Un petit article pour préciser l'usage et la structure du yidam dans ma pratique. C'est une sorte d'armoire géante à croissance organique, donc plutôt un arbre, dans lequel je range toutes les "lumières" qui me viennent de toutes les façons possibles. Si je lis une bio de saint et que quelque chose en descend, je crée un nouveau tiroir. Je peux y mettre absolument de tout. Les saints chrétiens, les maîtres bouddhistes ou soufis, Sri Aurobindo, Rudi, mais aussi des choses pas forcément reliées à la spiritualité, musiciens, peintres paysages etc... C'est une sorte de "palais de la mémoire" spirituel, qui me permet de tout retrouver assez facilement, afin que rien ne se perde.
Ce qui me permet d'y insérer un si vaste bazar, ce sont des couches chronologiques. Mon yidam actuel étant d'une espèce non humaine, il a environ 1000 ans. Il a eu donc de nombreuses vies. Quand je fais du vélo, il fait du vélo, quand je vais à la messe, il va à la messe, quand je vais au concert, il est chef d'orchestre etc. Pour faire bonne mesure, il est androgyne. Et les contenus qui lui sont complémentaires, je les attribue à ses parèdres, ou à ses amis. Ainsi je crée toutes sortes de relations qui sont en fait ce qu'il y a de plus important, parce qu'un yidam, c'est comme les personnes divines, il est ce qu'il est en vertu de ses relations.
Si donc j'ai quelques lumières qui me viennent des Pères du Mont Athos, je ne transforme pas mon yidam en Père du Mont Athos, ça n'est pas si simple. Je le fais atterrir sur le Mont Athos où il rencontre un Père, et il reste par exemple pendant un an pour le servir, ce qui laisse la place à pas mal de développements. La chose intéressante à ce niveau, c'est le caractère que va développer le Père, et qui n'est pas exactement de mon ressort. Je ne peux pas le choisir, il doit correspondre à la logique de l'ensemble. Par exemple, j'avais pensé au départ à une figure semblable au Père Joseph, mais ce n'est finalement pas ce qui inspirerait le plus dévotion à mon yidam (or le but c'est qu'il développe la dévotion). Du coup je me retrouve avec un petit vieux tout malade, à moitié infirme, un ermite en fin de vie qui n'exige rien, ce qui fait qu'il obtient tout. Ce n'est a priori pas la figure qui contient le maximum de lumières, mais ce qu'il faut considérer, c'est l'ouverture qu'elle va créer chez le yidam. Un Père qui lui dirait :"Tu veux du thé ? Bois de l'eau froide si tu aimes ça !", ça va plutôt l'attrister. Alors que préparer du thé pour un pauvre petit vieux, ça lui inspire un amour sans bornes. Bref, tout l'art consiste à créer les relations qui conduisent au maximum d'ouverture.