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L'entraînement de l'esprit
A lire...
22 mars 2020

05 - Le grand Bal d'Automne

1.
Aranthiel considérait les danseurs d'un air morose. Tous ces courtisans lui donnaient la nausée avec leurs amusements superficiels et leurs requêtes incessantes. Pas envers lui, Dieu merci. La crainte qu'il inspirait à la Cour était suffisamment forte pour qu'aucun fâcheux n'osât l'approcher - autant il était indulgent avec ses étudiants, pour lesquels il éprouvait un amour véritablement paternel, lui qui n'avait pas le droit de faire des enfants, autant il était sans pitié avec les courtisans, qu'il méprisait cordialement -. Pour lui, ils ne valaient pas mieux que les sangsues qui habitaient dans les étangs. Mais son frère, le Roi Galadriel, était bien à plaindre, encerclé qu'il était par tous ces vampires qui, profitant de sa fatigue, ne le lâchaient jamais, tous à l'affût de quelque faveur, de quelque miette de pain qui tomberait de sa poche - quoique, il y avait aussi ceux qui savaient comment s'y prendre pour emporter la miche de pain toute entière, un ministère, un gouvernement de province, un poste diplomatique... Ceux-là, Aranthiel les avait à l'oeil, et s'il arrivait à son frère de se montrer faible, il se chargeait de remettre les choses à leur place. A ce sujet... il fit signe au garde le plus proche, qui, telle une ombre, quitta le recoin où il était dissimulé, sous une grande plante verte, pour s'approcher. Comme tous les gardes royaux, il portait l'une de ces armures bleues et noires faite d'un matériau extrêmement léger et résistant que seule la magie pouvait créer. "Allez me chercher Sternhauser.
Aranthiel était installé dans la niche centrale du mur Est de la Grande Salle du Bal, qui constituait une sorte de salon surélevé un peu à l'écart des danseurs, et qui lui offrait une vue privilégiée sur l'ensemble des courtisans. Galadriel, lui, tenait salon dans la niche située exactement en face de la sienne, sur le mur Ouest. Quant aux autres niches qui s'alignaient de chaque côté des leurs, elles étaient plus petites, occupées par divers invités ou des couples d'amoureux qui souhaitaient un peu de calme.
La salle dans son ensemble ressemblait à une sorte de nef terminée par un grand dôme, avec une partie centrale et deux contre-allées moins éclairées situées derrière des piliers de marbre rose veiné d'or, où les niches tenaient lieu en quelque sorte de mini-chapelles. Mais seules les deux niches centrales s'ouvraient sur des alcôves auxquelles on accédait par des portes discrètes dissimulées au milieu de riches boiseries. Aranthiel, cependant, préférait ouvrir des portails pour emmener ses conquêtes dans sa tour, où il se sentait plus tranquille.
La totalité du plafond était recouverte par une immense fresque, entièrement peinte par Federico Dali (et ses apprentis), un homme dont on ne pouvait contester ni le génie ni l'originalité, malgré ses excentricités. Galadriel s'était entiché de lui, et l'on pouvait dire qu'il avait fait sa fortune. Le dôme représentait une sorte de palais céleste, avec des anges et des hommes se livrant à de saintes activités, tandis que l'autre partie du plafond montrait une grande scène champêtre où s'ébattaient toutes sortes d'animaux, de faunes et de nymphes dans un décor assez psychédélique. De nombreux détails étaient franchement érotiques, en sorte qu'Aranthiel y puisait une inspiration toujours renouvelée - n'était-ce pas la fonction de l'art ? Il se demandait juste si c'était une pure coïncidence qu'un grand faune accolé au postérieur d'une charmante nymphe à quatre pattes lui ressemblât tant... Dali avait toujours nié, mais tant de gens lui en avaient fait la réflexion que l'évidence parlait à sa place.
L'orchestre jouait sous le dôme, et les danseurs s'ébattaient juste à côté. L'architecture générale de la salle conduisait raisonnablement le son, ni trop ni trop peu, et l'éclairage n'était pas trop vif. Lorsque Aranthiel souhaitait entendre une conversation, il lui suffisait en principe de créer un canal éthérique capable de porter le son jusqu'à ses oreilles, invisible à tous sauf à ceux de son état - ce soir-là, il n'y avait que Bala'an, son "ordonnance" comme il aimait à l'appeler, et De Veers, un "associé". Les Archimages étaient facilement repérables à leur aura -. Cependant, la plupart des nobles de haut rang portaient des sorts protecteurs pour leur éviter d'être espionnés de cette manière. Parfois, il pouvait passer au travers, et parfois non, cela dépendait de l'habileté des mages qui avaient manufacturé les sorts.
