Le mal-être fondamental
J'ai de plus en plus l'impression que la base de l'état naturel se trouve dans le corps physique, c'est-à-dire dans les gouttes plutôt que dans les vents, qui seraient plutôt la composante "esprit". Bien entendu, l'"esprit de claire lumière" est un esprit, porté par un vent, mais pour apparaitre stablement et se déployer, je crois qu'il a besoin d'une base physique, c'est pour cette raison qu'une fois mort on ne peut plus progresser. Les vents de sagesse doivent faire fondre les gouttes qui sont en réalité le corps physique, l'ensemble acquiert une qualité lumineuse par ce processus, et c'est ainsi que l'état naturel peut s'établir, puisque les obstructions, qui sont les gouttes abîmées et les vents contaminés, disparaissent.
En somme on peut toujours essayer de se remplir de vents purs auprès d'un gourou, ou de s'échapper de son corps pour retrouver sa vraie nature, ces deux méthodes ne peuvent pas fonctionner.
Le souci, c'est que le corps n'est pas le lieu où qui que ce soit voudrait se retrouver. En effet, chez une personne ordinaire, si on enlève la couche de contentement vital dûe à l'agitation (ou à l'activité sportive), on tombe sur un grand mal-être, qui est tout à fait permanent, et que les gens viont fuir soit par l'agitation, soit par le tamas. C'est quelque chose que j'ai expérimenté pendant des années, en-dehors de brefs moments où il y avait miraculeusement quelques vents purs dûs à la pratique, mais qui ne pouvaient pas être stables pour les raisons que j'indique plus haut. Le reste du temps, je me retrouvais avec cette sorte de mal-être fondamental, dont la base est située dans le corps physique. Le seul moyen de s'en débarrasser, c'était soit d'aller faire du vélo (ou de discuter avec quelqu'un), soit de dormir, soit de regarder un film, ou de lire un livre. Mais quand on s'y confronte, il finit par devenir tellement omniprésent qu'on le sent même dans les activités physiques, les films ou n'importe quoi d'autre, sauf le sommeil, et là on se dit que vraiment il faut faire quelque chose parce que ça ne peut pas durer.
Il n'y a je pense que l'état naturel qui puisse arranger vraiment les choses, comme on le constate chez tous les profs de chi-qong, d'arts martiaux, de yoga (je ne parle pas des grands maîtres), et de nombreux pratiquants de toutes sortes de choses, qui semblent toujours sous l'influence de ce mal-être, à savoir qu'ils sont très contents lorsqu'ils enseignent, mais qu'on voit clairement leur mécontentement ressortir quand ils ne font plus rien et que personne ne fait attention à eux. A ce moment, la conscience s'éteint en quelque sorte pour échapper au mal-être dans une forme d'hébétude, ou si la personne a de la discipline, elle se concentre sur elle-même avec guère plus de résultat.
Il n'y a qu'un vrai stade de génération qui permet d'en sortir, parce qu'il permet de faire fondre les gouttes. En effet, on peut définir l'imaginal comme l'association de visions pures (générées) avec des gouttes, c'est pour cette raison que ça fonctionne. Mais pour que ces visions pures soient efficientes, il faut les associer à des gouttes, sinon il ne s'agit que de rêveries agréables. Ce qui explique que ça marche pour certains et pas pour d'autres. Si on "sort" de son corps pour générer des jolies histoires ou des divinités avec son seul esprit, il n'en restera rien et les perturbations mentales ne seront pas nettoyées, puisqu'elles se développent toutes sur la base du mal-être fondamental, qui est physique.
C'est ensuite sur la base de la fonte des gouttes dans l'ensemble du corps physique qu'on peut ensuite viser la fonte des gouttes dans le canal central et atteindre les états plus élevés. Faire l'inverse peut certes apporter d'agréables expériences, mais il n'y aura pas de progression véritable. La première chose à faire est donc de trouver comment toucher le corps physique par le biais de l'imagination.