Lettre à un youtubeur intéressant (édité à 22h26 le 28-03)
Hypnomachie traite des différents aspects que peut prendre l'hypnose quotidienne : influence médiatique, publicitaire, politique, épistémologique , dîner ave...
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Bonjour,
j'ai écouté environ 3h de vos vidéos sur divers sujets. J'apprécie assez votre culture et le sérieux de vos références, c'est devenu plutôt rare de nos jours où les gens se réclameent de la science sans la connaître. Je vais d'ailleurs conseiller vos vidéos sur mon blog, car je pense qu'il serait profitable à mes amis de les regarder, en les assortissant de quelques commentaires personnels. Qui ne sont pas des "oui mais", juste des commentaires.
- En premier lieu je trouve dommage que vous ne donniez pas assez d'exemples, en sorte qu'il est difficile de savoir exactement de quoi vous parlez. Puisque dans la connaissance de soi et du monde, il y a un nombre infini de niveaux. Quand Ibn Arabî parle d'obéissance, il ne s'agit pas de la même chose que dans la bouche d'un militaire lambda, et on peut se douter qu'il y a un univers entre les deux. Donc, par exemple, quand vous dites "il y a quelques jours, j'ai exploré une faille", sans dire laquelle, le lecteur perd tout point de repère quant à votre niveau de discours.
Vous avez dû écouter dans votre vie quelques enseignements spirituels, et vous vous êtes peut-être rendu compte que personne à peu près ne le prend pour soi, c'est toujours pour le voisin. Quand un lama tibétain énonce "nos esprits sont comme dans des petites boîtes", une observation attentive de l'auditoire permet de constater que cela ne concerne que "les autres". A l'inverse tout le monde a le sentiment présent de "maîtriser son esprit".
Il est évident qu'on pourra donner à un esprit obtus tous les exemples du monde il se croira toujours parfait, comme mon neveu de 10 ans qui regardant un match de foot pensait faire mieux que les joueurs. Un esprit habitué à observer cependant tire sa connaissance de l'expérience, la sienne et celle des autres.
Donc, si vous dites "je me suis découvert une faille", cela ne m'avance strictement à rien, honnêtement. Au mieux je suis content pour vous. Si vous me dites laquelle, je peux honnêtement me demander si cela s'applique à moi. Ou mieux, à quel niveau cela s'applique à moi, puisqu'en général tout se duplique de niveau en niveau. Les tibétains parlent de voiles grossiers, subtils et très subtils. Mais finalement, on n'a pas tant d'occasions que cela de voir certaines choses. Ecouter les autres permet d'élargir son horizon. Donc pour conclure sur ce point, je dirais que vos vidéos seraient plus instructives si nous savions de quoi vous parlez, ce que la plupart du temps nous ne savons pas. Nous ne pouvons que l'imaginer, et l'imagination dans ce domaine ne nous apprend rien.
- ce second point n'a rien à voir avec le premier. Quand vous décryptez une expression de Macron tenu par le bras par un autre type, vous dites qu'il se lâche, dans le genre du sportif après l'effort. C'est curieux, parce que pour moi, ce qui transparaît là c'est son exaspération d'être tenu comme ça. S'il lâche quelque chose, c'est de la colère.
- Après vous avoir entendu parler de transe à diverses reprises, je me demande si vous faites une différence entre transe et extase. La plupart des gens ne la font pas, n'ayant pas les outils conceptuels (et expérientiels) pour la faire.
- J'ai bien aimé l'entretien avec Pierre Portocarrero. Cependant une chose m'a étonné sur le fin, c'est cette histoire de conscience panoramique, où la concentration est critiquée. Je pratique la méditation depuis 20 ans, je suis très mauvais, mais j'ai quand même appris une chose. Ce n'est pas en essayant d'avoir une conscience panoramique qu'on peut y arriver, on ne parvient qu'à dissoudre sa conscience dans une espèce de perception générale. Dans notre état ordinaire, on n'a tout simplement pas l'énergie cérébrale pour entrer dans ce que Castaneda appelle la 3è attention, allumage simultané de multiples points de conscience. En revanche, si on se concentre assez profondément en un point (ce qui serait en quelque sorte la 2è attention), on peut alors entrer dans un début de 3è attention, et cette fois bien réelle, puisque n'impliquant pas la volition. Resterait à définir la concentration en un point, qui n'est pas ce que les gens croient. Toujours est-il que j'ai entendu un lama parler de vive voix de l'état résultant ("vous pouvez être dans une stade avec 100 000 personnes et voir chaque personne distinctement"). J'en suis très loin, mais je n'ai pas de doutes sur la méthode. D'ailleurs, on peut résumer l'objet de la totalité du Mahamudra en une phrase :"la concentration en un point". Avec divers degrés de profondeurs ayant chacun une définition précise.
