Mais d'où vient ce fichu bonbon ?
J'ai enfin compris ce que les tibétains entendent par "maîtriser son esprit". Paradoxalement ça n'est pas contradictoire avec "s'abandonner à Dieu", on pourrait même dire qu'il s'agit précisément de "maîtriser son esprit pour l'abandonner à Dieu". Car abandonner son esprit à Dieu, ça ne veut pas dire qu'on va s'allonger sur un lit en disant à Dieu de faire ce qu'il veut. Il ne s'agit pas non plus de s'hypnotiser sur Dieu, c'est-à-dire de lui abandonner l'esprit du chien (cf post précédent). C'est ce que font tous les dévôts d'Amma ou presque. Elle magnétise l'esprit-point des gens telle un hypnotiseur de foire. Non qu'elle ne puisse faire mieux, mais ce sont les gens qui ne peuvent pas faire mieux. Le résultat c'est que dès qu'elle relâche son emprise, l'esprit-point se remet à gambader et à faire n'importe quoi, puisque de toutes façons il n'a aucun maître.
Quoi qu'il en soit, maîtriser l'esprit consiste déjà à trouver son état naturel. Qui, comme son nom ne l'indique pas, n'a rien de naturel, sauf à dire que c'est sa nature ultime, dont nous n'avons pas la moindre idée basiquement. Le processus consiste à développer l'ananda sur la base de l'esprit conceptuel (stade de génération). Cet ananda va dissoudre les vents et faire apparaître l'esprit sans concepts (stade d'accomplissement), la claire lumière. Unie à l'ananda, on parle alors d'état naturel. C'est dans cet état que "l'action" de Dieu est possible. C'est pour cette raison que les bouddhistes disent qu'on n'a besoin de rien d'autre. Toutes les réalisations se développent spontanément à partir de là, qu'il s'agisse de visions pures ou de tout ce qu'on voudra, car il y a une infinités de développements possibles à partir de là.
Il y a 10 vents à maîtriser (c'est à dire à savoir faire demeurer et dissoudre dans le canal central). Ce que l'histoire ne dit pas, c'est que les uns peuvent entraîner les autres, et qu'il faut en quelque sorte construire une "habitude" qui va les lier de plus en plus les uns aux autres, ce qui fait que lorsque l'un d'entre eux commence à se dissoudre, les autres suivent.
On notera de plus que plus on a lié l'ananda à l'esprit non conceptuel, plus il est possible d'obtenir l'ananda en arrêtant le mental. Mais à l'inverse, si on n'a pas construit le chemin qui conduit de l'ananda à l'esprit non conceptuel, arrêter le mental fait simplement tomber dans le néant. Les tibétains parlent d'unir la sagesse et la grande béatitude simultanée en sorte d'obtenir la "great simultaneous blissfull wisdom'". C'est un travail qui demande de la patience parce qu'à la base tous les éléments sont disjoints. Ils ne sont même pas identifiés le moins du monde. Cela demande de générer une conscience à la fois vaste et puissante. Par exemple, il y a des yaourts que j'aime bien. Maintenant quand j'en mange un, j'essaie de savoir là où il passe. Mais l'autre jour encore, je me suis aperçue, arrivée à la moitié, que cette moitié avait disparu sans que je m'en rende compte. Le problème c'est qu'il ne s'agit pas de générer une conscience mentale, mais de parvenir à une forme d'ananda à travers le yaourt. Mais l'ananda provoquant la dissolution des consciences mentales, il arrive fort aisément que la conscience soit "soufflée" en cours de route comme la flamme d'une bougie.
Il faudrait faire une enquête, demander à la sortie du darshan combien de gens peuvent dire à quel moment et comment le bonbon est arrivée dans leur main. Je pense que la moitié n'en auront aucune idée parce qu'il étaient en train de penser à quelque chose au moment où c'est arrivé, et que l'autre moitié n'en sauront rien parce que leur conscience aura disparu à ce moment précis. Je considère que c'est déjà une victoire de 1) ne penser à rien lors du darshan 2) rester concentré sur l'opération d'Amma sans bloquer l'esprit 3) savoir quand et comment le bonbon atterrit là. Maintenant j'y ai ajouté un nouvel exercice, qui consiste à arriver dans un état d'ananda au moment du darshan, et c'est là que j'ai noté que tout était fait pour empêcher ça. En quelques secondes, on vout tire, on vous vole vos lunettes, on vous pousse, on vous met la tête sur le côté, et au final Amma vous bouge encore. Déjà en méditation ça n'est pas facile d'obtenir un état stable, mais en étant physiquement balloté de tous les côtés comme les saints avec les démons, ça devient vraiment difficile. Sauf si on est hypnotisé. Mais si on est hypnotisé, on le saura à un signe certain : on ne pourra pas dire d'où vient le bonbon ! Il faut bien distinguer l'état infra-conscient de l'état sur-conscient. La plupart des gens se réfugient à l'évidence dans un état infra-conscient, c'est-à-dire un état d'ignorance, alors qu'il faut au contraire obtenir un état sur-conscient, car c'est là que le gourou peut avoir une véritable action. Dans ce cas il ne s'agit pas d'obtenir des "états" (rien n'est plus commun que les "états") mais d'affermir une station, ou de passer à la suivante.