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L'entraînement de l'esprit
A lire...
17 mars 2020

03 - Eleonor

Eleonor Finnegan s'approcha avec son plateau de la table des professeurs de magie, et s'installa juste en face d'Aranthiel. Tous les lundi, il déjeunait avec ses collègues - s'il n'était pas pris par une autre obligation - avant de rentrer au Palais. Il faisait la queue comme tout le monde au réfectoire, et mangeait la même chose que les autres, sauf qu'il se faisait servir une double ration. Il fallait dire que la nourriture était excellente, sans doute à son instigation, puisqu'il était le principal actionnaire de l'Académie avec 51% des parts. C'était lui qui avait fondé cet établissement, trois cent cinquante ans plus tôt, juste après qu'il eût renoncé au Trône au profit de son frère cadet le Prince Galadriel, qui régnait depuis. Il n'aurait laissé à personne d'autre le soin de donner le Cours de magie avancée, mais ses fonctions de Sorcier de la Couronne ne lui laissaient pas le temps d'en faire davantage.
Ce jour, il était arrivé parmi les premiers, en sorte qu'il était encore seul à table. Avec ses deux plateaux, il occupait deux places à lui tout seul. Le premier comportait une pintade entière avec une assiette remplie à ras bord de patates sautées. Le second était garni d'une salade, d'une assiette de crevettes, d'une part de tarte aux pommes et d'une mousse au chocolat -. Sans oublier un pichet de vin rouge.
Bien qu'il ne fût présent qu'une demi-journée par semaine, ça ne l'empêchait pas de faire parler de lui. A la pause de dix heures, toutes les conversations tournaient autour de son dernier exploit en date. Il avait ouvert un portail de cinquante centimètres de haut pour y plonger dedans, se réceptionnant au sommet de l'amphi par une roulade parfaitement exécutée. Après quoi toute la classe avait dû y passer. Les anciens, entraînés à toutes sortes d'excentricités, s'en étaient bien tirés. Mais chez les nouveaux, ça avait été le carnage, surtout chez les filles dont la moitié avaient fini à l'infirmerie pour ne pas se faire expulser du cours. Alors il avait translaté toute la classe en salle d'arts martiaux pour y donner un cours de chutes, aidé par ceux des anciens qui avaient un diplôme d'instructeur en un quelconque art martial. Le résultat n'était pas mal. Une dizaine d'étudiants avaient maintenant la possibilité d'ouvrir des portails sans risquer une mort horrible.
Et puis la semaine précédente, l'affaire Loretta Goretti avait fait grand bruit. La pauvre fille avait couru partout pour tenter de trouver un remède à son malheur, mais aucun des professeurs n'avait pu défaire le sort d'Aranthiel - Eleonor non plus, d'ailleurs -, et quand on avait tenté de le joindre au Palais, il avait fait le mort. Le chewing-gum avait fini par tomber ce lundi, à huit heures du matin... Pour finir, il avait déjà expulsé dix étudiant(e)s de son cours pour motif de "nullité crasse" ou de "manque de respect envers les autres". On pouvait supposer que ça n'était pas terminé.
- Bonjour. Je suis Eleonor Finnegan" commença-t-elle d'une voix charmeuse.
- Je sais.
- Je suis enchantée de faire votre connaissance. J'ai beaucoup entendu parler de vous.
Il ne répondit rien.
- La nourriture est vraiment excellente. Je pensais devoir aller manger au restaurant le midi, mais je préfère finalement ce qui se fait ici. C'est meilleur et plus diététique.
Elle espérait qu'il serait sensible au compliment.
- Nous avons embauché un vrai chef, avec pour mission de ne pas faire de la nourriture pour chiens. Ni pour restaurant" répliqua-t-il d'un ton neutre.
Elle aimait bien sa voix, une voix de baryton bien timbrée, qui pouvait être autoritaire, mais douce également.
- Un équilibre difficile. Vous allez vraiment manger tout ça ?" reprit-elle dans un effort désespéré d'engager la conversation.
- Il faut croire" répondit-il en sauçant ses assiettes de salade.
Il était probablement le seul sorcier d'Eldara à manger avec des gants, et elle croyait en connaître la raison. Les mains s'illuminaient plus vite que le visage.
- J'imagine que vous faites beaucoup d'exercice physique. Moi aussi je fais de la gym tous les jours, sinon je grossis.
Elle se sentait ridicule, et pour ne rien arranger, il la regarda comme si elle était folle.
- J'ai dit quelque chose ?" s'inquiéta-t-elle.
- Je ne sais pas, vous avez dit "moi aussi". Je ne comprends pas le "aussi".
- Vous ne faites pas de gym ?...
- De la quoi ?
- Vous voulez dire que c'est pour les gonzesses et les pédés ?
Elle ne savait pas pourquoi elle avait dit ça, c'était sorti tout seul, pourtant ça n'était pas son genre. Elle se mordit la lèvre.
Coude sur la table, il leva son couteau en plissant les yeux, fit durer le suspense, puis :
- Vous m'avez bien calculé. Vous, vous irez loin.
Et il attaqua sa pintade tandis qu'elle se servait un verre d'eau d'une main tremblante.
- Alors que faites-vous ?
- Je m'entraîne avec les gardes de mon frère.
Il parlait de la Garde Royale.
Elle les imaginait déjà en train de s'empoigner en slip dans des arènes de sable, le corps couvert d'huile.
- Vous avez dû connaître de grands moments d'amitié virile.
