Nos pires défauts
J’ai connu autrefois un lama tibétain qui n’acceptait pas la moindre contradiction de qui que ce fut. A l’époque, je trouvais qu’il exagérait, mais aujourd’hui je comprends pourquoi. Peut-être aurait-il été utile à l’humanité en écrivant un livre ou en donnant une interview pour l’expliquer. De fait il est difficile d’admettre les remarques de gens qui se plaignent de ce qu’on a une brindille sur son tapis quand leur maison est une décharge publique. Car c’en est vraiment à ce point, mais comme chacun cultive l’image d’une maison impeccable, personne ne peut savoir ce qui se passe exactement.
Comment sait-on que les remarques des autres sont complètement à côté de la plaque ? Avec le temps, si Dieu le veut, on se découvre des gros défauts, quelque chose comme un énorme bouton au milieu de la figure, qui nous fait bien honte. On voudrait se cacher mais on ne peut pas, parce que c’est tellement évident qu’il n’y a aucun moyen de se cacher, alors on tremble, on se dit que tout le monde va le voir. Au moment précis où ça arrive, on guette dans les yeux de son prochain la lueur qui dirait « j’ai vu mais je ne dirai rien ». Mais on découvre avec étonnement que personne ne le voit, ce qui est assez effrayant en un sens. Certes, les gens ont toujours des tas de reproches à nous faire, mais pas ces choses-là. Ce qui nous fait le plus honte, qui est étalé en pleine place publique, on finit par réaliser que personne ne le voit. C’est une expérience vraiment très étrange. Ce qui va de pair, c’est qu’on voit bien sûr les mêmes choses chez les autres, mais alors ils sont tellement loin de s’en douter… Ils ne voient rien, ni chez nous ni chez eux. J’ajoute qu’on est forcément discret avec ça. Si l’on prenait quelqu’un la main dans le sac et qu’il ait conscience de l’avoir fait, on ne montrerait qu’une lueur de connivence « j’ai vu mais je ne dirai rien ». Ce qu’on dit tout haut, ce ne sont pas ces choses-là.
(Deux exemples visibles :
– On peut voir des choses de cet ordre, amplifiées, chez Isabelle Padovani, dans l’attitude putassière qu’elle a envers son public : »Nous on est des gens de bien, et les autres, les malheureux, il faut avoir pitié d’eux ». J’aurais tellement honte de dire des choses pareilles. Mais elle, pas du tout, je crois qu’elle n’en a aucune conscience, parce que la chose lui est masquée par son propre égrégore, en sorte qu’elle peut s’amplifier et devenir visible de gens très ordinaires, sans qu’elle-même puisse le voir. Ce qui montre aussi la densité de l’égrégore, puisque plus l’aveuglement est grand, plus l’égrégore est dense.
– Une autre chose de cet ordre, c’est quand une bonne Soeur de 80 ans poursuit un petit enfant, soi-disant pour lui faire des bisous, alors qu’il est si horriblement évident depuis l’extérieur qu’on a affaire à un affreux vampire qui veut se nourrir sous prétexte d’affection. De fait, l’enfant cherche à fuir, car lui, il est au courant).
Alors ensuite, quand il y a des accusations ridicules, c’est sûr qu’on ne peut pas les prendre au sérieux. C’est ainsi que l’on devient complètement imperméable aux critiques.
C’est à rapprocher de ce qui est dit que sujet de la confession à un Père spirituel. Quand une personne ordinaire va se confesser à un vrai Père, il paraît qu’elle doit s’attendre à ce qu’il considère comme inexistants ses plus graves défauts (selon elle), alors qu’il lui pointera comme péchés abominables des choses qui lui semblent des broutilles.
Si je puis ajouter une chose, les défauts les plus graves se logent derrières les actions « innocentes » ou « vertueuses ». Il y a aussi le « tout le monde le fait » ou « j’ai pas fait exprès ».
Maintenant réfléchissons. Si l’on est un maître tibétain qui veut monter un centre et se remplir les poches pour diverses raisons n’appartenant qu’à lui-même, quel type d’individu choisira-t-on comme Président de l’association et ainsi de suite ? Le plus manipulable et donc le plus insincère, ce sera aussi celui qui cultive la plus belle image de soi. Ce qui explique qu’on retrouve toujours ces sortes de gens à la tête des associations. C’est aussi ce qui garantit qu’il n’y aura aucun dharma dans les centres du dharma, mais tout le monde s’en fout.