Il n'eut pas à attendre plus d'une minute pour que Sternhauser se présentât devant lui, avec ce sourire légèrement crispé de celui qui se demande quel genre de disgrâce va lui échoir. C'était un Eldar de plus de deux cents ans, vêtu d'un habit vert et or des plus exquisement taillés qui se pussent imaginer, et bien qu'il fût d'assez petit taille, à peine un mètre soixante quinze, il se tenait assez droit pour regarder de haut des hommes bien plus grands que lui. Mais pas Aranthiel. Arrogant comme tous ceux de son rang, et retors, le Duc n'était pas assez stupide pour vouloir lui déplaire. Il s'inclina juste ce qu'il fallait. "Votre Altesse..."
Aranthiel lui fit signe de s'asseoir sur la chaise qui se trouvait en face de lui, un peu sur la droite, avant de reporter son attention sur les danseurs, et de se désintéresser tout simplement de lui.
Consigné sur sa chaise, le Duc prit son mal en patience. Parfaitement immobile, il attendait, se gardant bien de manifester le plus petit signe d'impatience. Il n'y avait personne dans tout le Royaume qui fut plus à craindre qu'Aranthiel. D'une manière ou d'une autre, ce maudit sorcier savait tout ce qu'il ne devait pas savoir, malgré toutes les protections magiques dont on pouvait s'entourer. Et quand il voulait vous parler, ce n'était jamais pour vous dire des choses agréables. Que pouvait-il lui vouloir ?... Il soupira, mal à l'aise.
- Un problème, Votre Excellence ?" lui demanda soudain Aranthiel.
Il faillit sursauter. Tandis qu'il s'était laissé aller à ses pensées, il en avait presque oublié le monde extérieur.
- Non. Je pensais à des choses sans importance.
Aranthiel lui tendit une coupe de champagne, mais il secoua la tête :"Ce serait volontiers, mais mon estomac me fait souffrir, ces derniers temps.
Aranthiel reposa la coupe et se caressa le menton, qu'il avait imberbe. Cela n'avait pas toujours été ainsi. Mais le jour où il avait reçu la sixième initiation, la mutation l'avait rendu lisse comme un dauphin, excepté pour les cheveux, les cils et les sourcils. Pour autant, on l'eût difficilement confondu avec une fille.
D'un geste brusque, il se pencha vers son interlocuteur, qui eut un mouvement involontaire de recul.
- Ecoutez, mon vieux, je ne vais pas tergiverser" déclara-t-il d'un ton soudain menaçant :"Je sais que vous êtes en négociations avec mon frère pour obtenir le commandement de la Flotte. C'est hors de question.
Sternhauser ne put s'empêcher d'avoir un haut-le-corps en s'entendant donner du "mon vieux".
- Mais...
Aranthiel lui jeta un regard si dangereux qu'il se tut.
- Ce soir, vous irez lui dire que vous avez changé d'avis, de votre propre chef. Si vous insinuez, de quelque manière que ce soit, que j'y suis pour quelque chose, je ne vous le pardonnerai pas.
Sternhauser ne sut pas quoi répondre. Dans son milieu, on n'avait jamais affaire à des gens aussi brutaux. Mais Aranthiel, tout prince qu'il fût, avait été élevé par des gens du peuple, des gueux, et n'avait appris son ascendance royale qu'à l'âge de trois cents cinquante ans. Sa mère, à ce qu'on disait, avait été maître d'armes et mercenaire, avant d'être engagée dans la Garde Royale. Dieu seul sait comment le Roi avait eu l'idée de trousser pareille bonne femme... Toujours est-il qu'ensuite il l'avait envoyée le plus loin possible, afin que personne n'apprît la vérité. Mais Ylariel avait changé d'avis sur son lit de mort, sans doute en constatant que, contrairement à son aîné qu'il avait suivi tout au long de sa carrière, son cadet avait certaines faiblesses de caractère qui risquaient de mettre le Royaume en péril. Même si Aranthiel était un bâtard, les lois du Royaume étaient telles qu'il avait autant de droits qu'un fils légitime, mais à la surprise générale, il avait refusé le trône. A la place, il avait fait serment de servir son frère, Galadriel, qui avait alors hérité du trône à sa place. C'était bien malheureux qu'un type aussi mal éduqué pût ainsi sévir à la Cour...
- Puis-je savoir ce que j'ai fait pour déplaire à Votre Altesse ?
- Beaucoup de choses.
- J'en doute. J'ai toujours été un loyal sujet de la Couronne" fit le Duc sans se démonter. Heureusement que son fidèle Eremy lui avait procuré le nec plus ultra en matière de défenses psychiques, sans quoi il se serait liquéfié sur le sol. Même ainsi, il sentait l'esprit de ce satané sorcier peser sur lui et tenter de s'insinuer à travers ses défenses comme l'eau fait pression sur un sous-marin en eaux profondes.
Aranthiel retira l'une de ses bagues et la lui tendit.
- Si vous n'avez rien à vous reprocher, posez votre main là-dessus.
Le Duc secoua la tête.
- Je ne me prêterai pas à vos tours de magie.
Il se leva dignement, mais il était soucieux. Tout ceci n'était pas de bon augure.