Voilà que ça recommençait. Mais qu'est-ce qu'elle avait ?
Cette fois, il déposa ses couverts.
- Vous avez envie de baiser ou quoi ?
- Pardon ?
- Je ne sais pas, la façon dont vous me parlez, c'est ce que ça m'évoque.
Maintenant qu'il le disait, il n'avait probablement pas tort. Il était vraiment beau, et il avait une façon de la regarder... évaluant le décolleté et tout le reste d'une façon bien masculine.
Comme la plupart des femmes amenées à le rencontrer, elle s'était bien juré de ne pas tomber sous son charme, parce que
elle, elle était forte, elle n'était pas comme toutes ces traînées esclaves de leurs hormones.
Mais plus elle le regardait, moins elle voyait la nécessité d'être forte.
- Ne vous mettez pas en peine de chercher une réponse" reprit-il :"Je ne baise pas les magiciennes.
- Pourquoi ?
- Je ne suis pas fou.
- Toutes les magiciennes ne sont pas des créatures perfides et dangereuses.
- C'est vous qui le dites.
- De la même façon que tous les sorciers ne sont pas des obsédés sexuels" ajouta-t-elle.
- Je ne saurais vous le confirmer.
Du coin de l'oeil, elle nota que les autres professeurs de magie s'étaient installés un peu plus loin, comme pour les laisser seuls. Certains leur jetaient des coups d'oeil hilares.
- Vous pensez vraiment que je suis une créature perfide et dangereuse ?
- Vous êtes un magicienne de deux cent cinquante ans, que pourriez-vous être d'autre ?
- Sérieusement, vous n'en avez pas assez des jeunes étudiantes ? Je veux dire, ce sont des gamines... Vous n'avez jamais eu envie d'aller avec quelqu'un qui serait un peu plus apte à vous donner la réplique ?
- Je ne vais pas avec les femmes pour qu'elles me répliquent quoi que ce soit. Sans compter que souvent, elles ont la bouche pleine.
Elle faillit lui jeter son verre d'eau à la figure. En même temps, il pouvait dire cela exprès pour la rendre furieuse. Il avait la réputation d'un type difficile à cerner, pas d'un demeuré.
- Ce rôle de macho primaire ne vous met franchement pas en valeur.
Il haussa les épaules.
- J'ai postulé pour un emploi de professeur dans votre Académie parce qu'elle a la réputation d'être la meilleure" reprit-elle : "Et parce que j'aime l'enseignement. On dit que le professeurs ici sont intelligents, cultivés et raffinés.
- "On" devait parler de l'autre table" fit-il en désignant ses collègues avec sa fourchette.
Elle eut vraiment le sentiment de se trouver devant une huître qu'elle ne parvenait pas à ouvrir. Une huître qui faisait preuve d'une singulière mauvaise volonté, depuis le début. Quelle était la bonne manière ? C'était un défi à son intuition féminine.
- Je ne peux pas croire que vous soyez aussi grossier avec toutes vos collègues femmes.
- C'est vous qui avez commencé à insinuer que j'étais pédé.
- Mais pas du tout.
- Si, vous avez parlé d'amitié virile.
- Comme vous l'avez dit vous-même, c'était une façon détournée d'évoquer d'autres possibilités.
- J'ai l'impression que cette conversation tourne en rond.
- Je vous en prie, Votre Altesse, soyez un peu indulgent avec la pauvre fille que je suis. J'ai l'impression d'avoir affaire à un hérisson. Je vais finir par me demander ce que je vous ai fait pour mériter ça.
- Je ne vous aime pas.
- A cause de ce que j'ai dit ?
- A cause de la personne qui vous envoie.
Elle demeura interdite.
- De quoi parlez-vous ?
- La Confrérie Urwelt. Margareth Ohlendorf. Ces magiciennes qui entretiennent leur petit cheptel de sorciers à seule fin d'augmenter leurs pouvoirs. Alors bien sûr, je ne suis pas au courant de toutes vos combines dans le détail, mais je trouve cela comment dire... malsain. Un peu répugnant, en fait.
- Quel est le rapport avec moi ?
- Vous me prenez vraiment pour un idiot.
Elle ouvrit la bouche, et puis la referma. Il hocha la tête.
- Vous avez raison de vouloir réfléchir à votre prochaine réplique.
Pour comprendre la situation, il fallait revenir à l'origine de toute cette affaire.
Depuis trois mille ans, tous les sorciers se trouvaient placés sous l'autorité suprême d'un Gardien, un être divin et supposément omniscient, qui se portait garant de leur relative innocuité. On disait que la lignée des Gardiens avait été créée pour empêcher Eldara de sombrer dans le chaos, et c'était probablement vrai, car avant leur apparition, les royaumes étaient déchirés par des guerres civiles interminables, sans parler d'une terrible famine dûe au bouleversement des saisons. C'était la sombre époque des Rois-sorciers de sinistre mémoire, de véritables démons dont la puissance n'avait de limites que leur capacité à maîtriser la magie qu'ils canalisaient. Dans tous les royaumes, ils avaient pris le pouvoir, et le peuple s'était élevé contre eux, leur menant une guérilla sans fin. Car s'il leur était facile de balayer des armées entières, il leur était plus difficile de traquer des individus dans les forêts, dans les montagnes, ou même sous terre, pour autant que ces derniers fussent protégés par de "bons" sorciers. A vrai dire, les sorciers voués au bien avaient toujours été plus nombreux que ceux qui se vouaient au mal, mais ils étaient bien moins puissants. Quoi qu'il en fut, les livres anciens parlaient d'une époque de guerre, de famine, et de maladie, qui avait duré plus d'un siècle, avant de se conclure par une terrible catastrophe qui avait coûté la vie à 90% de la population.
