Vital et spirituel
L'autre jour, j'ai réalisé que la gamine était infernale quand elle était dans le mal-être. Du moins, c'est mon hypothèse, puisque tout le monde réagit de la même façons aux mêmes choses finalement. Le problème, c'est qu'autant un mal au ventre franc, ça se perçoit, autant un mal-être, des vents un peu embrouillés pour des raisons mal définies, ça ne se perçoit pas. Chez les adultes, personne ne le voit. Mais ce qu'on peut voir, c'est comment les gens le fuient : en étant scotchés sur leur téléphone par exemple. Parce que franchement, quand je suis dans l'état naturel, la dernière chose que j'ai envie de faire, c'est de me scotcher sur un téléphone. Ou d'aller dans un endroit super bruyant. Ou de regarder la télé. Ou d'aller au ciné. Ou de discutailler pour ne rien dire. Bref, on m'aura compris. Alors quand les gens sortent d'une session de méditation, ou d'une initiation bouddhiste, ou d'un cours de yoga, et discutaillent, c'est qu'à mon avis ça n'a pas marché, quelles que soient leurs déclarations à ce sujet.
C'est ce qui me fait dire que des gens vraiment spirituels, il n'y en a plus beaucoup. Ils peuvent bien déclarer sur qu'ils veulent, mais l'attitude physique et les activités ne trompent pas. Et quand on leur parle, le nombre de murs intercalés qu'on peut sentir ne trompe pas non plus. Ou la rigidités des structures énergétiques. Enfin, tout ça, ça finit quand même par devenir très visible.
Il y a un certain effet de l'énergie vitale (qu'on peut repérer très bien chez Thierry Casasnovas, et ceux qui pensent qu'il ne paie pas de mine ne font que manifester leur aveuglement), et il y a un certain effet de l'énergie spirituelle. L'énergie vitale ne peut pas activer le système parasympathique, par exemple. Je veux dire que par exemple si vous êtes un peu constipé et que vous vous concentrez sur votre intestin pour le faire bouger, il ne bougera pas. Normal. Par définition, la concentration ordinaire va activer le système sympathique, or ce dernier n'a pas pour fonction d'activer son contraire. L'énergie spirituelle fonctionne différemment. Premièrement, il n'y a pas d'intestin dans le corps subtil, enfin pas à ma connaissance. Mais il y a des canaux dont on peut dire qu'ils sont plus ou moins dans le même espace. En déplaçant les vents dans ces canaux, ça fait bouger l'organe qui est au même endroit, et ça libère ce qui est coincé. Donc d'un côté, on a un type d'énergie auquel le corps physique ne répond pas vraiment, et d'un autre côté, on a quelque chose qui libère les tensions. Si on a cette expérience, on fait parfaitement la différence entre la relaxation telle qu'elle est enseignée, qui ne relaxe que la partie la plus superficielle des choses (au mieux ça fait dormir finalement), et la méditation correcte qui libère des tensions dont on n'avait pas la moindre idée qu'elles étaient là. Car il faut bien voir que les vraies tensions, ce n'est pas celles dont on est conscient. Ce sont celles dont on n'est pas conscient, celles qui sont là tellement en permanence qu'elles font partie de la structure. Selon cette définition, un bras détendu relaxé, est un bras plein de tensions. Mais complètement à un autre niveau.
Et donc, si on arrive à travailler un peu sur cet autre niveau, on voit combien tous ces gens cools détendus relaxés, sont en fait bourrés de tensions dont ils n'ont pas la moindre idée. Chepa Rinpoche disait qu'on était tout le temps dans le mal-être, mais je crois que ça n'était conscient pour personne, et que les gens devaient se demander de quoi il parlait. Après quoi ils devaient tous conclure qu'il parlait pour le voisin. Un jour il m'a dit :"Si vous êtes là, c'est que vous vous sentez mal". Et vraiment ça m'a laissé perplexe, parce que moi je me sentais bien (du moins j'en avais l'impression) et je venais là pour me sentir mieux. Quinze ans plus tard, je dois reconnaître que c'est lui qui avait raison, mais que j'étais vraiment loin de pouvoir m'en rendre compte.
Et je pense que tout le monde est comme ça, parce que le jour où on s'aperçoit qu'on est dans le mal-être en permanence, on est véritablement saisi d'effroi. Parce qu'on s'aperçoit déjà que tous les divertissements usuels ne font qu'accentuer ce mal-être. Et que si on les évite, on ne se retrouve pas pour autant dans le bien-être. Que si on va au cours du yoga du coin, ça fera surtout office de distraction, qu'on se sentira un peu plus détendu en sortant, mais que pour autant, on ne sera pas dans l'amour incondtionnel au moment de monter dans le bus. Ou si quelqu'un vient nous insulter dans la salle de yoga. Je sais que peu de gens touchent cette situation fondamentale, parce que sinon ils chercheraient la sortie comme des dératés. Parce que la joie vitale n'y change rien, ce n'est qu'un divertissement de plus, et sans doute l'un des plus dangereux, parce qu'elle masque assez bien la réalité. On finit par la détester vraiment.