2.
Aranthiel le regarda s'éloigner, pensif. La bague n'avait rien de spécial, du moins rien de ce genre, mais lui-même lisait assez bien les auras. Il n'y avait rien de tel que de déstabiliser l'adversaire pour y voir apparaître des motifs intéressants.
Les auras ne donnaient pas les mots, mais le sens, ce qui était finalement moins trompeur. C'était un peu comme les expressions d'un visage. Quand on a un peu d'expérience, on y lit facilement toute une palette d'expressions assez complexes mais faciles à déchiffrer, du moins dans un même pays et une même culture. Les gens comme Sternhauser maîtrisaient leur micro-expressions, bien entendu. Mais pas leurs auras. Les auras c'était plus complexe, et cela demandait bien plus d'expérience. C'était comme un gigantesque fouillis de canaux qui s'illuminaient ici et là en fonction des pensées qu'on avait. A son âge, Aranthiel avait assez d'expérience pour déchiffrer quatre vingt pour cents des pensées de ses interlocuteurs. Et le plus amusant de tout cela, c'est qu'il ne s'agissait pas seulement des pensées conscientes, mais de toutes sortes de choses dont les gens eux-mêmes n'avaient pas conscience. Leurs pensées d'arrière-plan se dessinaient tout aussi bien dans leurs auras que leurs pensées conscientes - mieux il connaissait les gens, mieux ça marchait, car il était nécessaire, en quelque sorte, d'étalonner chaque personne. Par exemple, lorsque la personne disait les mots "château" ou "arbre", certains canaux s'illuminaient. Chaque personne contenait ainsi plusieurs milliers de "hiéroglyphes auriques", comme une sorte de langage individuel, qu'Aranthiel était capable de retenir grâce à son extraordinaire mémoire. En sorte, qu'au cours d'une conversation sur la pluie et le beau temps, on pouvait apprendre que son interlocuteur espérait un rendez-vous avec la Comtesse Machinchose, venait de faire un héritage d'un cousin éloigné ou voulait s'acheter un nouveau cheval. La plupart du temps, il s'agissait de choses terriblement ennuyeuses et inintéressantes. Mais parfois c'était intéressant. Aranthiel n'y prêtait plus tellement attention consciemment, d'ailleurs. Comme une personne ordinaire suit une conversation sans y penser, tandis que son intuition lui indique toutes les informations utiles, son esprit subconscient se chargeait de faire le tri, faisant ressortir en fin de compte tout ce qui lui serait utile. Sternhauser avait peur de lui, à juste titre. Malgré ses défenses psychiques, Aranthiel avait vu brièvement passer dans son esprit le Sultan du Shilar, ce qui confirmait ses soupçons. Confier la flotte à ce traître était bien la pire chose à faire. Il n'avait évidemment pas de preuve contre lui, et il serait difficile d'en obtenir.
En même temps, il n'attendait pas toujours d'avoir une preuve pour passer à l'action. Peut-être qu'un accident de cheval serait un heureux hasard.
Réalisant soudain le genre de pensées qu'il était en train d'entretenir, il se prit la tête entre les mains, coudes sur la table, sa massa le crâne et la nuque. Il détestait la Cour. Il détestait ce poste, et il commençait à détester son frère de l'obliger à s'occuper de toutes ces sottises. Il était trop perméable. Tous ces gens sournois, intéressés et qui se détestaient les uns les autres, ça le contaminait. A peine les regardait-il qu'il commençait à avoir toutes sortes de mauvaises pensées, et il n'aimait pas cela. En même temps, il ne pouvait pas rester ignorant de leurs intrigues, le sort du Royaume en dépendait. Quelle misère que la sienne...
- Ari ! Eh ! Tu voudrais bien me donner tes miettes de gâteau ?
Dans l'angle du mur, à demi dissimulée sous une boiserie, il aperçut une petite souris. Il fit glisser les miettes de son assiette dans sa main gauche et les envoya vers le mur, d'un air dégagé. Si on le voyait, ça ferait désordre.
La souris le regardait en grignotant, dressée sur ses pattes arrière.
- Tu en fais une tête. Si tu étais à ma place, tu saurais ce que c'est, une vraie vie de merde.
- Oui, enfin, bon, tu n'as pas affaire à ces serpents toute la sainte journée.
Il était difficile de transmettre en sens réel, c'est-à-dire en ressenti, le concept de sainte journée, il se flattait cependant d'y être assez bien parvenu.
- Toi, y a personne qui empoisonne tes petits.
Que dire à cela ?...
- Moi je n'ai pas le droit de faire des petits. Et puis si tu en faisais moins, ça n'arriverait pas. Je dis ça pour toi, ça n'est pas une critique. Le problème c'est que vous pissez et vous chiez partout, vous bouffez les tapisseries, les meubles, les rideaux... Vous pourriez éviter bien des ennuis en étant plus discrets.
- On voit bien que t'as jamais élevé de gosses.
- J'aurais bien voulu. Mais je te comprends, petite souris. La vie n'est facile pour personne.
- Bon, allez j'y vais, on m'appelle. Je peux dire à Klic de passer ? T'auras encore du gâteau ?
- Possiblement.
- OK, tcho, à la prochaine.
Il la regarda disparaître avec tendresse.