Personne ne savait au juste comment le Premier Gardien avait fait son apparition, toujours est-il qu'il y avait mis bon ordre. Sous son autorité, et celle de ses successeurs, les sorciers étaient devenus bien moins puissants qu'autrefois. Evidemment personne ne comprenait comment des êtres aussi puissants que les Gardiens pouvaient ne pas être corrompus, ni finir comme les Rois-sorciers, car on les disait omniscients, et quand leur justice s'abattait sur vous, il n'y avait rien à faire. Mais il fallait bien reconnaître que depuis qu'ils existaient, les royaumes ne se livraient plus qu'aux guerres territoriales habituelles, et que la magie ne subissait plus de désordres majeurs - comme le jour où l'axe de Una avait basculé.
En effet, la magie n'était pas une force impersonnelle, comme l'électricité, ou le magnétisme. C'était l'aura de cet être gigantesque, Una, qui portait Eldara. Car Eldara n'était pas une planète à proprement parler, ni une lune. C'était une demi-sphère. Une demi-sphère avec avec un bord. Et ce monde était porté par un Lophora, une sorte de méduse de l'espace, constituée d'une couronne hémisphérique de trois mille kilomètres de diamètre, et d'un corps long de dix mille kilomètres.
Les Lophora étaient des êtres très énigmatiques, mais qui aimaient la compagnie. Les plus petits étaient utilisés comme vaisseaux spatiaux par les Asûrim, les cousins maudits des Eldars, car ils pouvaient atteindre des vitesses supraluminiques et former des habitations dans leur strate supérieure. Et puis, au fur et à mesure qu'ils grandissaient, ils se recouvraient d'une sorte de matériau semblable à de la terre, en sorte qu'il se constituait en leur sommet une couche de sédiments de plusieurs kilomètres d'épaisseur, où l'on pouvait faire pousser toutes sortes de choses et construire des villes. Une fois terraformée, la couronne des Lophora retenait une atmosphère parfaitement respirable, et leur énergie constituait un bouclier, efficace contre tout ce qui aurait pu venir de l'espace. La couronne de Una comportait trente mille anneaux de plus ou moins cent mètres de large, ce qui équivalait à trois millions d'années. Elle faisait environ cinquante kilomètres d'épaisseur, avec parfois d'importantes variations, en sorte qu'il y avait de hautes montagnes, et de profondes vallées. Il y avait également trois mers intérieures, et un océan extérieur.
Comme elle s'était mise en orbite autour d'une planète habitée en se cachant derrière une grosse lune à laquelle elle présentait toujours la même face, sa durée de révolution était la même que celle de la lune en question, vingt huit jours. Heureusement, les sorciers du passé avaient mis en place un système de jours et de nuits artificielles, contrôlées par le Vortex principal qui débouchait à Heliopolis, sous la tour d'Aranthiel. En sorte qu'il en avait la surveillance, de toutes façons il était l'un des rares à comprendre comment ça fonctionnait.
Comme Eldara était inclinée de 20° sur son axe, il y avait des saisons, et comme sur Unasin, l'existence sur ses bords nord et sud était plus rude. Dans tous les cas, les habitants d'Eldara ne voyaient jamais Unasin, même en navigant jusqu'à l'extrême bord de la couronne - car il n'y avait qu'un seul grand continent entouré d'eau, l'Océan du Bord, qui grandissait chaque année. L'eau était bien répartie, car Una engendrait mystérieusement une gravité de 1G en tous points de sa couronne.
Constitutivement, ni les humains ni les Eldars ne pouvaient canaliser la magie. Seuls le pouvaient les Asûrim, dans une certaine mesure, et s'ils le pouvaient, c'est parce qu'ils avaient subi des mutations spécifiques, au nombre desquelles il s'en trouvait quelques unes qui les rendaient sensibles à la magie.
Car les anciens Eldars avaient découvert que, si on savait le leur demander, les Lophora pouvaient induire diverses sortes de mutations, qui permettaient par exemple de canaliser leur énergie, la "magie", également nommée "éther". Il existait sept mutations concernant cette aptitude spécifique. Lorsque les Eldars utilisaient la magie, cela les connectait avec Una et leur donnait certains pouvoirs. En retour, ça lui permettait d'évoluer, d'acquérir de l'information.
L'énergie de Una était infinie, à l'échelle d'un homme. Seul le Gardien en avait la pleine disposition, parce qu'il n'était pas humain, et totalement uni à la conscience centrale. Tout ce qu'Una ressentait, il le ressentait. Tout ce qu'elle voyait, il le voyait. C'était du moins ce que l'on disait, car personne ne l'avait vérifié. Ce qui était sûr, c'est que le Gardien ou son disciple le Passeur pouvaient vous envoyer sur Unasin d'une seule pensée, et que vous n'aviez aucune chance d'en revenir s'ils en décidaient ainsi.
Cela dit, les Gardiens ne passaient pas leur temps à intervenir, ni même à surveiller tout le monde, car ils avaient bien d'autres chats à fouetter, selon leurs propres dires. Ils avaient donc trouvé un moyen fort simple de limiter les pouvoirs des sorciers.
