La petite vie pépère du Père Philippe (lettres de la planète terre)
Mes chers amis,
convié aujourd'hui à un entretien avec le Père Philippe (prêtre de la paroisse orthodoxe de Sainte-Croix) avec Petit Jean et Sélénè, j'ai assurément rencontré un saint homme. Dès notre arrivée il a commencé à s'inquiéter de si nous avions un travail dans la région. J'ai failli répondre que nous avions confiance en Dieu, mais quelque chose m'a dit qu'il le prendrait mal. Ensuite, Petit Jean, Sélénè et Lili sont partis avec lui, après qu'il m'eût suggéré d'aller faire un tour dans le parc. Mais il y avait des gens dans la cuisine, alors j'ai préféré aller leur demander si je pouvais aider à quelque chose. Il faut dire que je suis toujours curieux de tâter les âmes des gens qui sont autour de moi. Il y avait là une femme d'une soixantaine d'années, et une post-adolescente qui s'est révélée être la fille du Père Philippe. Elle avait l'air assez mal dans sa peau avec son vermis à ongles vert, même si elle semblait par ailleurs assez gentille. J'ai épluché quelques pommes, surveillé la cuisson d'une sauce tomate, mais il s'est vite avéré que personne n'avait plus besoin de moi. J'en ai tout de même rapporté une bonne recette de pizza. Par contre, la conversation a été minimaliste, très propice à la méditation sur la vacuité des relations humaines si je puis dire.
Je suis retourné dans le réfectoire, où le Père est bientôt venu me chercher. Dans les 20m qui nous séparaient de son breau, j'ai marché d'une certaine façon, qui était un test involontaire de sa sensibilité énergétique, mais je n'ai perçu aucun écho. Ensuite, il m'a interrogé sur divers éléments biographiques - concernant plus exactement la vie de mon Propriétaire depuis une douzaine d'années.
Je puis certes toujours me tromper, mais il m'est apparu qu'il n'a guère de discernement, et qu'il a pris tout ce que j'ai dit au degré le plus grossier, c'est-à-dire en l'interprétant suivant les lois statistiques. Sans doute n'aurais-je pas dû commencer en disant qu'un chrétien digne de ce nom doit se souhaiter beaucoup de souffrances et d'ennemis, afin de se perfectionner en les aimant (ce pour quoi je sollicitais la chrismation, ayant besoin de l'aide de Jésus pour cela), car son opinion était faite. J'étais un doux illuminé qui avait lu un peu trop de livres mystiques. En effet, lorsque je lui ai expliqué plus tard que pour moi la conversion avait été bien difficile, car cela signifiait se confier à quelqu'un qui peut faire de vous n'importe quoi, il m'a répondu en me disant que ça n'était pas le cas, car tout dépend de la personne. Certes, ai-je dit, mais si l'on constate que la souffrance nous perfectionne plus que le bien-être, c'est ce qu'il faut se souhaiter (ainsi que l'a dit Maître Philippe), et si on se le souhaite, cela finit par arriver, ce me semble. Il m'a dit alors que je me trompais et que les choses pouvaient se passer tout à fait bien, en somme qu'il n'était pas nécessaire de souffrir plus que ce que nous apporte une petite vie quotidienne pépère. Pour lui, le chrétien utilise les circonstances et les petits obstacles de la vie quotidienne pour se perfectionner, et cela suffit. C'est une perspective que j'ai également trouvée chez J. Pastor, mais je ne vois pas en quoi il faudrait être chrétien pour cela, car c'est quelque chose que l'on peut très bien faire en tant que bouddhiste, ou que musulman. Dans un esprit de justice et de justesse (soi-disant), on arrive vite à se faire une petite vie facile (comme la mienne), alors que dans un esprit de Charité, on se contraint à faire des choses qu'on ne ferait jamais sans cela. Dans le premier cas, on vise un équilibre, alors que dans le second cas, on vise le toujours plus. Lui-même étant manifestement dans une perspective d'équilibre (il ne paraît pas épuisé par les austérités), il est incapable de reconnaître l'aspiration à la seconde. Pour cette raison donc, je n'ai nul motif de me presser, je dois prendre le temps de réfléchir, de toutes façons j'ai encore beaucoup de temps devant moi, et lorsque je fais remarquer qu'on ne sait jamais le temps qu'il nous reste, il invoque les statistiques.
Bref, comme encouragement à la vie chrétienne, le démon n'aurait pas fait mieux. Alors que je passe mes journées à prier pour une vie plus élevée et à essayer de sortir de la perspective générale du "tout va très bien il n'y a pas de souci à se faire", il me prêche non pas la patience, mais la paresse. S'il avait eu le moindre discernement et qu'il eût voulu m'enseigner la patience, il m'aurait dit "Vous allez attendre un peu, que cela vous soit une occasion de méditer sur l'absence et d'affiner votre aspiration".
Il est manifestement très fier d'apparenir à l'élite des vrais chrétiens, moyennant quoi il n'a pas compris un traître mot de mes réponses à ses questions, s'imaginant que je ne faisais que lui répéter des choses lues ici et là sans en avoir la moindre expérience. Il a même prétendu très bien connaître le bouddhisme sous prétexte qu'il côtoie beaucoup de bouddhistes. Même les Rinpoches, pour butés qu'ils soient, ont plus de discernement. Il faut dire qu'ils ont une réalisation autrement plus substantielle.
En voyant son exemple, j'en suis venu à me dire que le mariage des prêtres orhodoxes leur permet d'être vitalement plus épanouis et les empêche de développer les étranges maladies énergétiques que l'on constate chez la plupart des prêtres catholiques, mais qu'en contrepartie, il leur est plus difficile de convertir leur vital à des buts véritablement spirituels.
Dieu me pardonne d'avoir écrit du mal d'un de ses ministres.