3.
Du coin de l'oeil, il vit passer la lauréate du concours du Miss Eldara, une superbe brune. Superbe et arrogante. Elle était en train de parler à ses amies, tout en jetant des coups d'oeil de son côté. Sans se douter qu'il était intéressé à sa conversation, et qu'il l'écoutait, malgré la distance qui les séparait, et la musique qui couvrait assez bien les voix
- Lui, un dieu ? Il m'a l'air d'un type parfaitement ordinaire. Quelconque.
Elle était accompagnée de la petite Bergmann - pauvre fille... -, de Loretta Goretti, et de trois autres filles qui avaient participé au concours.
- Tu exagères, il est super beau" fit remarquer une blonde vêtue d'une robe rouge vif au décolleté pigeonnant.
- Si je veux un bel homme, ça n'est pas ce qui manque dans ce pays. De toutes façons je ne vais certainement pas courtiser un type qui a toutes les filles à ses pieds. Franchement c'est se manquer totalement de respect. Tu as envie d'être un numéro sur une liste, toi ?
- Ça dépend de quelle liste.
- Bah, tant qu'un type est esclave de sa queue, moi j'appelle ça un simple mortel.
- En plus c'est un vrai salaud" renchérit Loretta. Elle était ce soir vêtue d'une longue robe verte, et elle avait sur l'oreille une espèce de petit oiseau en velours.
- Tout le monde sait pourquoi tu lui en veux" fit remarquer la blonde. "Et même si c'est un simple mortel, il a quand même sept cents ans, et il paraît qu'il peut vous donner un plaisir extraordinaire. Et qu'il est monté comme un étalon" finit-elle avec un air de conspiratrice.
Elles se mirent toutes à pouffer. D'où le nom qu'on donnait habituellement à ce genre de filles, songea-t-il. Des poufs. En même temps, il devait convenir qu'il en aurait ri lui-même, s'il n'avait pas été le premier concerné. Un autre aurait pu se sentir flatté. Lui, il n'aimait pas être comparé à un cheval. Cela dit, ça aurait pu être pire, elles auraient pu le comparer à un âne.
- Vous y croyez vraiment, à toutes ces histoires ?" reprit la brune d'un air franchement dubitatif.
- Tu connais Lyanna ?...
- La Miss d'il y a cinq ans ?
- Elle est sortie avec lui. Elle dit qu'avec ses caresses, il lui a fait ressentir un plaisir tellement intense... des choses qu'on peut faire seulement avec la magie... elle a cru devenir folle.
- Vous êtes sûres qu'il ne vous entend pas ?" demanda la petite Bergmann, mais personne ne l'écoutait tellement. C'était à se demander si les autres étaient conscientes de sa présence. Elle se faisait croire qu'elles étaient ses amies, les suivait comme leur ombre en espérant sans doute grapiller un peu de leur succès, mais elle était plutôt la cinquième roue du carosse, voire la sixième.
La blonde lui jeta un regard tout énamouré.
Et lui, repensait à Lyanna... une splendide créature. Il l'avait revue deux fois, mais il avait dû s'arrêter là, parce qu'effectivement, leur relation aurait vite menacé sa santé mentale. De temps en temps, il en laissait une garder la mémoire de ce qu'ils faisaient ensemble, il fallait bien qu'on lui fît un peu de publicité.
Depuis, elle s'était mariée avec un négociant en bois précieux, qui lui avait fait un gosse.