Car ce que l'on devait savoir avec la magie, c'est qu'elle vous entrait par les centres subtils du bas, en vertu de son caractère assez brut et non raffiné. A faible dose, il n'y avait guère d'effets secondaires. Mais à forte dose, elle induisait une tension dans les canaux subtils qui s'apparentait à un désir sexuel irrépressible. Il n'existait que deux moyens de l'équilibrer : par la méditation, et par le sexe. Pour ce qui était de la méditation, tous les Archimages fraîchement initiés se juraient de faire mieux que leur prédécesseurs, et d'acquérir grâce à elle de plus grande capacités. Mais c'était une pure illusion, Eleonor en avait elle-même fait l'expérience. Comme tout le monde, elle avait atteint un point limite, aux alentours de cinq mille mags, où la proportion de ce qui n'était pas sublimé vers les canaux du haut commençait à menacer son équilibre physique et mental. Tout n'aurait pas été si terrible s'il avait été possible de trouver facilement des partenaires de sexe opposé, ce qui permettait d'équilibrer l'énergie et de réduire la tension. Malheureusement, au-delà d'un certain point, la magie induisait une augmentation de température insupportable pour n'importe quel partenaire qui ne se situait pas dans une fourchette raisonnable de similarité. On considérait que la différence maximale de potentiel ne pouvait excéder un facteur de cinq. Ce n'était pas exactement une chaleur physique, elle n'affectait ni la pierre ni le métal ni le bois. Mais elle affectait les plantes, dans une certaine mesure, et surtout les êtres de chair. Plus exactement leurs corps subtils. C'était un feu aisément repérable parce qu'il émettait une belle lumière bleue chez les hommes. Chez les femmes, elle était rouge. Une histoire de canaux. Lorsqu'il était équilibré, la lumière était violette. C'était plutôt rare. Les Gardiens quant à lui émettait une lumière entièrement blanche, comme Una, du moins c'est ce que prétendaient ceux qui les rencontraient, même si à la longue beaucoup de gens finissaient par douter de leur existence.
En sorte que les Archimages - ceux qui avaient reçu la sixième initiation, celle qui donnait accès potentiellement infini au Feu magique - étaient condamnés au célibat, ou à coucher entre eux, contrairement aux mages de rang inférieur - ayant reçu les cinq premières initiations -. A ce petit jeu de coucheries, les femmes étaient évidemment avantagées, car il est plus facile à une femme de convaincre un homme que l'inverse. En ce qui la concernait, Eleonor était belle et n'avait jamais eu de mal à convaincre ses partenaires potentiels. Pour autant, ce n'était pas satisfaisant. Bien qu'il fût admis qu'il y avait trois cents Archimages sur tout Eldara, la moitié ne se montrait jamais, et un quart avait choisi le célibat quoique cela limitât leurs pouvoirs. Le quart restant était composé de gens qui ne faisaient pas forcément envie. Même si quatre Archimages sur cinq étaient des hommes, Eleonor aurait eu du mal à en trouver un seul avait qui elle aimait faire ça. Comme elle, la plupart d'entre eux éprouvaient quelque difficulté à conserver un parfait équilibre mental. Elle n'avait le choix qu'entre des psycho-rigides, des caractériels, des névrosés et des franchement bizarres. Et là se posait un second problème, celui du contrôle émotionnel. Même équilibrée, la magie amplifiait toutes les tendances. Si l'on passait la limite, c'était l'assurance de devenir fou, avec à la clé l'intervention du Gardien actuel, Samaël.
On savait que les Rois-sorciers avaient eu en leur possession un moyen de contourner ces deux problèmes dans une certaine mesure, et c'était cela que les Gardiens avaient fait disparaître, non seulement en éliminant tous ceux qui connaissaient ces moyens et qui étaient peu nombreux, mais en expurgeant toutes les bibliothèques avec le plus grand soin.
Aranthiel avait retrouvé le moyen de coucher avec n'importe qui, Dieu sait comment. Ce qu'on ignorait, c'était ce qu'il en avait fait. Tout ce qu'on avait réussi à tirer de ses diverses partenaires, c'est que son "secret" consistait en une certaine modification de son habit - et qu'il avait une queue magique, mais c'était une toute autre histoire -. En effet, comme tous les Archimages, il portait un habit spécial, qu'il faisait naître de son corps, et qu'il pouvait résorber à volonté. Une sorte de susbtance douce et soyeuse qui prenait la forme qu'ils voulaient, qui les protégeait du froid, de la pluie, et même du chaud... Ils pouvaient aussi en faire une armure, pour ceux qui savaient comment. En réalité, c'était une substance à laquelle on pouvait conférer de nombreuses propriétés, à condition de connaître les formules. Avec cette substance, Aranthiel avait fabriqué pour les Gardes royaux des armures légères, souples, et plus solides que n'importe quel alliage connu.
Au final, on soupçonnait qu'il était devenu passablement puissant.
- Ce n'est pas ce que vous croyez.
- Qu'est-ce que je crois ?
- Que je suis là pour vous espionner.
Il eut un signe de dénégation.
- Rien de si compliqué. On vous a simplement chargée de m'évaluer, afin de déterminer s'il faut m'éliminer.
- Mais pas du tout !" s'exclama-t-elle.
Il l'observait avec attention, comme s'il cherchait à lire dans son aura.
- Je vous plains" finit-il par conclure. "Vous êtes dans un sacré merdier.
- Pour cette partie-là, vous avez raison.
- Pour l'autre aussi. Je ne peux pas vous aider.
