La béatitude des Saints
Je suis en train de lire le Journal de Sainte Thérèse des Andes, et il me paraît finalement que le parcours de ces âmes n'est pas compliqué. Ce sont des médiums, auxquels s'adresse l'Esprit de Dieu ou un Esprit de Dieu (si l'on considère que l'Esprit Saint est un nom générique ou le modèle-archétype pour tous les esprits de Dieu). Pour ce qui est d'obtenir leur obéissance complète, rien n'est plus simple. C'est esprits peuvent donner une béatitude pour laquelle n'importe quel être humain se jetterait au feu et davantage pour l'obtenir. Il n'y a donc aucune liberté une fois qu'on l'a expérimentée, en même temps personne ne souhaite être libre de cela. Il serait donc extrêmement facile à Dieu de convaincre toute l'humanité de le suivre, mais comme il n'a apparemment pas les méthodes d'un trafiquant de drogue qui distribue des doses gratis - ce qui ferait de ses fidèles pas autre chose que des drogués, mais il n'y a que les faux-gourous pour procéder de la sorte -, une telle chose n'arrive pas. Certes la question se pose pour certaines âmes, comme Saint Paul, qui ne semblent pas avoir donné leur assentiment avant que Dieu leur tombe dessus, ou pour les jeunes saints, car on se dit que ceux-là n'ont probablement jamais entendu autre chose que la voix de Dieu, en sorte qu'ils n'ont rien eu à choisir (mais peut-être avaient-ils déjà fait ce choix dans une vie antérieure, contrairement à Saint Paul).
Mais on peut imaginer que pour la majorité, il faut avoir fait un choix décisif avant que l'Esprit de Dieu vienne s'unir aux pauvres âmes, de manière progressive d'ailleurs, ainsi que le montrent les écrits de Sainte Thérèse. De plus, ce n'est pas à confondre avec ce qui est obtenu par la méditation "orientale" en général, puisque dans un cas il y a deux, alors que dans l'autre cas, on est seul. Chacun conviendra sans doute que l'amour à deux, c'est plus intéressant que tout seul, surtout si l'un des deux au moins est un esprit incorporel, qu'il est donc possible de toucher dans toutes ses dimensions et qui peut nous toucher semblablement, contrairement à un être matériel avec lequel le contact réel est somme toute assez réduit. Quand on voit déjà les folies que fait commettre l'amour humain, on peut imaginer à quoi peut conduire un amour infiniment plus substantiel à tous points de vue.
Malheureusement, il semble que les fidèles n'aient, dans leur immense majorité, pas la moindre idée de ce qu'ils sont en train de chanter. Quand on partage la vision commune de l'égrégore, on ressent un certain accord avec toute l'assemblée, un certain sentiment d'appartenance à un groupe - en sorte qu'on peut savoir assez facilement quelle est la vision commune, en expérimentant quelle croyance va nous rapprocher ou nous éloigner du groupe. Dit autrement, chacun sait parfaitement ce que l'autre veut entendre, quand il lui parle, c'est vrai aussi en matière de religion.
Dans l'esprit des gens, le christianisme est devenu l'adhésion à une sorte de morale désuette qui est celle des petits vieux, et pour la majorité de ceux qui sont en recherche de spiritualité, il est certes plus excitant de se tourner vers les doctrines new-age, qui en un sens ne sont pas fausses, mais qui sont en réalité un retour aux religions anciennes, à la loi de l'Ancien Testament, que Jésus est venu alléger justement.
Qu'est-ce que cette loi ancienne ? C'est la loi du karma, celle d'une progression extrêmement lente de la conscience, qui évolue difficilement en accumulant des centaines voire des milliers d'existences. Les recherches sur les NDE ou le voyage des âmes entre les vies, ainsi que les traités anciens, attestent tous de la même chose. Entre chaque vie, l'âme fait son bilan, qui n'est pas très brillant, et elle retourne dans le samsara pour de nouvelles expériences qui la feront un peu évoluer. Chacun gagnera à lire les ouvrages de Michaël Newton, comme Souvenirs de l'au-delà (j'ai le pdf complet pour ceux que cela intéresse). C'est en parfait accord avec toutes les traditions, traditions qui chacune nous proposent une solution pour écourter cette transmigration qui va durer des millions d'années si on ne fait rien pour accélérer les choses.
Les religions orientales sont la pire solution. En effet, les solutions "sortir du cycle des existences en une vie" sont destinées à une élite, elles nécessitent d'aller s'isoler dans une grotte après avoir reçu quantité de transmissions par des grands maîtres, qui ne les donnent qu'aux disciples qualifiés. Certes, aujourd'hui en Occident, chacun se croit parfaitement qualifié, mais c'est parce que personne ne sait plus lire ce qui est écrit dans les livres. L'Islam propose une solution un peu meilleure, qui cependant nécessite encore la transmission d'un Cheikh parvenu au summum de la perfection, qui lui encore ne se fatiguera que pour un disciple qui le mérite vraiment (et qui sera son successeur). La vocation de l'islam n'est pas de fabriquer des Saints mais de garantir la paix sociale, le Saint est toujours en marge. Au final, seul le christianisme offre une solution accessible à toutes les âmes de bonne volonté.
Le salut est mal compris. Jésus ne vient pas sauver les âmes d'un destin horrible. Il vient les sauver de plusieurs millions d'années de tribulations dans le samsara (car la vie humaine n'est tout de même pas un chemin de roses), entrecoupées de séjours heureux dans un sous-paradis où l'on va panser ses plaies. On a le choix entre mourir de mille morts différentes, noyé, étranglé, empoisonné, écrabouillé, carbonisé, grippé, cancerisé... ou bien de suivre Jésus. Certes, la chose n'a pas les apparences de la facilité, mais en réalité n'importe quelle vie humaine en Dieu est plus facile que toute vie humaine sans Dieu. La seule qui ait été vraiment difficile, c'est celle de Jésus, si j'ai bien compris. Pour nous, nous avons la possibilité en renonçant aux facilités apparentes de notre petite existence sans intérêt, de connaître la béatitude suprême dans quelques décennies (et déjà ici-bas en réalité), au lieu de quelques millions d'années.
Mais cela ne nous est jamais clairement expliqué. A la place, on nous dit des sottises, que tout le monde va finir en enfer, alors que tout le monde sait très bien que ça ne sera pas le cas. Et on nous présente la vie des Saints comme une effrayante austérité, une vallée de larmes... certes, c'est austère et douloureux, mais on ne dit pas ce qu'il y a en contrepartie. Beaucoup d'hommes seraient déjà capables d'aller au bout du monde, et de se sacrifier corps et âme pour leur bien-aimée, qui ne leur donnera pas le millième de ce que peut leur donner le Bien-aimé. Si donc si peu se sacrifient pour le Christ, c'est qu'un certain message n'est pas passé, en qu'en réalité presque personne n'a la moindre idée de ce qu'on y gagne, pas seulement dans l'au-delà, mais ici-même.