Au sujet des formes spirituelles (lettres de la planète terre)
Mes chers amis,
Je viens de découvrir avec étonnement que ce que j'ai dit récemment sur les Anges a déjà été dit par Maître Philippe en son temps, et de façon plus éclairée bien sûr. Mais cette certitude que j'ai maintenant, que chacun de nos pas se fait avec l'accord du Seigneur, que nous sommes entourés d'être invisibles, et que l'esprit humain est leur champ de bataille... tout cela il le dit noir sur blanc. Aujourd'hui encore je me suis pris le pied dans une herbe en descendant l'escalier du jardin, et la pensée m'est venue que j'aurais bien pu me fracasser le crâne si la providence divine n'avait pas empêché l'herbe de me retenir davantage - une herbe dont j'ai arraché beaucoup de petites et de grandes soeurs ces deux derniers jours je l'admets, mais que faire ? Elles ont profité de l'engrais et de l'irrigation mis en place pour les légumes pour devenir géantes, certaines étaient plus grandes que moi. Quoi qu'il en soit je me sers des herbes arrachées pour faire du paillage qui va faire prospérer les vers de terre (qui sont mes amis) et améliorer le sol, alors je leur explique qu'elle vont servir à quelque chose d'utile et j'espère qu'elles seront moins tristes.
Maître Philippe dit à ce sujet une chose que nous savions déjà mais qu'il est bon de répéter. Les anges (et donc les autres êtres invisibles sans doute) perçoivent les mouvements qui émanent du coeur et non les pensées. On peut donc parler aux plantes, mais ce ne sont pas nos mots que les génies des plantes vont entendre, ce sont nos "sentiments", bien que le terme prête à confusion. En effet, le sentiment n'est pas l'émotion, et l'on peut d'ailleurs supposer que les émotions vont précisément attirer les entités du vital, celles dont on ne veut pas trop. C'est la raison pour laquelle je n'apprécie pas les manifestations émotionnelles, sans doute, car il en résulte une forme d'infestation de l'atmosphère, qu'on peut sentir de manière palpable dans les meetings politiques par exemple.
Beaucoup de gens malheureusement n'éprouvent guère de sentiments sous prétexte qu'ils sont allergiques aux émotions, un peu comme Job qui arbore en permanence une mine imperturbable. Il en résulte une difficulté certaine à développer le sens spirituel puisque l'optique reste fondamentalement matérialiste, rien ne venant contrebalancer l'influence de la raison.
En effet, le domaine spirituel est un terrain d'expérimentation avant tout. Pour se rapprocher de Dieu, il ne s'agit pas d'interroger la raison pour savoir si elle serait d'accord avec tel ou tel postulat, mais plutôt d'expérimenter les effets de diverses formes d'imaginal. La vérité rationnelle est de peu d'importance - je ne parle pas de la logique, car il y a une puissante logique dans les choses spirituelles.
Par exemple, considérer que Jésus est le Fils de Dieu indépendamment des arguments des musulmans qui d'ailleurs sont très recevables, produit de effets tout à fait intéressants. Pour cette raison, je ne désire pas être convaincu par leurs arguments. De même, considérer que nous sommes environnés d'une multitude d'anges est plus intéressant que de considérer le contraire. Mais la réalité qui se dévoile par ce biais n'est pas de celles qui se prouvent, seulement de celles qui s'expérimentent. De la sorte, on peut aller chercher des "postulats spirituels" dans diverses traditions, et tester l'effet sur soi. De même que chaque Père Orthodoxe se compose sa philocalie personnelle en prenant ce qui lui convient le mieux dans les écrits de ses prédecesseurs, rien n'empêche de se constituer une "philocalie oecuménique" pour autant qu'on ait mis son entendement au service de Dieu et non au service de la science mondaine ou de la raison humaine. Par exemple, la "forme" suggérée par les textes soufis conduit à expérimenter des stations diverses et variées (en général non répertoriées; il existe des stations communes à tous, mais il existe aussi une infinité de stations individuelles, je le soupçonne). A l'inverse, la forme induite par le christianisme n'induit pas de stations, mais un rapport à Dieu qui n'existe pas dans les autres religions, et un certain cheminement exemplifié par les mystiques. Qui est d'ailleurs différent si l'on est catholique ou orthodoxe, et qui présente ensuite une infinité de variations individuelles. Ce n'est pas dû aux techniques, mais à la nature des royaumes imaginaux auxquels on se relie par la fréquentation des mystiques. Pour prendre une analogie, on peut imaginer que l'univers contient une infinité d'objets de toutes les couleurs, et que chaque religion est un filtre qui permet de ne créer que des objets d'une certaine couleur, et de ne voir que ceux qui ont cette même couleur. En chaussant les lunettes chrétiennes, on se relie à tous les "objets" constituant l'Eglise chrétienne, objets fondamentalement invisibles aux autres religions. Ici l'on voit bien pourquoi la plupart des Saints ne connaissent que leur propre paradis. Pour en connaître d'autres, ils devraient se relier à d'autres maîtres que ceux qu'ils ont suivis, car les cognitions valides sont transmises par la fréquentation des maîtres. C'est pour cette raison que cette dernière est nécessaire. L'esprit laissé à lui-même pourra sans doute expérimenter l'essence divine, mais il ne pourra pas connaître les multiples formes qui en ont émergé. Or les formes sont la finalité de l'essence, connaître l'essence ne peut donc être qu'un moyen, non une fin.
Ce qui est étonnant, c'est qu'un seul esprit puisse expérimenter plusieurs de ces formes, qui sont en un sens assez contradictoires entre elles - mais la contradiction ne devrait gêner que les esprits étriqués. S'il existe en Dieu de la place pour tous Ses enfants, il doit bien exister en nous de la place pour quelques formes d'expériences spirituelles différentes.