4.
Il laissa son regard flotter sur la foule des courtisans, incapable de se décider. Il savait juste qu'il avait envie d'une fille. Une fois qu'il trouvait celle qui lui plaisait, il pouvait demander à une connaissance commune de la lui présenter, ou l'attirer à lui par la magie. Il préférait tout de même la première solution. Sa seule limitation, c'est qu'il ne pouvait pas reprendre deux fois la même, à moins de respecter un délai très long, au moins un an. Sans cela, elles devenaient folles, au sens propre du terme. Et il ne pouvait pas faire autrement. S'il se restreignait dans sa passion, en somme s'il ne les rendait pas folles d'amour pour lui, l'énergie résultante n'était pas si pure.

Au lieu de la fille de ses rêves, c'est le gros Bala'an qui vint s'asseoir en face de lui, après avoir déposé devant lui une assiette de desserts qu'il avait raflés au buffet. Plus exactement, il se laissa tomber dans un fauteuil qui gémit sous ce traitement, en s'épongeant le front de son mouchoir,. Un humain, pas très beau de surcroît, et chauve. Il n'y en avait qu'un sur dix, parmi les Archimages. Pas des chauves, mais des humains. C'était un métier qui demandait un niveau d'intelligence relativement élevé. Bala'an avait presque trois cents ans, il pouvait espérer en atteindre le double. Cela dit, il abusait un peu trop de la bonne chère, conséquence de son célibat forcé. Il lui avait avoué souvent combien ça lui manquait. Aranthiel lui avait fait cadeau d'un caleçon anti-magie quand il était entré à son service, cela l'avait un peu soulagé. Quant à lui faire cadeau de la formule... il n'aurait pas su l'utiliser. Aranthiel le savait, parce qu'il lui avait donné la formule pour la plongée sous-marine. Il avait failli se noyer dans sa baignoire. Alors dieu sait ce qu'il aurait fait de la formule du préservatif géant. Une fille aurait fini brûlée vive, ou quelque chose de ce genre.
- Votre Altesse n'a toujours pas ferré son poisson de la soirée ?" fit-il en engouffrant un gros macaron à la pistache.
- Pas encore. J'hésite.
- On devient exigeant avec l'âge, paraît-il. Quoique, en ce qui me concerne, je prendrais bien n'importe quoi.
- Je peux vous fournir un lieu-sans-magie si vous le souhaitez. A défaut d'équilibrer votre magie, cela vous permettrait quand même de passer quelques bons moments.
Bala'an secoua la tête.
- Ce qui me manque, c'est plus une présence féminine que le sexe à proprement parler.
- Qu'est-ce qui vous empêche de vous marier, dans ce cas ? Il paraît que pas mal de femmes se contentent facilement d'une vie chaste.
- Mais pas d'une vie sans enfants.
- Ah... je dois admettre que je n'ai jamais trop examiné la question.
- Je me demande comment vous pouvez souffrir de rester célibataire.
- Moi je me demande comment on peut souffrir d'être marié... Quoi qu'il en soit, nous sommes tous ennuyés d'une manière ou d'une autre par cette question du célibat. Souvent, je me demande ce qui a pu inciter tel ou tel à devenir Archimage, sachant ce qui allait fatalement lui échoir.
- Je pense que nous nous imaginons tous pouvoir échapper au problème, jusqu'à ce qu'il nous rattrape. Comme dit le proverbe, l'oeuf se croit plus malin que la poule.
- Ce n'est pas faux. Il faudrait faire une enquête. Il serait intéressant de savoir comment chacun s'en sort avec ces épineuses questions. Vous par exemple, qu'est-ce qui donne un sens à votre existence ?
Bala'an était surpris. C'était la première fois qu'Aranthiel se montrait si bavard.
- Il y a quand même beaucoup de choses. La magie, par exemple.
- La magie ? En quel sens ?
- Elle permet de construire des palais, créer toutes sortes d'objets, soigner des gens, ou même influencer le sort des royaumes. La magie pour un sorcier, c'est comme la musique pour un musicien.
- Croyez-vous ?
- Yo Dude, c'est Klic, Fip m'a dit que t'avais du gâteau pour moi.
Bala'an engloutit sa dernière profiterolle et se lécha les doigts. Aranthiel lui prit tout à coup son assiette, fit glisser les miettes dans sa main, et les envoya vers le mur. Du coin de l'oeil, Bala'an aperçut une grosse souris.
- Vous allez me dire que je ne suis pas musicien.
- Vous lisez dans ma pensée. Autrefois, lorsque la magie était une religion, il était concevable d'y trouver du sens. Mais aujourd'hui, c'est devenu une technique, qui n'a de sens que par ses applications. Je trouve ça un peu léger.
Bala'an haussa les épaules, se tourna un peu sur la droite.
- Ptain ! Je suis repéré !" s'exclama Klic en détalant.
- Ça va c'est un ami, tu peux revenir.
Malgré ses manières peu raffinées, Aranthiel aimait bien Bala'an, parce qu'il ne sentait en lui nulle jalousie. Bala'an, c'était le brave homme qui avait admis sa misère, et qui avait décidé que dans la vie, mieux valait être gentil, plutôt qu'accumuler les tares en étant aigri de surcroît. Il était dévoué, et loyal, non par calcul, mais par gratitude. Il faut dire aussi qu'Aranthiel l'avait sauvé d'un petit emploi minable de sorcier de campagne. Mais les gens ne sont pas forcément reconnaissants de ce qu'on fait pour eux. Bala'an l'était, et cela faisait sa valeur, bien qu'il ne fût pas le plus compétent du lot. Quand vous avez affaire à un type toute la journée, mieux vaut qu'il y ait un sentiment d'amitié réciproque. Quoique parfois il se laissait aller à le contempler avec bien plus que de l'amitié.
Dans le domaine de la magie, l'amour de maître à disciple était loin d'être la règle, on n'était ni chez les moines ni chez les ermites, en tous cas on n'était pas en religion. Mais avec le temps, Aranthiel sentait croître son amour pour ses disciples, et parfois c'était réciproque.
Pendant longtemps, le seul amour violent qu'il avait pu ressentir avait été pour les femmes. Violent parce si grand qu'il en était insoutenable et que l'esprit se dissolvait devant tant de beauté. A ce moment, c'était comme s'il entrait dans les gens et fusionnait avec eux. Mais ça n'était pas juste les gens. C'était Dieu, en eux. Chacun d'eux devenait Dieu. C'était tellement intense que c'en était juste à devenir fou, ou à mourir. Cela ne se pouvait pas, et pourtant, c'était. Et il avait toujours cru que cela ne pourrait passer que par les unions. Le sexe. Mais un jour, il s'était aperçu que cet organe subtil qu'il avait dans le bas du corps, et qui lui permettait de fusionner avec les femmes, il en avait un autre au niveau du coeur, et encore un autre dans la tête. Depuis, il avait cherché des gens qui accepteraient cela. Ils étaient peu nombreux.
Lorsque Bala'an s'aperçut de son état d'esprit, il lui jeta un regard interrogateur. Aranthiel hocha la tête. Il n'avait rien de mieux à faire, à part contempler le plafond, et laisser traîner ses oreilles éthériques ici et là.
Ils restèrent une dizaine de minutes, silencieux, les yeux dans les yeux. Bala'an se demanda pour la nième fois comment ils en était arrivés là. Cela faisait trois siècles qu'il pratiquait la magie, et jamais il n'avait entendu parler d'une chose pareille entre sorciers. Il avait eu trois autres maîtres, avant de se mettre à son compte, bien certain qu'il ne travaillerait jamais plus pour un autre. Et puis un jour, il l'avait rencontré, et il avait senti une telle chaleur dans son regard qu'il avait désiré le servir... Pendant longtemps, il n'avait pas très bien compris ce que c'était, mais un jour il avait réalisé que c'était de l'amour. Et il s'était dit qu'il en voulait davantage, car c'était bon et ça le guérissait.
Comme beaucoup de ses collègues, Bala'an était malheureux de ne pas avoir de femme, ce qui créait des discordances dans son "chant". Un jour il s'était aperçu que son patron avait le pouvoir de les réparer, et de le rendre inexplicablement heureux rien qu'en le regardant. Pour cela, il fallait qu'Aranthiel le regardât dans les yeux. Son regard n'était pas facile à soutenir, peut-être à cause de l'effet qu'il produisait, justement. C'était comme s'il entrait en lui, à un niveau dont lui-même avait à peine conscience, pour y débloquer des choses dont il ne savait même pas qu'elles étaient bloquées. Il ressentait alors un extraordinaire soulagement, et ses problèmes s'envolaient comme par miracle. C'était magique, mais ce n'était pas que de la magie. Cette fois encore, les larmes lui vinrent, et il eut envie de se jeter à ses pieds pour le remercier. Au lieu de cela, il s'inclina profondément, avant de retourner à ses occupations.

