Nature du supramental
J'ai longtemps cru que les gourous avaient raison. Les gourous vous proposent une voie, la leur, en vous disant que c'est la voie du salut, que vous pouvez en être certain, et que si vous faites ce qu'ils disent, vous serez sauvé. Si vous êtes en pays chrétien, vous allez à la messe, vous communiez, vous priez Jésus ou la vierge Marie, vous êtes gentil avec votre voisin, et ça ira. Si vous êtes bouddhiste, vous allez aux enseignements de Rinpoche, vous faites vos préliminaires, vous méditez, vous allez aux retraites, vous êtes gentil avec votre voisin, éventuellement vous faites une généreuse donation pour le Centre, et ça ira. Si vous êtes hindou, vous chantez des bhajans, vous faites votre japa, vous allez assister aux pujas en n'oubliant pas les donations pour le Temple, vous priez votre Guru de vous illuminer, vous pouvez aussi faire du yoga, vous êtes gentil avec votre voisin, et ça ira. Et ainsi de suite. Et si rien de tout ça ne vous convient, vous pouvez aller vous faire voir chez les extra-terrestres, qui auront peut-être une religion pour vous.
En réalité, comme l'a dit Sri Aurobindo, il devrait y avoir une religion par personne. C'est le sens de son yoga intégral.
Nous avons tous des capacités uniques. On peut décider de jeter toutes ces capacités au feu, soit quelques milliards d'années d'évolution, décider que le samsara est véritablement indécrottable, que la manifestation n'a servi à rien et que c'est une erreur, et dans ce cas on peut devenir bouddhiste. Ou ce que vous voulez. De toutes façons, le royaume de Dieu, ou le nirvana, n'est pas de ce monde. Il s'agit, en fait, d'un autre monde, car, ainsi que tout le monde ne le sait peut-être pas, il existe deux natures divines. Une nature émanée, que les bouddhistes/hindouistes vont appeler le nirvana, et que les théistes vont appeler paradis, dont la base est la sagesse. Et une nature créée, le samsara ou ce bas monde, dont la base est l'ignorance. Vu comme ça, la solution la plus évidente consiste à fuir le samsara qui est un océan de souffrances pour aller se réfugier dans le nirvana qui est un océan de béatitude. Vous pouvez même le faire de votre vivant, en remplaçant toutes les apparences ordinaires par des apparences pures. Et les traditions ne vous proposeront rien d'autre, dans leurs grandes lignes. En étant gentil avec votre voisin, vous améliorerez peut-être un peu le monde de façon relative, mais vous ne changerez pas sa base, qui est l'ignorance, et aucune tradition ne vous dira qu'elle peut être changée (sauf peut-être les Vedas, oubliés depuis longtemps).
Le new-age s'est certainement développé en réaction contre cela, mais au lieu de proposer des solutions, il a simplement nié les faits. Le monde est divin, les gens sont divins, et gentils, et voilà. Si le monde était divin, relativement parlant, ça se saurait. Le new age a simplement rajouté une couche d'ignorance. Maya ou l'illusion, sur laquelle toutes les traditions étaient à peu près d'accord pour dire que ça n'est pas fameux, a été déclarée divine et parfaite. Abracadabra, le tour est joué.
Ce que dit Sri Aurobindo, c'est qu'il n'y a pas 3 principes dans le Suprême, mais 4. A sat-chit-ananda ou vacuité-clarté-unification, il ajoute Vérité. Pour lui, la chute dans le samsara ne vient pas d'une ignorance primordiale sortie du néant que personne ne peut expliquer, elle vient du retournement de la Vérité, transformée en Mensonge. Par un acte de liberté. De même que l'homme est libre de refuser Dieu, les premières émanations divines ont été libres de faire ce que bon leur semblait, ce qu'elles ont fait. Dès lors que la Vérité s'est transformée en Mensonge, la Conscience s'est transformée en obscurité, la Vie en mort et la Béatitude en souffrance. Le samsara est donc l'enfant du Mensonge, en quelque sorte. Une illusion dénuée d'être propre.
Il découle de tout cela que si la Vérité pouvait descendre dans le samsara, alors il pourrait acquérir un être propre et cesser d'être un néant. Sa base ne serait plus l'ignorance, mais la sagesse, et il deviendrait une autre nirvana, susceptible d'évolution, contrairement à la nature émanée.
Pour Aurobindo, cette conscience de Vérité, qui peut transformer la nature même du samsara, c'est le supramental.