L'autre jour, j'essayais de lire la Montée du Carmel de St Jean de la Croix et je n'y comprenais vraiment rien. C'est parce qu'il me manquait d'avoir situé correctement un terme : la foi. C'est le Père Molinié qui l'a éclairé pour moi. La foi, c'est quand on ferme les yeux et qu'on accepte de marcher à tâtons dans l'obscurité. Et alors là, on trouve des tas de choses, mais qui ne relèvent pas des sens ordinaires, ni des facultés ordinaires (entendement, imagination, volonté). Il dit que c'est la seule vraie façon de chercher Dieu.
Ce qui m'a ramené à un commentaire fait après mon précédent article, où j'expliquais en gros qu'un beau jour j'avais laissé de côté mon entendement pour faire confiance à ce qui descendait notamment par les lectures des saints. Pour l'ami à qui je répondais, idées et productions en général de l'entendement ne s'opposaient pas à la "foi". Pour moi, si. Mais bon. Et c'est là que je me suis brusquement souvenu du texte de Saint Jean de la Croix, non pas sur "la nuit de la foi", mais sur "la nuit QUI EST la foi". J'y suis retourné et là tout était très clair, avec cette nouvelle définition de la foi. "De même, tout ce que l'imagination peut produire et l'entendement concevoir ne saurait être un moyen prochain pour l'union avec Dieu". Il en découle qu'il faut abandonner toutes les productions de l'entendement, accepter de se tenir dans le noir de ce point de vue (c'est valable également pour la volonté et l'imagination), car il n'existe pas d'autre moyen d'être éclairé.
Sur ce, il m'a bien semblé que dans tout ce que j'avais pu lire sur la question (je parles du publications sur des sites internet), les gens se trompaient complètement. Donc je fais une recherche "nuit de la foi" et sur quoi je tombe ? "En quoi consiste "la nuit de la foi" ? Dans l'itinéraire spirituel, et beaucoup de saints, comme Benoît, Ignace, Thérèse d'Avila ou Jean de la Croix en témoignent, il y a des temps de purifications de la foi. Cela se caractérise par une succession de lumière, puis d'aridité, de sécheresse. C'est normal et connu. Les mystiques en ont souvent parlé. Cela peut se traduire par un sentiment d'absence de Dieu, par l'absence de sensibilité de Dieu dans la prière. Jean de la Croix parle de la nuit des sens et de la nuit de l'esprit. Cette dernière peut frôler la déprime, le sentiment de l'inutilité, le désespoir. Saint François de Sales raconte qu'au cours d'une période de "nuit" il a eu la tentation du suicide !"
http://croire.la-croix.com/Definiti... Ou encore :" La nuit peut revêtir plusieurs formes, souvent entremêlées. La nuit des sens où le croyant est privé des perceptions sensibles de la présence de Dieu ; la nuit de l'intelligence, où il doit renoncer au discours, aux images, aux idées qu'il se faisait sur Dieu ; la nuit de la foi, où il est pris de vertige devant l'absence de Dieu".
http://www.la-croix.com/Religion/Ac...
Je n'ai pas procédé à d'autres recherches. Je pense que si on ne va pas sur des sites très pointus, tout sera du même tonneau. Bref, on a transformé "la nuit qui est la foi" (et c'est bien cette expression qui m'avait interloqué en premier lieu) en "la nuit provoquée par une crise de foi". J'aurais presque envie de dire foie... Il est évident que les sécheresses, l'absence de Dieu etc, ne vient pas de la foi mais précisément de l'absence de foi, c'est à dire de l'obscurcissement de l'organe spirituel. Car la foi ne sort pas de nulle part. C'est la descente soudaine (qui se produit chez certains) de l'organe spirituel, la fine point dans l'âme, qui rend sensible "à ce que l'oeil ne saurait voir et que l'oreille ne saurait entendre". Mais il faut savoir que cet organe chez la plupart des gens, même quand il s'éveille, est assez dérisoire, et que le but de la vie, c'est de le développer. Alors souvent, il fait défaut, il est obscurci par des vents perturbateurs, des remontées de karma, des mauvaises fréquentations, enfin des tas de choses. Mais ça n'est pas ça la nuit de la foi ! La nuit de la foi commence le jour où on lâche le connu (entendement, imagination, volonté) pour se laisser guider dans l'inconnu. Cela doit être d'abord actif, et puis ensuite on est "aidé". Et donc ce n'est pas cela la souffrance. Au début, peut-être, car la foi est rare. Alors se reposer sur elle, ça laisse dans l'aridité assez souvent. Mais ensuite, se balader dans cette nuit noire, qui ne l'est que pour la partie "naturelle" de notre être, c'est largement préférable à ce qu'on a connu avant. Et plus on avance, plus on lâche ce sur quoi on s'appuyait plus tôt.
Ce qui arrive aux saints c'est autre chose. A force de prendre sur eux le karma des autres, ils ont forcément des moments d'obscurcissement, et c'est très bien décrit d'ailleurs. Quand Thérèse d'Avila prend sur elle le péché d'un prêtre, elle est inquiète, troublée etc. Et elle doit prier jusqu'à ce que cela disparaisse. Ce qui d'ailleurs n'est pas simple puisque dans cet état il est évidemment difficile de prier. Mère Teresa n’a pas été dans la nuit de la foi, elle a été dans la nuit provoquée par le poids du péché des pauvres gens dont elle s’occupait (son confesseur le lui a dit).
Alors voilà, grâce à ces contre-vérités répandues sur ce qu'est la nuit de la foi, tous les déprimés et les aigris de la vie s'imaginent être sur la voie de la sainteté. Je ne plaisante pas vraiment. L'an dernier un ami m'a envoyé sa correspondance avec un espèce de fou qui lui jurait qu'il était dans la nuit de la foi parce qu'il était totalement dépressif. Mon ami essayait de le raisonner, mais le gars était furieux. Ce que les chrétiens actuels appellent “nuit de la foi”, il faudrait plutôt l’appeler “nuit du démon”.
Après quoi je ne prétends nullement être un saint. Je voulais juste dire que les gens sont vraiment enduits d'erreurs par ceux qui font profession de leur enseigner, et que, à mon petit niveau, on peut déjà expérimenter une augmentation très nette des "lumières" en lâchant ses facultés naturelles. Ensuite chacun les lâche à son rythme, si ça lui plaît. Si ça ne m'avait pas plu je ne l'aurais pas fait. Ce qui permet au passage de préciser que ça n'est pas forcément une chose horrible qui attend le croyant. Mais il ne faut pas non plus le faire si on n'a pas déjà une certaine quantité de "foi", c'est-à-dire de perceptions surnaturelles. Qui au départ sont assez obscures, mais enfin, l'homme intérieur évolue lui aussi, et c'est vrai que pour qu'il puisse évoluer il faut quand même lui laisser un peu de place.
Ensuite je ne prétends pas que mes perceptions surnaturelles soient exemptes d'impuretés. Il est bien évident que ça s'affine et que ça se purifie avec le temps. Le premier effort à faire étant bien sûr de tout lâcher. Ne rien saisir comme diraient les bouddhistes. Avoir confiance que plus on lâche, plus ça vient. Alors parfois bien sûr, il n'y a rien. Cela dit, même dans ce rien, il peut rester quand même une certaine impression de suavité qui serait l'amour qu'on a pour Dieu, ou qu'il a pour nous. Alors quand cet amour est là, ça n'est pas grave qu'il n'y ait rien d'autre.
Bon, un de ces jours il faudra que je fasse un article sur le fait que cet amour n'a vraiment rien à voir avec une "émotion", ni avec une quelconque sensiblerie.