Le bien suprême et le bien relatif

Ce jour, j’ai réalisé que j’enviais le sort de ceux qui s’imaginent faire le bien autour d’eux. Comme tout le monde, j’ai essayé moi aussi de faire le bien, mais cela pose un certain problème, celui de la conception que l’on s’en fait. Pour moi, il n’existe qu’un seul bien, qui surpasse tous les autres, et au regard duquel les autres apparaissent comme des maux relatifs. J’ai quelque part le sentiment que si l’on n’apporte pas le bien suprême avec les biens relatifs, on ne rend pas service aux gens car ils ne feront que « tourner encore plus vite dans le samsara », comme le disait si bien quelqu’un que j’ai autrefois connu…

Il faut bien sûr soigner les malades et secourir les indigents, mais à quoi bon, si rien n’est fait en amont pour supprimer les causes ? Or rien n’est fait et personne ne veut rien faire, j’estime par conséquent qu’il ne saurait être de mon devoir de subir les conséquences de cette incurie généralisée. Comme on a pu le constater avec Saint Vincent de Paul, les pauvres se sont simplement multipliés grâce à son action. De même, donner des aides sociales aux immigrés ne fait qu’augmenter l’immigration, alors que ces gens ont des pays où des initiatives pourraient être prises. Ils ont tout ce qu’ils faut chez eux, mais personne ne veut s’en rendre compte. Et d’ailleurs, qui va prendre la moindre initiative tant que des aides sociales existent ailleurs ? Les Occidentaux ont une façon bien à eux de répandre le poison de leur civilisation. La chimiothérapie n’est pas appliquée seulement aux cancéreux, elle l’est aussi aux pays du tiers-monde : une aide qui coûte cher et qui ne guérit rien. C’est là l’oeuvre d’une volonté politique.

Quoi qu’il en soit, il s’avère que je suis dans l’incapacité de faire le bien que je voudrais faire, alors je ne peux malheureusement me payer cette bonne conscience qui donne si bonne mine à certains. Et je ne peux non plus faire le « bien relatif » car j’aurais l’impression de dépenser mon énergie à ne rien faire de bon, à nourrir l’esprit du monde. En effet, le bien relatif n’a pour objet que de restaurer le bonheur vital, qui est le plus grand obstacle à la vie spirituelle. Aider les gens à obtenir ce bonheur, c’est désespérer de leur humanité, considérer qu’ils ne sont rien de mieux que des animaux – ce qui est peut-être le cas, mais je ne m’y suis pas encore résolu.

Post-scriptum : Voici l’illustration de ce bien véritable dont je suis tristement incapable, car hélas, je ne suis pas un saint.