Il la regardait d'un air si sincèrement désolé que ce fut comme si elle se voyait par ses yeux, et qu'elle sentit les larmes lui venir.
- Pourquoi me regardez-vous ainsi ? Votre vie est-elle tellement meilleure que la mienne ?
- Avez-vous aimé un seul des hommes avec lequel vous avez couché ?" demanda-t-il doucement.
- Je ne sais pas...
- Si vous ne savez pas, c'est que vous savez. Quand on aime, on se souvient. Mais comment pouvez-vous aimer, alors que vous couchez avec eux à seule fin d'augmenter votre pouvoir ?
- Pardon, mais n'est-ce pas exactement ce que vous faites ?
- Non.
Elle était un peu stupéfaite. Elle aurait compris qu'il l'attaquât sur un sujet plus polémique, par exemple le fait que la Confrérie monopolisait les meilleures places, chez les employeurs les plus prestigieux, parce qu'ils étaient tout simplement plus puissants que leurs collègues. Mais ça ?
- Vous aimez toutes les filles avec qui vous couchez ?
- Oh oui.
- Pardonnez-moi, mais il semble que dans votre bouche, aimer soit synonyme de bander.
- Non" répondit-il simplement.
- Alors dites-moi ce que c'est.
- C'est vouloir le bien de l'autre.
- Et vous allez me dire que vouloir le bien d'une fille, c'est la baiser. Excusez-moi, mais ça se mord la queue, c'est le cas de le dire.
- Pas seulement la baiser" fit-il d'un air sentencieux, ponctuant ses paroles avec sa fourchette :"Mais la baiser
bien.
- Tous les hommes estiment qu'ils baisent bien, vraiment vous n'êtes pas original.
- Je ne vois pas en quoi ça serait une preuve que je me trompe.
Là, il marquait un point, en toute logique.
- Voyez-vous" reprit-il :"Quand on a vendu son âme, ou plutôt son cul, pour du pouvoir, on ne peut pas aimer. Et je ne parle même pas du sort que vous faites subir aux pauvres mâles que vous utilisez, dont vous vous débarrassez dès qu'ils deviennent gênants. D'ailleurs on pourrait se demander jusqu'à quel point ils sont consentants, et si vous ne vous livrez pas sur eux à d'ignobles chantages dont je ne veux pas connaître le détail. Bref, tout le monde sait qu'avec votre petit groupe, vous avez réussi à tout contrôler, vous assurer les meilleures places, faire la pluie et le beau temps dans l'Assemblée.
- Ce n'est pas comme si le Gardien n'était pas au courant.
- Il doit se dire que vous ne serez jamais un danger réel, en revanche c'est scandaleux pour les honnêtes magiciens qui ne peuvent plus espérer que des carrières médiocres.
- Pourquoi m'avez-vous embauchée, si vous avez si piètre opinion de ma personne ?
Il haussa les épaules.
- Parfois, il vaut mieux avoir son ennemi sous le coude.
- Je ne suis pas votre ennemie, et tout ce que vous me dites m'intrigue sincèrement. Vous avez raison, je n'aime pas les hommes avec qui je vais, on pourrait même dire que je les déteste, en un sens. Je voudrais bien qu'il en soit autrement, mais comment faire ? Comment faites-vous ?
Il la considéra longuement, puis :
- J'avais quatre-vingt-trois ans le jour où la magie a foutu ma vie en l'air. Je me souviendrai de ce jour toute ma vie. J'étais en train de le faire l'amour à une femme que j'adorais, Elma, et tout à coup, voilà que je me mets à émettre une douce lumière bleue, et qu'elle se met à crier... mes aïeux, quel choc. Je ne l'attendais pas si tôt. A cette époque, j'entretenais une dizaine de maîtresses que j'honorais avec la plus grande joie, j'ai toujours aimé les femmes... eh bien, impossible de rien faire avec aucune de celles-là. Je pouvais les embrasser, les caresser, mais dès qu'on voulait aller plus loin, voilà qu'on se retrouvait avec cette foutue lumière bleue, et je finissais à la porte. Affreux. La magie m'avait rattrapé plus vite que ce que j'avais prévu, et d'ailleurs je n'étais pas le premier. Je n'ai pas non plus été le dernier. Le pire, à partir de là, c'est que mon désir n'a pas cessé d'augmenter. Ma vie est devenue un enfer, j'ai cru que j'allais devenir fou. J'ai dû stopper toute utilisation de la magie. J'ai pratiqué intensivement la méditation, vous savez, celle qu'on nous apprend pour soi-disant "transmuter l'énergie sexuelle". Quelle foutaise. C'est sûr que quand on n'a a pas, c'est facile de la transmuter. Mais quand on est comme moi... la magie me rentrait dedans à tout bout de champ, j'ai dû me résoudre à mettre un foutu caleçon enchanté pour empêcher ça. Ne souriez pas, je sais que je ne suis pas le seul. La moitié des Archimages en portent un. Bande de crétins inconscients qui ont foutu ma vie en l'air. C'est à cette époque que j'ai commencé à m'entraîner aux armes. Pas pour en faire un métier, j'aurais tué tout le monde tellement j'en voulais à l'univers entier. Juste pour me défouler. Ça me calmait un peu, pas autant que je l'aurais espéré.
- Et les lieux-sans-magie ?
Il était possible en effet de créer des lieux dénués de magie de la taille d'une petite pièce environ.
Il haussa les épaules.