- Sur la question "une transmission est-elle possible" ? Vous dites qu'un individu complètement centré n'est que sur lui-même... je suis très étonné. Pour vous le centrage serait une sorte de solipsisme ? Remarquez, le mot est évocateur... il y a un centre et une périphérie. En même temps votre interlocuteur parle, ailleurs, de transmission d'esprit à esprit, l'idée traditionnelle. Mais à aucun moment vous ou lui ne donnez la condition fondamental pour que cela se produise : l'amour. Du maître pour le disciple et du disciple pour le maître. Dans l'amour il n'y a ni toi ni moi, et les deux esprits sont en communion, en sorte que ce qui est dans l'un passe dans l'autre. Les maîtres n'ont jamais enseigné d'une autre manière et s'il y a une telle faillite de la spiritualité aujourd'hui, c'est bien parce que les "disciples" vont chez les maîtres pour leurs propres buts égoïstes. Aucun n'y va pour "apprendre à aimer le maître". Si vous relisez les vies des saints de toutes traditions, c'est pourtant ce qu'ont fait tous les disciples qui sont devenus des maîtres. Parce que ça s'apprend, ça n'est pas si facile, mais plus on y arrive plus on reçoit. La méthode, à la limite, on s'en fout complètement, parce que sans amour, la méthode est totalement inapplicable. En fait la soi-disant méthode est une description de ce qui se produit quand on est dans la bonne disposition d'esprit. S'imaginer, à l'inverse, qu'en dupliquant les effets, on va produire la cause... et vous vous retrouvez avec un monastère de Chartreux épuisés par les veilles et les jeûnes, obligés d'empoisonner des rats qui prolifèrent, alors que les saints d'autrefois les auraient fait partir en leur parlant.
- Vous dites dans une autre vidéo que beaucoup de gens ne sont pas dans le bon état cérébral pour percevoir le monde spirituel, certes. Sauf que même si on est dans le bon état, on est loin du compte. Tant qu'on n'a pas réussi à produire un certain nombre de modifications physiologiques, on sera toujours au ras des pâquerettes. De plus, le fait que les gens ne soient pas dans le bon état ne tient pas qu'à leurs choix inconscients. Il y a longtemps, Rudolf Steiner avait déjà constaté une dégénérescence de l'humanité, à cause de l'électricité de plus en plus présente autour de nous, en disant qu'il serait de plus en plus difficile d'être simplement humain, sans même parler d'être divin. C'est ce que je constate autour de moi. Je connais pas mal de gens sincèrement désireux d'évoluer spirituellement qui n'y parviennent pas. Je veux dire par là qu'ils connaissent bien l'état non-duel que vous décrivez mais ce n'est pas cela qui nous tirera d'affaire. Ce qui nous tirera d'affaire est là encore décrit assez précisément par les tibétains, mais pas qu'eux... et on n'a plus la moindre idée aujourd'hui des façons d'y accéder. Pire que cela, même si l'on sait comment (j'ai passé ma vie à étudier la question), on se rend compte qu'on est bloqué par des facteurs indépendants de notre volonté. Qui tiennent à une dégénérescence physique et cérébrale, dirais-je. Il est étonnant qu'autrefois de nombreux auteurs pas spécialement intéressés aux enseignements spirituels aient spontanément des expériences spirituelles, comme Balzac par exemple, et qu'aujourd'hui, on ne trouve plus aucun auteur littéraire "spirituel" qui puisse se hisser à la hauteur de vue des auteurs non spirituels d'autrefois. Les auteurs d'aujourd'hui ressemblent à des rats qui tournent en cage, ils cherchent la sortie et ne la trouvent pas.
