on développe un esprit de rebellion, soit parce qu'on n'a pas obtenu ce qu'on escomptait, soit parce qu'on est énervé de devoir faire quelque chose qui nous déplaît pour obtenir autre chose. Un peu comme un enfant avec ses parents, à l'adolescence il en a assez d'obéir et il a envie de tout casser dans la maison, car il n'a jamais vu que cela lui faisait le moindre bien (s'il agit par contrainte).
Il faut évidemment faire les choses pour l'amour de Dieu, les mortifications en premier lieu - je parle de ceux qui veulent progresser sur la voie spirituelle, pas de ceux qui ont besoin d'être éduqués parce que sinon ils se comportent comme des animaux, mentent, volent, et passent leur temps faire du tort aux autres. Et si l'on fait les choses pour l'amour de Dieu, la récompense en est immédiate, car la cause et la conséquence sont une seule et même chose.
Et si l'on ne peut pas souffrir pour l'amour de Dieu, c'est qu'on n'a pas la moindre idée de ce qu'est Dieu et qu'il faut commencer par examiner cette question sous tous ses aspects possible, notamment : comment pouvons-nous ouvrir notre oeil spirituel, en sorte que ce terme, Dieu, acquière un sens réel ? Non pas le sens que le fanatique va lui donner pour écraser les autres, mais celui qui fait qu'on souffrira avec joie / que la souffrance nous rapprochera de lui.