Beaucoup de gens prétendent actuellement pratiquer le dzogchen, et y progresser. Pour ma part, cela fait 20 ans que j'essaie de commencer à le pratiquer. J'espère avoir une vision claire de ce qu'est l'état naturel (après avoir connu une phase assez longue où j'avais conscience de n'en avoir aucune idée), quant à avoir assez de clarté pour pratiquer thögal, je dirais que cela m'arrive à peu près pendant une heure tous les 3 mois. Parfois, on a un état de clarté surnaturel, à chaque fois que ça m'arrive, j'essaie de comprendre ce qui me manque pour en arriver là sur une base régulière, et aussi comment fonctionne le dzogchen. A chaque fois je fais des découvertes bien étonnantes (jamais des choses qui seraient dites dans les textes, mais seulement sous-entendues partout).
Récemment, j'écoutais Scott Ross qui expliquait qu'on n'a pas la moindre idée de comment se jouait la musique baroque à l'époque, tout simplement parce que les auteurs de traités musicaux de l'époque n'ont pas inclus dans leurs traités ce qui leur semblait totalement évident. Le dzogchen c'est pareil. Il est sous-tendu par un certain nombre d'évidences tellement évidentes par les auteurs des traités, et tellement éloignées de notre réalité quotidienne, qu'on ne sait pas comment se joue le dzogchen. Je m'en suis convaincu avec les années. Un jour par exemple, j'ai "vu" que les canaux utilisés par tummo et thögal n'étaient pas les mêmes, et que les deuxièmes étaient dix fois plus fins, et donc cent fois plus efficaces. Quelque chose de cet ordre. Le problème, c'est d'arriver à distinguer ces canaux du canal central, c'est-à-dire à comprendre comment ils fonctionnent. Par exemple, j'ai vu récemment que si on active les canaux visuels, ça ferme les autres. Toutes ces petites choses colorées qu'on perçoit bien avec les canaux visuels sont donc un piège - d'après ce que j'ai compris. ensuite il faut repérer quel est le "sentiment" particulier qui correspond aux canaux kati. A ce sujet, on dit qu'ils sont à l'intérieur du canal central. Au départ, on s'imagine donc assez naïvement qu'il faut chercher une paille avec un cheveu à l'intérieur. Quelque chose du genre. Alors qu'en réalité il faut chercher un sentiment d'amour, avec un autre sentiment encore plus fin et subtil qui en émergerait (et qui serait relié aux yeux).
Du coup, quand je vois les gars qui nous racontent qu'ils allument les lampes et ainsi de suite... ils sont d’une naïveté affligeante. De plus leur discours ne démontre aucune finesse. Or la finesse des canaux, c'est aussi une finesse de perception, au quotidien. On est ses canaux. CDRinpoche a laissé entendre qu'il en était autour de la 2è vision. Lui, on pouvait le croire, parce que tous ses gestes indiquaient une grande finesse, et ses propos aussi, quand il parlait de sa façon de voir les choses. Il expérimentait également la claire lumière du sommeil, tout en prétendant avoir honte de sa propre nullité. Alors les soi-disant pratiquants du dzogchen qui sont à peine lucides dans un rêve par ci par là...
Il est clair qu'il existe une voie de traverse qui permet de développer des visions sans rien développer d'autre. Les Olds se sont jetés dedans (il faut voir la prétention, quand ils se déclarent supérieurs à tous les maîtres tibétains), et tout un tas de naïfs à leur suite. Qui ne finiront pas en corps d'arc en ciel.
Du coup je comprends pourquoi JL Achard dit que c'est un signe et pas un fruit. Les visions c'est pareil. Or justement ce que font ces gens, c'est qu'ils prennent les visions, qui sont un signe d'autre chose de bien plus profond, pour un fruit. Ce serait comme regarder une croix et dire "C'est le Christ". En revanche, le corps illusoire est effectivement un fruit, on comprend pourquoi.
Je pense que les pratiquants actuels, en se concentrant sur les signes, développent une certaine faculté de leur cerveau de produire des visions, et rien d'autre, ce qui est assez logique. Et que ceci est bien visible pour un vrai pratiquant comme le Lopön, qui peut dire tout de suite que ça ne va pas en voyant les dessins qui sont faits à partir de là. Quand il dit "il manque quelque chose", allez savoir de quoi il parle. De l'une de ces évidences que nous avons perdues, sans doute.