Aider les autres - opinions divergentes
je réfléchissais à ce que tu me disais suite à ma proposition faite à L* de considérer qu'il n'y avait qu'une chose pouvant nous rendre heureux, c'est donner de la joie aux autres.
Il m'a semblé que je connaissais d'autres personnes que celles qui viennent au monastère, que malgré mon humeur parfois mesquine, vilaine comme qui dirait, et bien que je puisse voir que mes interlocuteurs ne connaissaient d'autres joies que celles des fêtes d'anniversaire réussies ou de croisières en amoureux, pour autant je souhaitais, et je crois vraiment que c'est à ce niveau que je me tenais en étant avec eux, leur donner toute la disponibilité que j'avais pour eux et leurs casseroles toutes pourries.
Ouvrant les bras à leur être prisonnier des désirs les plus triviaux, en vivant avec eux en synchro que ces "faux désirs, cette fausse vie", nous venons tous de là, et y voguons souvent, eh bien ni eux ni moi n'étions dupes, étant Un profondément en essence. Un être coincé dans le vital sait qu'il y est coincé, par son âme, son vital lui refuse la douleur de s'humilier en se reconnaissant pauvre pécheur tributaire de verroterie prise pour des diamants.
Dans cette intention que nous développons d'amener de la joie, nous n'avons rien de particulier à emmener qui puisse nourrir les goûts de l'autre. Juste l'intention que Dieu mette en notre coeur et en notre être de quoi accueillir cet autre, et lui donne la même grâce. Etre totalement disponible, pour que l'autre sache d'expérience qu'un amour inconditionnel est notre héritage, et que rien en lui ou en nous, même ce que lui-même considère comme le pire, le plus moche, le plus coupable ne peut l'en priver.
Si nous disposions d'un temps infini, je serais d'accord. Mais pour avoir écouté des gens pendant des milliers d'heures, je sais d'expérience que si on n'est pas un saint on ne les convertit pas, on perd son temps et le leur, car notre écoute nourrit leur ego, qui est insatiable.
Si tu te sens rayonner de lumière incréée quand tu écoutes leurs histoires sans fin, alors il est bon de les écouter.
Combien de bons prêtres témoignent qu'ils n'entendent presque jamais de confession réelle ? Pourtant, ils écoutent, ils sont disponibles, et en plus ils ont l'habit.
Pour ma part, en tant que laïc, je n'ai pas le choix. Cela fait 20 ans que j'essaie de partager quelque chose (qui vaut ce qu'il vaut, certes), j'ai compris que si je ne voulais pas finir avec toutes sortes de fous sur le dos comme cela a été le funeste destin de Chepa Rinpoche qui en est mort, j'ai intérêt à bien choisir qui je nourris.
Il faut savoir que quand on nourrit une personne, on nourrit à la fois l'ego et l'âme, et on a ensuite la responsabilité de défaire la part d'ego qu'on a fait grandir chez eux. Tous les maîtres le font, qu'ils soient chrétiens ou non. Tu vas dire que nous ne sommes pas des maîtres, ça ne change rien. Nourrir une personne implique la responsabilité des erreurs qu'elle va faire avec l'énergie qu'on lui donne. Si par exemple j'encourage un ami à prier, à être bon avec les gens, si je lui remonte le moral quand ça va mal, en bref si je passe régulièrement des heures avec lui pour soutenir sa pratique, et qu'au point de x temps il se prend pour un maître et décide tout à coup d'avoir des disciples et de faire n'importe quoi, ça sera moi le responsable. Parce que sans mon soutien il n'en serait jamais arrivé là. De même s'il y a dans un monastère un novice qui déconne et qui entache la réputation du monastère, je pense que la première personne qu'on ira voir, c'est le maître des novices.
Evidemment, tout ceci n'est plus du tout considéré par les gourous néo, qui estiment n'être responsable de rien du tout, et qui distribuent leurs satsangs à tous les vents. Ils veulent "transmettre" une énergie impersonnelle n'impliquant aucune responsabilité, ce qui leur permet d'atteindre un vaste public, et d'en vivre confortablement. Il faut voir le résultat. Je sais que ce n'est pas ce que tu fais, mais si tu t'impliques personnellement, tu tombes automatiquement sous le coup des "samayas". Si tu donnes de l'énergie spirituelle, tu es responsable de ce que les gens en font et leurs erreurs remontent jusqu'à toi, occultement.