5.

Aranthiel ferma les yeux, se concentra sur la magie, comme pour la mêler à cet amour qu'il ressentait. Lorsqu'il les rouvrit, la magie était partout. Elle pénétrait les murs, les plantes les gens. La différence entre les êtres animés et inanimés, c'est que dans les êtres vivants, elle était mobile, comme une vaste rivière. Et elle chantait... du moins, il l'entendait sous forme de vibrations sonores. Dans les plantes, les animaux et les rivières, c'était beau. Dans les gens, c'était passablement discordant. Il ne sortait qu'avec les filles dont le chant était harmonieux, ou dont il pouvait harmoniser le chant. Parfois, elles ne voulaient pas, parce que cela supposait une certaine perte de soi.
Tout à coup, il sentit une présence à deux mètres de lui, sur le côté, ouvrit les yeux. C'était la brune, la lauréate. Elle semblait avoir révisé complètement son avis, et c'était normal. Non seulement l'amour qui lui était monté jusqu'à la tête rehaussait sa beauté d'un éclat surnaturel, mais la magie donnait à ses yeux un éclat bleu phosphorescent et une pénétration extraordinaire.
D'un geste de la main, il lui fit signe de prendre place sur la chaise placée juste à côté de lui. Elle était placée à quatre vingt dix degrés, par rapport à la sienne, très près.
La fille s'approcha d'un pas hésitant, et s'assit précautionneusement, comme sur des oeufs. Son genou toucha le sien au passage, elle se recula légèrement.
- Que veux-tu ?
- Je voudrais juste... parler, Votre Altesse.
- Parler ? Tu n'as rien à me dire qui puisse m'intéresser.
Elle se râcla la gorge.
- Ce n'était pas...
- Il n'y a qu'une seule chose qui m'intéresse chez les femmes" fit-il d'une voix douce.
- Je comprends.
Pour autant, elle ne bougea pas d'un pouce.
- Tu n'as pas peur de moi ?
- Qui n'aurait pas peur d'un dieu ?
- Qui te dit qu'un dieu voudrait de toi ? Qu'as-tu à m'offrir ?
- La seule chose qui vous intéresse chez les femmes... je suppose.
Il se pencha vers elle.
- Sache que si tu viens avec moi, ce ne sera que pour une seule fois. Et peut-être que je ne te donnerai pas ce que tu veux... ou peut-être que si..." fit-il en lui caressant la nuque. Il y laissa passer ce qu'il fallait de magie pour lui donner un aperçu de l'extase qu'elle pourrait connaître avec lui. Un puissant aperçu. Elle eut un long frisson de plaisir et se mit à trembler.
- J'ai entendu tout ce que tu as dit tout à l'heure..." murmura-t-il.
- Je ferait tout ce que vous voudrez..." fit-elle d'un air implorant.
Ah les femmes...
- Un autre jour peut-être" finit-il en se laissant retomber au fond de son fauteuil, la congédiant d'un geste.
Confuse, elle se leva et s'en fut en trébuchant, rouge de honte.
Il ne savait pas quelle femme il voulait ce soir, mais ce n'était pas elle. Son chant était bien trop discordant, et elle ne le laisserait jamais faire ce qui était nécessaire. Elle tenait trop à son identité.

6.
C'est alors qu'un mouvement inhabituel parcourut la foule des danseurs. Sa position lui permit immédiatement de voir d'où venait la commotion. Un oiseau bigarré se tenait là au milieu, splendide et scandaleux. Scandaleux, parce que c'était sans conteste un Archimage, l'un de ceux qui avaient reçu la sixième initiation. Ses habits le prouvaient, ils était faits de cette même matière protectrice dont tous les autres étaient vêtus. Mais au lieu de s'en tenir aux règles tacites de leur Ordre, et d'être vêtu de noir - de blanc à la rigueur -, le forban s'était fait un habit somptueux et chamarré qui aurait rendu jaloux le couturier du Roi lui-même. Il brillait de mille feux, comme s'il était fait de pierres précieuses aux couleurs irréelles et merveilleuses. Et cependant, cet habit ne parvenait pas à éclipser sa propre beauté. On aurait dit presque un adolescent. Pas très grand, environ un mètre quatre vingt, mince et souple comme un danseur, il était difficile de savoir s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme, tant il avait les traits fins. D'un blond cendré, il avait les cheveux mi-longs, un peu rebelles, et il était assez pâle, avec de grands yeux violets. On l'aurait presque cru d'une santé fragile, ce que démentait sa vitalité. Quant à son aura, elle était d'une couleur extraordinaire, un violet plus profond que la nuit, velouté, dans lequel le regard se perdait à l'infini. On ne pouvait en discerner réellement les contours, ni l'extension. Sur le haut, elle était d'une blancheur éclatante, comme couverte de neige.
Il dansait, exhibant sans vergogne un talent tout à fait remarquable, et bientôt, une nuée de jeunes femmes dansaient autour de lui, venant à tour de rôle lui servir de partenaire.
Lorsque l'orchestre cessa de jouer, les moineaux s'égaillèrent, et un homme s'approcha furtivement de lui, le Conseiller Van Stoffel, un homosexuel bien fait de sa personne, élégant, mais à l'odeur déplaisante. La plupart avaient une odeur déplaisante, Aranthiel ignorait pourquoi. Etait-ce une odeur physique ou spirituelle, il n'aurait su le dire. Galadriel, par chance, n'était pas affecté par ce défaut. L'homme était venu dire au nouveau venu que le Roi souhaitait s'entretenir avec lui. Il l'accompagna avec grâce jusqu'au fond de la salle. S'ensuivit une brève conversation, un éclat de rire cristallin... il avait décliné son offre de le suivre jusque dans ses appartements. Galadriel avait l'air chagrin, mais il n'était pas du genre à insister avec un sorcier de ce rang.
Aranthiel eut une grimace de dégoût. Qu'est-ce donc qui possédait son frère, pour qu'il négligeât ainsi la Reine pour des damoiseaux dont la plupart étaient superficiels et sans qualités, à part leur beau cul ? Mais Galadriel avait toujours été comme ça. Ça ne l'avait pas empêché d'avoir des enfants, d'ailleurs tous morts, mais tous les jours que le bon dieu faisait, on voyait la Reine traîner sa misère dans les jardins du palais.

