Transmission par l'exemple
J'en parlais cet après-midi avec Alix et nous parvenions à la conclusion que pour développer la méthode d'engendrement des cognitions valides, il faut côtoyer quelqu'un qui nous la transmet. Alors pour moi c'est un peu étrange, j'ai écouté pendant 10 ans quelqu'un qui l'avait, sauf qu'à l'époque je ne pouvais pas l'attraper, je ne savais même pas que cette personne avait cela de spécial. Mais maintenant que je peux, mon souvenir me la présente infailliblement comme étant la source de tout. Comme si ma mémoire avait tout enregistré à mon insu, et qu'elle me ressorte maintenant le vrai film. Car chez cette personne, le moindre de ses gestes et la moindre de ses paroles étaient une manifestation de la "méthode". C'était un pratiquant "moyen" au sens tibétain, ce qui est parfait.
Car un grand pratiquant aura effacé toutes ses traces depuis longtemps et sera devenu complètement illisible. Comme le Lopön dont l'exemple ne donne pas la moindre idée qu'il ait jamais appliqué une méthode pour développer des cognitions valides. On peut supposer qu'il en a par millions mais on n'a en fait aucune preuve, à part l'absence de toute micro-expression quand il parle. Les grands maîtres sont totalement "inutiles" de ce point de vue, ils sont montés sur le toit, ils ont viré l'échelle et on ne les voit plus, ni eux ni l'échelle. Alors que Chepa Rinpoche donnait à chaque instant des preuves que toute son existence était un développement incessant de cognitions valides, tout en laissant visible la façon dont il les développait. Quand il pressait un citron, il y avait des cognitions valides du citron, et quand il expliquait un texte bien plus encore. Il n'a évidemment jamais explicité la méthode puisque c'est impossible, je crois qu'en réalité il ne comprenait pas pourquoi nous restions si stupides. Il pouvait juste l'incarner, à nous de l'observer, mais personne ne l'aimait assez pour ça je pense. Moi non plus mais il s'est imposé à moi d'une manière ou d'une autre puisqu'à une époque je rêvais tout le temps de lui. Cela en plus du reste, j'ai maintenant un souvenir vraiment intense du "sens" qu'il voulait transmettre. Puisqu'il n'arrêtait pas de dire qu'il fallait trouver le sens des choses, et que ça ne se faisait que par l'expérience. Quand je vois des Rinpoches du type Ringu Rinpoche je vois exactement la même configuration énergétique et le même type de discours, mais les jeunes c'est autre chose, je crois qu'ils sont en train de perdre le truc. Quant aux Matthieu Ricard, Pema Chodrön et compagnie, ils présentent une pâle imitation qui ne trompe que ceux qui n'ont aucune idée de ce que c'est, à commencer par eux-mêmes.
J'ai retrouvé la même chose, quoique sous une autre forme, chez le starets Isidore. Chez lui, ça n'était pas des paroles, mais on le reconnaît dans les descriptions de sa hutte. Quand on sauve des herbes arrachées pour les mettre dans des boîtes de conserves avec un peu de terre et les appeler des "fleurs", soit on est un simple d'esprit, soit on a des trésors de cognitions valides. Par contre, je ne le retrouve pas chez Paul Florensky, qui a pourtant décrit le starets Isidore. Chez Florensky on retrouve la puissance d'un intellect qui me dépasse de 3 millions de kilomètres, et qui donc était assez puissant pour réussir à concevoir l'abstrait d'une manière presque correcte, ce qui le met à l'asymptote des cognitions valides. Mais pas tout à fait car il y a un paquet de voiles émotionnels, et ça, c'est signe que ça n'a pas marché jusqu'au bout. Donc pas du tout, puisque le bout, l'accession à la sphère concrète, c'est le commencement.
Pour ce qui est des voiles émotionnels, il est bien difficile de se juger soi-même. J'ai juste remarqué un truc nouveau. L'autre jour, j'ai fait du yoga en pleine nuit le dos tourné à une porte ouverte. Et j'ai aussi dormi plusieurs fois la même porte ouverte, donnant sur un couloir bien sombre. Autrefois cela m'était impossible (j'ai essayé). J'avais toujours l'impression que des monstres allaient surgir du couloir. Ne parlons même pas de l'avoir dans le dos... C'est en quelque sorte l'effet "crocodiles sous le lit" qui a disparu.