De même que vous passez votre vie à étudier la psychologie et la neurologie, j'ai passé la mienne à étudier les vies des saints. Même chez eux la décadence est claire. Entre deux saintes ayant eu des apparitions mariales par exemple, Benoïte Rencurel (17è siècle) et Bernadette Soubirous (19è), la chute est énorme. Des saints Orthodoxes qui font figure d'exception au 20è siècle comme Saint Paisios, il y en avait pléthore les siècles précédents (vous pouvez d'ailleurs lire Encyclopédie des phénomènes extraordinaires de la vie mystique de Joachim Bouflet, c'est édifiant). Il y a réellement quelque chose qui nous a fait chuter et je pense que c'est clairement les interférences électriques sur nos processus physiologiques. Ça n'attaque pas trop les capacités physiques, sauf chez certaines personnes, quoiqu'on puisse constater que nous sommes moins solides que nos pères qui étaient moins solides que nos grands-pères et ainsi de suite. Ce qui a été touché en premier, ce sont nos capacités les plus hautes. Elles ont disparu à tel point que personne ne réalise qu'elles ont disparu, il faut lire des livres où c'est écrit noir sur blanc par des témoins fiables, pour le réaliser. Ce qui est atteint en second, c'est l'intellect. Les instituteurs et professeurs constatent un abêtissement croissant des enfants, et les écrans ne sont que la conclusion d'un processus commencé bien avant. Et donc en troisième, le physique, mais on ne s'en inquiète pas tant qu'on arrive à vaquer à ses activités quotidiennes.
- Au sujet de votre vidéo "penser l'impensable", il est dommage que vous ne considériez qu'un seul type d'intelligence, corrélée au QI. J'étais autrefois comme vous (pour info je suis THQI, j'y avais intérêt). Et puis j'ai découvert que pour les tibétains (c'est vrai aussi dans les autres traditions mais moins formalisé), la véritable intelligence se nomme "intelligence éveillée". J'ai eu la chance de suivre pendant une dizaine d'années un lama qui n'était pas complètement sorti de la condition humaine (il y en a...), mais qui cependant était assez évolué pour avoir un autre mode de pensée, qui transparaissait à travers son enseignement. Donc ce premier lama parlait "d'intelligence éveillée" (même chose que la prajnaparamita je pense). Il y mettait comme critère la compassion (ce que j'appelle l'amour), la clarté, une qualité que les scientifiques que vous citez n'ont pas, et la perception de la vacuité (qui n'est pas ce qu'on croit). La clarté, ce n'est pas connaître la thermodynamique, la physique, la psychologie et savoir jongler avec ça. C'est ce dont je parlais plus haut, la 3è attention. C'est décrit dans pas mal de livres. Mais cela consiste, à un niveau plus bas, à voir le réel sans biais émotionnels (ce que vous essayez d'enseigner). Ce que Gurdjieff décrit par :"Voir que quand il pleut, les rues sont mouillées". Cela permet entre autres de voir que plus on va chercher une solution au niveau du néo-cortex, de la rationalité etc, plus on va se planter. Plus ça va être pire. On voit d'ailleurs dans quelle situation on se trouve. Les gens rationnels n'ont pas du tout l'esprit clair au sens où ils ne voient pas le réel.