7.

Empruntant une sortie sur le côté de la salle, l'oiseau disparut dans les jardins. Aranthiel le suivit, afin de voir où il allait, mais il le perdit finalement de vue, un peu après le petit lac. Il était impossible de le répérer magiquement, en sorte qu'il se retrouva bientôt à errer dans un labyrinthe de végétation - un endroit où les amoureux avaient coutume de se retrouver. Depuis que la magie s'en mêlait, les jardins du Palais connaissaient un printemps perpétuel, et les jardiniers faisaient s'y alterner toutes sortes de fleurs aux parfums envoûtants.
La tête lui tournait dans l'air tiède de la nuit, il s'assit sur un banc, respirant les senteurs du lilas, du jasmin et de la rose... un curieux mélange. Soudain il sentit une présence dans son dos, se retourna vivement.
L'inconnu le dévisageait avec un sourire à tomber par terre.
- Vous me cherchiez ?" fit-il d'une voix douce, ni féminine ni masculine.
- Je... qui êtes-vous ?
- Et vous, qui êtes-vous ?
Alors ça, c'était fort. Tout le monde savait qui il était.
- Je suis..." il secoua la tête :"Je ne comprends pas le sens de votre question.
L'autre le regardait avec une intensité déconcertante. Après sa folle danse, il était encore tout ébouriffé, et il avait le rose aux joues. Ses lèvres étaient humides comme les pétales d'une fleur au petit matin, Aranthiel se sentit envahi d'un désir irrépressible. Autant il pouvait cacher ses pensées, autant cela, il ne pouvait pas le cacher. Le feu de la magie qui l'habitait se mit à brûler d'une flamme intense, il s'illumina de bleu.
- Pas très discret" commenta le bel oiseau avec un sourire amusé.
- Je... vous n'avez pas répondu à ma question.
Il s'approcha de lui pour s'asseoir à ses côtés, aussi léger qu'une plume, et lui caressa doucement les cheveux.
- Vous croyez connaître l'amour, mais vous en savez si peu...
Aranthiel éprouvait un tel désir pour lui que le monde se mit à tournoyer autour de lui, bientôt il allait tomber de son banc. La magie était en train de lui monter à la tête, et ça n'était pas bon.
- Enseignez moi.
Le petit sorcier lui caressa la joue, laissant passer quelques étincelles de sa magie violette, et ce qu'il ressentit là... Les larmes lui montèrent aux yeux. Personne ne lui avait jamais fait une chose pareille.
- Regardez dans quel état vous vous mettez... vous êtes esclave de la magie, alors que vous devriez en être le maître. Vous ne pouvez pas laisser votre pouvoir dépasser votre amour, c'est le chemin de la perdition. Votre caractère impétueux et passionné vous rend imprudent, vous savez.
- Aidez-moi.
- Vous n'êtes pas encore prêt.
- Faut-il que la catastrophe que vous me prédisez soit arrivée pour que je sois prêt ?
- Peut-être bien.
- Plaise à Dieu que d'autres n'en paient pas le prix". Puis :"J'aimerais tellement faire l'amour avec vous.
Le petit sorcier partit d'un éclat de rire merveilleux, puis il se leva.
- Une autre fois peut-être.
La même réplique qu'Aranthiel avait faite à cette pauvre fille... Bah. Il admettait volontiers qu'il y avait des êtres qui lui étaient infiniment supérieurs. Il était seulement triste de ne pouvoir rester plus longtemps en sa compagnie.
- Dites-moi au moins votre nom.
- Uriel.
Il allait retourner au Palais lorsque des petites voix l'appelèrent :
- Ari ! Ari ! Viens nous aider !
Considérant les buissons autour de lui, il perçut finalement un mouvement sous l'un d'entre eux, se leva et s'approcha, pour découvrir une famille de hérissons, trois petits, avec leur papa. La mère gisait au milieu d'eux, bien mal en point.
- Que s'est-il passé ?
- C'est le gros chien noir.
Il hocha la tête, s'accroupit là, et posa sa main sur le hérisson blessé, parlant à voix basse tandis qu'une lueur violette enveloppait le petit animal.
Tous les animaux du parc le connaissaient, et venaient lui demander de l'aide quand ils en avaient l'occasion. Il fallait surtout qu'il fût capable de les entendre, ce qui n'était pas toujours le cas. La dernière fois, c'était un merle qui était venu se poser sur le rebord d'une fenêtre pendant qu'il était en grande discussion avec son frère. Il avait mis du temps à percevoir son appel, en vérité le merle avait dû faire un sacré raffut pour attirer son attention. Il n'était pas venu pour lui-même d'ailleurs, mais parce qu'un cerf blessé s'était réfugié dans le parc pour échapper aux chasseurs. Aranthiel était arrivé juste à temps, parce que rien n'arrêtait ces brutes avec leurs chiens. Il avait recueilli le cerf dans sa forêt, un douze cors, le temps qu'il se remît de ses blessures.
Pour entendre les animaux, il devait se trouver dans une disposition d'esprit particulière, sans pensées, uni à ce qui l'entourait. Il percevait alors des images et des sons qui se traduisaient généralement bien en paroles. Ils venaient spontanément lui parler, et il les aidait. C'était au moins quelque chose qui ne lui créait pas de cas de conscience. Si seulement les hommes avaient pu être aussi simples...

