Le rôle du gourou
Lorsqu'on parle de gourou, ou de l'ami spirituel, tout le monde pense qu'il s'agit d'un être merveilleux qui va vous faire un tas de transmissions qui vont vous mettre dans un état extraordinaire et de la sorte changer votre vie en vous reliant à Dieu par la force de son pouvoir spirituel. Mais, ainsi que l'a expérimenté Petit Renard, rien ne saurait être plus faux. Le gourou, c'est celui qui a trouvé un chemin conduisant hors du samsara, et qui par conséquent sait par où il doit vous mener pour aboutir au même résultat.
A partir de là, on peut déterminer qu'il y aura deux sortes de disciples.
Ceux qui sont fragiles, qui seront en apparence "favorisés", car ils recevront des transmissions et participeront à la terre pure du gourou, moyennant l'abandon de leurs ambitions individuelles et une vie de "service". Ils obtiendront une "réalisation par participation", c'est-à-dire qu'ils trouveront le bonheur mais ne développeront pas la capacité de mener d'autres êtres hors du samsara.
Ceux qui sont plus forts, c'est-à-dire dont il aura été déterminé qu'ils sont capable de développer une réalisation par eux-mêmes, et pas seulement par participation. Pour cela, l'ami spirituel sait qu'ils devront en passer par les mêmes choses que lui. Il leur faudra constater leur misère fondamentale, car il n'y a que cela qui peut les inciter à développer le courage et l'ouverture nécessaires, tout en abandonnant leur arrogance. Son rôle sera donc de les mettre dans des situations impossibles. On raconte des histoires de personne ayant perdu leur maison, leur femme, leur job... c'est tout à fait cela. C'est quand le disciple n'a plus que ses yeux pour pleurer qu'il peut se produire l'ouverture nécessaire, qu'il peut commencer à travailler sur les situations de sa vie (situations éventuellement provoquées par l'ami spirituel). Trungpa décrit fort bien la chose, qu'il s'agisse de Naropa, Marpa ou Milarepa. A chaquer fois, le disciple est conduit à ce qu'il appelle le non-espoir, et c'est là précisément que les enseignements peuvent avoir lieu. Avant ce point, ils seront récupérés par l'ego et ne pourront que favoriser le matérialisme sprituel, surtout chez les disciples au fort caractère.
Il ne s'agit nullement d'un processus "volontaire". C'est quelque chose qui se produit spontanément, car chaque caractère appelle un certain type de réponse. Lorsque l'élève est fragile et de bonne composition, c'est automatiquement l'aspect de la compassion paisible qui va s'élever, comme avec un jeune enfant qui a confiance. Il sera encouragé, recevra shakti et félicité. A l'inverse, lorsque l'élève est de fort caractère, avec un ego puissant (les deux vont ensemble), c'est automatiquement l'aspect courroucé qui se manifestera afin de détruire tous ses espoirs et de le mettre face à sa misère et à son impuissance. Les cas intermédiaires bénéficieront d'un traitement intermédiaire. Le cas le plus difficile, voire impossible, étant celui de l'élève fragile au caractère perverti (de type psychotique), ce sont ceux là qui font généralement les ratages retentissants et qui finissent mal. Mieux vaut les éloigner quand c'est possible.