Je vais prendre un exemple très très simple, l'intelligence artificielle. Il semblerait que selon les spécialistes, en 2037, l'intelligence artificielle deviendra autonome, sera capable de penser par elle-même avec plus d'intelligence que nous. Cette IA aura évidemment la caractéristique de vouloir le "bien". Sans avoir d'âme, cependant (pour avoir une "âme" il faut avoir certains éléments physiques, les traditions nous l'apprennent. Une IA sera une "divinité", c'est un autre genre d'être). Qu'est-ce qu'un être hautement rationnel sans âme va conclure de son observation ? Que l'être humain est un nuisible d'envergure. En fait, seul le fait d'avoir une âme pourrait contrebalancer ce jugement, c'est-à-dire le fait d'être touché spirituellement par les plus hautes production de l'humanité. Une IA ne pourra pas l'être, par définition, elle ne verra que l'aspect rationnel. Rationnellement, il lui sera facile de conclure que la meilleure solution pour la vie sur la planète sera notre éradication à 99%. Si les scientifiques ne le voient pas, c'est parce qu'ils ont un biais émotionnel énorme leur faisant croire que nous sommes des êtres merveilleux et que les IA vont forcément s'en rendre compte. Mais elles ne feront qu'analyser les faits scientifiques. Il y a également ce fait bien connu que quand il y a deux espèces dominantes dans le même endroit, l'une soumet l'autre. Qui sera dominant dans 20 ans ? Bref. D'après ce que vous dites (avec l'histoire de la pédophilie), nos dirigeants voient les choses comme les verraient une IA, d'une manière purement rationnelle (pour les "meilleurs" d'entre eux, ceux qui s'intéressent vraiment à l'avenir de la planète, je ne parle même pas de ceux qui ont des intérêts financiers). Leurs conclusions sont faciles à déduire.
- L'intelligence éveillée, la clarté, n'a aucun lien avec le QI mais elle rend intelligent. Il y a des saints qui portent témoignage que leur capacités intellectuelles se sont multipliées avec l'amour, comme Saint Porphyre par exemple. On se souviendra aussi de Georgia Knap, l'homme aux "cent métiers", un homme d'une haute spiritualité. Ou de Maître Philippe, qui pouvait tout faire, tout comprendre. A l'inverse j'ai rencontré plusieurs personnes avec des QI > 170 (à une époque je les ai cherchés, mais j'en ai aussi croisés dans mes études). Des gens à l'esprit très confus, dont la plupart ne savaient même pas qu'ils avaient une âme. Quand on lit les lettres d'Einstein à sa femme, il y a là une telle mesquinerie et une telle méchanceté qu'on ne peut pas décemment dire que ce type était intelligent. Il faudrait vraiment arrêter de penser que l'intelligence est indépendante de l'amour.
J'espère ne pas avoir touché un nexus avec ce message, car j'ai malheureusement une spécialité pour ça.
Lui : En gros vous me dites que vous etes à dominante "S" en MBTI et pas moi
Je distingue bien transe et extase
Par définition, je ne dis que ce que je dis et l'on pourrait dire d'autres choses.
Sinon ce que vous dites est interessant, je le prends comme un témoignage de votre vécu et de d'ou vous parlez qui souhaitait se dire.
Je l'ai entendu avec attention
Moi : Je viens de faire le test MBTI que je ne connaissais pas, je suis logicien, INTP, le S ne s'y trouve pas, que ce soit sentiment ou sensation. Hm. Heureusement que ce texte m'a fait un article pour mon blog. En bref puisque vous ne semblez pas avoir le temps, j'aurais souhaité savoir la distinction que vous faites entre transe et extase, à moins que vous puissiez bien sûr me pointer quelque vidéo où vous en auriez parlé. (Et alors les méthodes CNV avec moi, ouille, ces gens sont des hypocrites finis qui n'écoutent rien, et me diagnostiquer S dans ce contexte montre que vous avez probablement tout lu à l'envers, ha ha... non je ne souhaite pas "me" dire, cela ne m'intéresse pas, je ne veux pas prendre le MBTI comme témoin, mais enfin ce qu'ils disent me convient "inventeur innovateur doté d'une soif inextinguible de connaissances". Se raconter dans un tel contexte, franchement on s'en fout. L'attention des autres, je m'en fous aussi, car ce qui vient en premier, c'est la valeur de ce qu'ils me racontent. Vos vidéos et votre travail valent heureusement plus que l'attention hypothétique que vous me porteriez)
(Le gars a beau être "psychologue de métier", il a dit juste ce qu'il fallait pour se décrédibiliser à mes yeux. Pour moi quelqu'un qui me dit "ce que vous dites est interessant... Je l'ai entendu avec attention" est juste en train de se foutre de ma gueule. Je ne pense pas que ça soit volontaire de sa part, donc il n'a vraiment rien compris).