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L'entraînement de l'esprit
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Enseignements de Rudi

Fear
We have the capacity in our minds to create that which we are most afraid of; in the same way that we bury some ignorance like a grain of sand inside the shell of an oyster and build around it until we come up with the end product, which in this case is not a pearl.

God
It is finally this consciousness that allows a human being to feel God as the constant energy that is absorbed by all of the chakras, filling him with sweetness and joy. Not feeling happy is only the result of not being in tune with this force and not having the consciousness to contain it. For whatever reason we fail in holding onto energy, we must look to ourselves. We cannot blame anybody or anything. It is only our lack of capacity to hold that which is given.

Revelations

In all teachings, the temptations that appear during the revelation period are those things we identify with, that take away the energy or content from the experience. It is the courage to put the bottom on the void, so that the incoming energy is not lost during any experience, that is required. This enables a person to grow endlessly, by surrendering content as fast as it manifests itself.

Seekers
It is a remarkable event when somebody presents a situation that exposes their real need. It is rare when even half the truth is given. Usually a situation is distorted beyond recognition. It is as if somebody is saying to me that if I can dig out the real situation, maybe they will allow me to help them. When a situation occasionally is presented in all its nakedness, it is only because the person is defenseless at a particular moment. As soon as they have one stitch to put on their back, they again retreat into themselves, distorting what they said and what they think you said. The ability to hear and see is rare in this world. It only exists in somebody who truly wishes to grow. This has not, unfortunately, been the attitude of most seekers. So few succeed in reaching their goal that it is safe to assume that there are few who honestly pursue a spiritual life, and even then, very few teachers who cater to anything that brings the realism that allows for enlightenment.

Spirituality

Spirituality is not about being where you think you should be. It is not about being where you want to be. Spirituality is about being on the highest point of an ascending energy that keeps growing and growing.
As this energy grows, it completely destroys every level of truth as you live it. This does not mean the truth that has been destroyed was not real. It was real for the level on which you existed before. With students, I am not interested in how long they are with me; I am just interested in one thing: whether or not they are strong enough to break up the horizontal level and continue growing. For myself, I do not want to limit myself by what I was. I do not think, "I did all this work to get to here." That is baloney. That is making a drama of your life and trying to build an image for yourself. The point is to keep growing. It is to have the courage to keep growing, even if it pulls apart the structure of your life. Then it is freeing you. There is nothing wrong with pulling apart the structure. What is wrong is to build yourself into a coffin and then stay there and try to justify it. Either you are working to live on a higher level all the time and to have a rebirth all the time, or you are trying to find justification for staying the way you are.
The whole point of what we do is to destroy matter, which is this horizontal plane we sit on: the earth. It is to translate this physical and material matter into spiritual force. This is our work.

Surrender
You sit down. Inside you, what is going on? You want to be right. "I'm a nice guy, how could this person do this to do me? How could someone take advantage of me in the business world," or "How can somebody not love me? Don't they understand what I did?" Inside you, these muscles close up; they are protecting you. They are protecting your ego, protecting the image you have of yourself. You sit down to take your breath, and you find that something has robbed you of your heart. What robbed you of your heart ? The need to be right. These muscles do not want to open. They would rather you were safe and secure behind the wall than outside the wall.
Surrendering is opening all the muscles. This is the real test of your surrender in a situation. Can you breathe ? Does the throat open to receive the energy ? Are you free to receive this energy and open and see what your condition really is ? If you find out you are constricted in your heart, you have a pain in your back, or you can't get the air down, what does it mean? It means you are closed. What closed you? It does not matter what closed you, you do not have to find the rational reason, you just have to open. You sit and work, and you breathe. I do not have that problem anymore, but I used to sit and take that breath six hundred times in one day, sometimes, to begin to feel a little crevice start to open. If you are closed, you are dead. You can't be right if you are closed. Can a closed person know what he or she did or did not do ? So, if you find that you are closed, you have to drop the whole issue of whether the other person is or is not right.


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