- Je n'avais pas assez de pouvoir pour ça. Una exerce une sacrée pression sur ce genre de choses, vous savez. C'est comme de maintenir un sous-marin à plusieurs kilomètres de profondeur.
- Qu'est-ce que vous avez fait, alors ?
- Je me suis mis à écumer toutes les bibliothèques d'Eldara. Il
fallait que je trouve une solution. Je me suis juré de ne pas mourir sans avoir pu baiser à nouveau une fille dont je serais amoureux.
Il se tut.
- Et donc ?
- Ça va être froid..." fit-il en lui désignant son assiette. Lui, par contre, il avait gardé un bon rythme, malgré son long discours. "C'est fou tout ce que j'ai appris. Je n'aurais jamais cru. Six siècles à éplucher tout ce qui avait pu s'écrire sur la question de la magie. Ça m'a appris à lire. J'avais fait des études de magie, je me croyais intelligent, mais en fait je n'avais rien compris. Il faut dire que tant que ça m'était possible, j'avais passé plus de temps à baiser qu'à étudier... mais tout de même. La triste vérité, c'est que personne n'y comprend plus grand chose depuis pas mal de temps.
- Je croyais que c'était le contraire.
Il secoua la tête.
- Les modernes se sont égarés. La magie n'est pas une science. Voyez-vous, vous avez affaire à un
être, pas à une machine.
- Un être tellement différent de nous que nous sommes comme des fourmis sur son dos. Ou plutôt des bactéries. Une colonie de bactéries.
- Si nous étions une colonie de bactéries, Una n'aurait pas pris la peine de nous héberger. Nous sommes importants pour elle. Et la magie, c'est une histoire de relation, notre relation avec elle. Ce n'est pas un langage mathématique, c'est un langage tout court. Mais bien sûr..." fit-il en attaquant sa tarte aux pommes :"...il est plus facile de répéter des formules comme un perroquet que d'être poète.
- Poète ?
- Je peux vous ouvrir un portail en forme de fleur, si vous voulez.
Eleonor avait toujours cru que la magie, c'était d'abord une affaire d'érudition, et tout le monde attribuait les facultés d'Aranthiel à sa mémoire prodigieuse. Son frère Galadriel en avait également hérité, qui avait été dans sa jeunesse champion d'Echecs d'Eldara. Quoi qu'il en fut, on considérait la magie comme une sorte de science, qui était aussi un langage avec des mots et une grammaire. Tout cela formait un totalité organique, toujours en évolution, avec différentes strates. Il y avait la magie d'autrefois, la magie moderne, chaque royaume avait sa magie, celle des humains était un peu différente de celle des Eldars... En revanche, il n'y avait rien de tel qu'une magie universelle, ou qu'une magie personnelle. Sans même parler d'une magie poétique. Elle ne croyait pas qu'il fût sérieux.
- Et dire que le monde vous prend pour un érudit.
- Je suis aussi un érudit, mais l'ironie de la chose, c'est que je n'ai jamais voulu l'être. Si j'ai appris tout ce que j'ai appris, c'était seulement dans l'espoir qu'un jour, je
comprendrais. Je n'espérais pas que les Gardiens aient fait un oubli, ça n'est pas leur genre. Mais après tout, la magie est un système fait d'une seule pièce, comme un puzzle gigantesque. Si d'autres avaient trouvé la solution, moi aussi je devais pouvoir la trouver, en remettant toutes les pièces ensemble. A partir de là, je pourrais faire tout ce que je voudrais... C'est devenu une obsession. Sauf que cette compréhension-là, c'est avant tout une question d'amour.
Eleonor fronça les sourcils, elle était de plus en plus intriguée.
- D'amour ? On dirait que vous parlez de cette ancienne religion établie par le Premier Gardien. Elle a disparu depuis plus de mille ans.
- Parce que les gens sont devenus incapables de comprendre de quoi il s'agissait véritablement.
- Ils vous diraient plutôt que les sorciers de cette époque étaient assez naïfs. Après les grandes catastrophes provoquées par les Rois-sorciers, toute forme de culture avait disparu, il fallait quelque chose de simple pour donner un sens à l'existence des gens. Les Gardiens de cette époque se sont exprimés à travers un langage symbolique qui leur parlait.
Il sourit.
- Mais depuis, nous sommes devenus si intelligents... n'est-ce pas ?
- Les Rois-sorciers étaient incroyablement puissants et il n'était pas question d'amour, pour eux.
- La technologie également peut vous donner une puissance incroyable. Et même si elle est incompatible avec la magie, rien ne vous empêche d'envisager la magie comme un ensemble de techniques. Vous pensez que c'est une attitude très moderne, mais vous n'avez rien inventé. Les Rois-sorciers ont développé l'approche techniciste à l'extrême, ils en sont venus à contrôler des quantités de magie phénoménales grâce à des artefacts de plus en plus puissants. C'est ce qui les a menés à leur perte. Si le Premier Gardien n'était pas apparu, Eldara serait devenue un désert avec juste des scorpions et des serpents. La technique tue tout ce qu'il y a de bon en l'homme et ne peut conduire qu'à ces sortes de choses. Vous remarquerez que la Confrérie Urwelt s'est développée en même temps que cette approche soi-disant moderne. Avant cette époque, les sorciers comprenaient spontanément qu'il n'aurait pas été bon d'utiliser leurs semblables pour augmenter leurs pouvoirs. Dans votre arrogance, vous pensez que c'était de la naïveté, mais c'était de l'intelligence. Pour eux, Una n'était pas pas une source de pouvoir, elle était d'abord leur mère, leur amante, leur déesse... Et les autres sorciers, ce n'était pas des gens qu'on utilise, mais des frères.
