Les mauvais anges (lettres de la planète terre)

Mes chers amis,

vous m'avez connu sémillant, me voilà dans un triste état. Imaginez-vous que ce corps a attrapé un rhume alors que nous sommes en plein été, en plus d'avoir mal au dos quand il n'est pas couché (et même parfois quand il est couché). Tout ceci est dû au fait que nous avons déménagé il y a trois jours, et même si rien ne peut se faire sans l'accord du Seigneur, j'ai clairement vu le démon à l'oeuvre. Cela m'a permis d'examiner la façon dont il s'y prend, et maintenant j'ai la certitude que lorsque Dieu lui donne licence d'agir, les événements les plus improbables parviennent à s'enchaîner. Ce qui me fait dire que, de même qu'il y a de bons anges, il y en a de mauvais (à moins qu'il s'agisse simplement de ce que Mère appelait les "entités du vital"). Toujours est-il que l'affaire a commencé par une confusion de mon propre esprit et par le fait que j'ai chargé Sélénè de s'occuper de la location du camion. Nous avons loué un véhicule de grand volume, mais prévu pour 900kg de charge utile, alors que nous avions peut-êre deux tonnes d'affaires. A partir de là tout s'est enchaîné de la plus mauvaise façon possible. Pour commencer Job nous a fait prendre 15mn de retard le mardi matin, et comme il n'a pas aidé Petit Jean avec le GPS, ce dernier s'est trompé de route. Ils sont arrivés avec 15mn de retard pour la location, il en a résulté 2h de retard. Nous avons donc dû finir le lendemain matin, tandis que la harpie venue faire l'état des lieux tombait sur Petit Jean se plaignait de ce que le ménage était mal fait - et pour cause. A 13h enfin tout était prêt pour partir, mais Job et Plouf, à qui nous avions confié le camion, nous informent que les pneus frottent et qu'il va falloir en décharger une partie. Par chance, je connais un garde meuble et nous perdons donc 4h dans cette nouvelle opération. A 17h nous pouvons enfin partir. A 18h, Plouf nous informe que les roues du camion ont perdu un boulon et que les autres se dévissent régulièrement... A 3h du matin, alors que nous arrivons avec la voiture, nous apprenons que le camion est bloqué sur une aire d'autoroute à 300km de là. Il paraît que les pneus sont dégonflés, que le compresseur de la station est en panne, qu'il n'y a pas de technicien sur place, et qu'un gendarme est venu inspecter le camion, en déclarant qu'il y avait une tonne de surcharge. L'affaire me semble fort étrange vue de loin, et c'est là que j'ai commencé  à suspecter une intervention du démon.

Je ne vous raconterai pas toutes les péripéties, mais voici ce que j'ai compris au final : Plouf, qui est angoissé de nature, a fait une hypocondrie du camion, et Job l'a laissé agir à sa guise, car il estimait dès le départ que nous étions incompétents et qu ça n'était en quelque sorte pas son affaire. A 3h du matin, Plouf a voulu vérifier la pression des pneus, et il a dégonflé un pneu avec un compresseur en panne. Son angoisse a attiré un gendarme qui lui a fait encore plus peur. En somme, il s'est débrouillé pour se coincer sur cette aire d'autoroute, grâce à un esprit particulièrement confus qui a permis l'intervention de quelque mauvais anges qui lui ont fait choisir la mauvaise station, et à la complicité de Job. La sensation résultante, très bizarre et embrouillée, est en elle-même la signature du démon. Il est intéressant de noter qu'il choisit d'agir par l'intermédiaire d'esprits obscurcis, de même que les bons anges agissent en déposant leurs messages dans des esprits éclairés.

Toujours est-il qu'il est devenu difficile de retrouver le moindre ustensile dans la maison, car la moitié de nos cartons sont à Paris, et à force de décharger et recharger, plus personne ne sait où sont les choses.

A part ça, nous avons retrouvé une véritable jungle en lieu et place du jardin avec des plants de courges aux feuilles aussi grandes que moi. Nous avons aussi une forêt de tomates et de framboisiers, et pas mal de haricots. Par contre les patates ont été étouffées par les courges. Les poivrons et aubergines ont mal poussé, la terre était probablement trop dure. L'année prochaine nous mettrons une partie de la production dans une grande serre, et nous aurons largement de quoi manger toute l'année. En attendant, cet hiver nous allons faire une plantation de poivrons dans le salon. Et nous allons essayer de refaire pousser de nouvelles courgettes, ainsi que des concombres et de haricots, puisque nous avons déjà pu récolter un tas de choses dont les plants ne donneront plus rien.

A bientôt