Néo-christianisme
De même qu'il y a le néo-bouddhisme, qui n'a gardé que l'écorce des enseignements bouddhistes, il y a le néo-christianisme. Ce sont en fait des pseudo-chrétiens new age en réalité. Ils sont faciles à reconnaître, le péché et le repentir ont disparu de leur vocabulaire. J'avais même commencé à dresser une petite liste de leur langue de bois, qui est un peu comme la langue de bois des acteurs sociaux de Franck Lepage, mais dans le genre pseudo-religieux, parce que je pense qu'en réalité les concepts derrière sont exactement les mêmes. Car là aussi voyez-vous, il y a un "projet" : "la configuration humano-divine" ! "Par la grâce rédemptrice, les fidèles du Christ lui sont incorporés, ou assimilés, en étant rendus participant du salut qu'Il possède en plénitude et dispense gratuitement à tous. L'incorporation est donc l'intégration, comme membre, de tout homme sauvé par le Christ à son "corps mystique", c'est-à-dire à l'Église, congrégation de ceux qui appartiennent au Christ dans la mesure où ils sont sauvés par Lui et deviennent semblables à Lui. L'incorporation peut donc se définir comme l'effet sociologique ou ecclésiologique de la grâce rédemptrice dispensée par la Miséricorde de Dieu, principalement par le Baptême et les autres moyens de salut confiés à l'Église." Et ça on dirait presque du jargon de plaquette de stage :"A travers la liturgie de chaque jour, l’Eglise propose aux fidèles du Christ une marche d’ensemble rythmée vers le Père par le Fils dans l’Esprit. C’est le lieu de l’écoute, de l’apprentissage et de la réalisation progressive de la vie humaine et chrétienne". Est-il besoin de dire qu'on ne retrouve rien de tout cela dans les écrits des saints ? Et qu'inversement on ne retrouve rien des écrits des saints dans tout cela ?
Les bouddhistes (mais pas les néo-bouddhistes) ont des pranayamas et des yogas pour démarrer le processus d'alchimie interne qui conduit au corps de gloire. Les chrétiens ont le repentir. La fonction est la même. Enlevez ces deux choses, et il n'y a aucune réalisation possible. Après, on peut bien s'inventer un nouvel univers à base de configuration au Christ, c'est juste de l'imagination.
L'autre jour, en relisant un livre d'Olivier Clément, j'ai réalisé qu'il était l'un des initiateurs de ce processus, avec Evdokimov et quelques autres. Il fallait bien que ça en arrive là.
Dans les années 80, Saint Paisios faisait le constat de la disparition de la grâce dans l'Eglise. On peut en effet constater que plus personne ne parle comme les mystiques d'autrefois mais tout le monde utilise la novlangue chrétienne, c'est-à-dire que plus personne ne fait les expériences typiques de la voie chrétienne (et qui ne consistent certainement pas en ce qu'on nous chante aujourd'hui). On peut avoir l'idée de ce que c'était en se connectant aux saints d'autrefois, recevoir quelques miettes du bon pain qui était disponible pour eux. Ce n'est que quelques miettes malheureusement, il en faudrait cent fois plus et ça n'est plus là. Comment c'est parti ? On ne saura jamais vraiment. Toujours est-il qu'il n'est plus vraiment possible d'être chrétien aujourd'hui, pas comme les hommes l'ont été pendant 2000 ans. Il y avait là un fleuve d'eau vive qui coulait au-dessus de nos têtes, qui permettait une certaine progression sur un certain chemin, et qui s'est tout simplement asséché. C'est pourquoi il ne peut plus y avoir de repentir au sens réel, et donc plus de transfiguration. Le salut, il est au rabais, ce sera seulement l'identification à l'être psychique au moment de la mort, ce qui est assez incertain.
A défaut de cette grâce immédiatement disponible, il nous faut apprendre à grandir spirituellement jusqu'à l'endroit où elle se trouve aujourd'hui. Elle est toujours au-dessus de nos têtes, mais elle s'est éloignée à une certaine distance, et aller jusque-là, c'est une autre paire de manches, qui ne se fait pas à coups de projet divino-humain. (Et donc forcément, je reparlerai bientôt du bouddhisme).