- Ainsi, vous auriez raison, et tout le monde aurait tort ?
- Tout le monde... je ne pense pas. Je suis convaincu qu'il subsiste quelque chose de l'ancienne religion, mais que cela nous est devenu inaccessible parce que nous sommes devenus incapables d'appréhender son véritable contenu, qui nous dépasse de très loin. Si les mages actuels se sont repliés dans une perception uniquement technique, c'est par étroitesse d'esprit. Voyez le résultat...
- Chacun sait que la contamination actuelle de l'éther résulte d'un emploi inapproprié et trop important de la magie. Nous sommes trop nombreux, et la magie est utilisée pour trop de choses. Nous avons perdu la sobriété de nos ancêtres, nous gaspillons cette énergie précieuse.
Il secoua la tête.
- L'énergie de Una est infinie, c'est l'énergie des étoiles, de l'univers... C'est notre manque d'amour qui la rend malade, rien d'autre. Et nous aussi, nous en souffrons. Regardez votre vie, vous avez vécu deux cents cinquante ans, et pour quoi ? Même si vous en saviez cent fois plus, à quoi ça vous servirait ? Si la magie n'est pas l'expression d'un désir, et de votre amour pour Una... bon dieu mais comment voulez-vous jamais être heureuse ?
Il était tellement beau quand il en parlait qu'elle avait presque envie de le croire, parce que sa magie à elle, c'était quelque chose de vraiment prosaïque, comme de la physique ou de la chimie. Un ensemble de procédures permettant de parvenir à certains résultats. Una lui paraissait si lointaine.. c'était un être, sans conteste, mais un être avec lequel on ne pouvait envisager aucune relation. Pas si on était sérieux. En même temps, Aranthiel était un sorcier réputé pour son habileté et son originalité, même si personne ne connaissait au juste l'étendue de ses pouvoirs. En tous cas, la Confrérie le craignait assez pour vouloir le surveiller par tous les moyens possibles et imaginables.
Eleonor avait cru tomber sur un de ces techniciens froids et calculateurs comme elle en connaissait bon nombre, un érudit alignant des formules de main de maître, qui utilisait les femmes à ses propres fins et n'aimait que lui-même. Mais voilà qu'elle découvrait un homme qui lui parlait d'amour et dont il émanait quelque chose qui lui donnait envie de pleurer...
Par delà toutes ces considérations sur la magie, dont elle n'aurait su juger de la validité, elle réalisa douloureusement qu'aucun homme ne l'avait jamais aimée, même si certains l'avaient prétendu quand elle était jeune et encore assez naïve pour vouloir les croire. La vérité, c'est qu'ils avaient tous voulu l'utiliser pour leurs besoins personnels. Lorsque Aranthiel lui parlait de toutes ces choses, elle sentait dans son coeur comme une douce chaleur. C'était cela qui attirait les femmes, son attitude amoureuse. Elles savaient qu'avec lui, elles seraient aimées, au moins une fois dans leur vie.

Lorsque Aranthiel sortit du réfectoire, il vit la petite Natacha Alexandrovna se diriger droit sur lui, se demanda s'il aurait été judicieux de disparaître illico dans un portail. Le temps d'y réfléchir, elle était sur lui...
- Monsieur, je dois vous parler.
- Je t'écoute" fit-il avec cet air patient et bienveillant du professeur avec qui il ne s'est strictement rien passé.
- Qu'est-ce que vous m'avez fait ?
- Peux-tu préciser ta pensée ?
- J'ai du mal à m'en souvenir, mais je sais que vous m'avez fait quelque chose qui m'a changée.
Allons bon, celle-là était-elle plus intelligente que ses camarades ? Il est vrai qu'elle était une de ses meilleures élèves cette année.
- En bien ou en mal ?
- Je ne sais pas. Je me sens différente, toutes sortes de choses ont cessé de m'intéresser, maintenant c'est comme si je voulais... autre chose, mais je ne sais pas quoi, et je me sens malheureuse parce que je ne sais pas où le trouver. La vie que j'ai me paraît dénuée de sens.
Il l'invita à s'asseoir sur un banc.
- Que faudrait-il pour qu'elle ait du sens ?
- Si je le savais je ne serais pas en train de vous en parler. Lundi dernier ça n'était pas comme ça, j'étais inexplicablement heureuse, tout avait du sens. Mais c'est parti, maintenant je suis inexplicablement malheureuse, et je ne comprends pas ce qui a changé.
- Il est possible que tu sois en train de développer une appréhension plus juste de la magie.
- Je ne comprends pas.
- Una est un être qui désire notre amour.
Elle le regarda bizarrement.
- Il y a une semaine, je ne vous aurais pas cru. Mais aujourd'hui, je ne sais plus. Vous croyez vraiment qu'on peut communiquer avec elle ?
- Communiquer... c'est encore autre chose. Mais l'amour que tu éprouves envers elle, elle le ressent, et en échange, elle te fait percevoir les choses différemment. ce que tu fais devient plus... juste. Parfois, tu ressens une présence chaleureuse, comme celle d'une mère aimante.
- Personne ne développe plus cette approche aujourd'hui. Tout le monde sait que c'était un genre de naïveté, à une époque où les gens croyaient encore à toutes sortes de choses un peu folles.
- Tu devrais lire les écrits des sorciers d'autrefois, avec impartialité. Tu me diras si vraiment ce sont des idiots et des naïfs.
- Qui me conseillez-vous ?
- Tous les grands auteurs nés y a plus de mille ans. Les Archives en sont pleines. Lis, et nous reparlerons.
- Pourquoi ne parlez-vous pas de tout cela en cours, si c'est ce que vous croyez ?
Il haussa les épaules.
- Tout le monde penserait que je suis fou.
- Mais vos disciples proches, c'est ce que vous leur dites ?
- J'essaie. Mais c'est la chose la plus difficile qui soit. Toutes sortes de choses nous viennent naturellement, parce qu'elles ne nécessitent aucune implication. Pourquoi les anciens Eldars avaient-ils développé une civilisation scientifique si avancée ? Parce que la science est facile, elle est extérieure à nous-mêmes, il n'y a pas besoin de s'interroger sur soi, ni de voir la vérité en face. C'est pour cette raison d'ailleurs que même la magie, qui en principe est quelque chose de plus intime, nous avons réussi à en faire une science. Si nous ne changeons pas notre façon de voir, ce sera notre perte, comme cela a été la perte des Rois-sorciers, bien que pour des raisons différentes. A l'époque, nous avons dû faire face à la corruption de quelques personnes devenues extrêmement puissantes. Aujourd'hui, c'est une vulgarisation à outrance, la magie est utilisée comme une ressource naturelle et impersonnelle, que nous pourrions employer sans la moindre délicatesse.
- J'aimerais bien que vous ayez raison.
- J'ai raison.



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L'entraînement de l'esprit
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Enseignements de Rudi

Fear
We have the capacity in our minds to create that which we are most afraid of; in the same way that we bury some ignorance like a grain of sand inside the shell of an oyster and build around it until we come up with the end product, which in this case is not a pearl.

God
It is finally this consciousness that allows a human being to feel God as the constant energy that is absorbed by all of the chakras, filling him with sweetness and joy. Not feeling happy is only the result of not being in tune with this force and not having the consciousness to contain it. For whatever reason we fail in holding onto energy, we must look to ourselves. We cannot blame anybody or anything. It is only our lack of capacity to hold that which is given.

Revelations

In all teachings, the temptations that appear during the revelation period are those things we identify with, that take away the energy or content from the experience. It is the courage to put the bottom on the void, so that the incoming energy is not lost during any experience, that is required. This enables a person to grow endlessly, by surrendering content as fast as it manifests itself.

Seekers
It is a remarkable event when somebody presents a situation that exposes their real need. It is rare when even half the truth is given. Usually a situation is distorted beyond recognition. It is as if somebody is saying to me that if I can dig out the real situation, maybe they will allow me to help them. When a situation occasionally is presented in all its nakedness, it is only because the person is defenseless at a particular moment. As soon as they have one stitch to put on their back, they again retreat into themselves, distorting what they said and what they think you said. The ability to hear and see is rare in this world. It only exists in somebody who truly wishes to grow. This has not, unfortunately, been the attitude of most seekers. So few succeed in reaching their goal that it is safe to assume that there are few who honestly pursue a spiritual life, and even then, very few teachers who cater to anything that brings the realism that allows for enlightenment.

Spirituality

Spirituality is not about being where you think you should be. It is not about being where you want to be. Spirituality is about being on the highest point of an ascending energy that keeps growing and growing.
As this energy grows, it completely destroys every level of truth as you live it. This does not mean the truth that has been destroyed was not real. It was real for the level on which you existed before. With students, I am not interested in how long they are with me; I am just interested in one thing: whether or not they are strong enough to break up the horizontal level and continue growing. For myself, I do not want to limit myself by what I was. I do not think, "I did all this work to get to here." That is baloney. That is making a drama of your life and trying to build an image for yourself. The point is to keep growing. It is to have the courage to keep growing, even if it pulls apart the structure of your life. Then it is freeing you. There is nothing wrong with pulling apart the structure. What is wrong is to build yourself into a coffin and then stay there and try to justify it. Either you are working to live on a higher level all the time and to have a rebirth all the time, or you are trying to find justification for staying the way you are.
The whole point of what we do is to destroy matter, which is this horizontal plane we sit on: the earth. It is to translate this physical and material matter into spiritual force. This is our work.

Surrender
You sit down. Inside you, what is going on? You want to be right. "I'm a nice guy, how could this person do this to do me? How could someone take advantage of me in the business world," or "How can somebody not love me? Don't they understand what I did?" Inside you, these muscles close up; they are protecting you. They are protecting your ego, protecting the image you have of yourself. You sit down to take your breath, and you find that something has robbed you of your heart. What robbed you of your heart ? The need to be right. These muscles do not want to open. They would rather you were safe and secure behind the wall than outside the wall.
Surrendering is opening all the muscles. This is the real test of your surrender in a situation. Can you breathe ? Does the throat open to receive the energy ? Are you free to receive this energy and open and see what your condition really is ? If you find out you are constricted in your heart, you have a pain in your back, or you can't get the air down, what does it mean? It means you are closed. What closed you? It does not matter what closed you, you do not have to find the rational reason, you just have to open. You sit and work, and you breathe. I do not have that problem anymore, but I used to sit and take that breath six hundred times in one day, sometimes, to begin to feel a little crevice start to open. If you are closed, you are dead. You can't be right if you are closed. Can a closed person know what he or she did or did not do ? So, if you find that you are closed, you have to drop the whole issue of whether the other person is or is not right.


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