Je me rends compte que ce sont les groupes spirituels qui compliquent mon rapport aux religions. C'est à dire qui me font fuir. Ce qui est intéressant, c'est qu'on y retrouve des discours assez similaires, ce qui ne s'explique pas si la théorie est dictée par le dogme, mais qui s'explique assez bien si ces discours sont supposés masquer les mêmes manquements.
Par exemple, mon ex-ami chrétien qui errait de séjour de discernement en séjour de discernement, et qui avait fort peu d'expériences ne cessait pas de dire que la grâce divine n'est pas "sensible" par nature, et que donc s'il ne sentait rien c'était normal, ce que ses supérieurs (pas fous) ne cessaient d'ailleurs de lui répéter. Mais au fait, qu'est-ce que la grâce ? Dit autrement, qu'est-ce qui est susceptible de descendre du Ciel ? Les Orthodoxes parlent d'énergies divines, c'est quoi ? Pour le savoir, regardons simplement quels sont les 3 éléments qui composent absolument tout : les alchimistes (il y a eu de nombreux moines parmi eux) nous disent soufre sel mercure. Le sel, c'est le corps des choses, la partie matérielle. La mercure c'est l'âme, c'est-à-dire les souffles vitaux. Le soufre, c'est le principe des choses, les lumières intelligibles, c'est-à-dire les anges (si Dieu est un soleil, les anges sont les rayons). Monsieur de Lapalisse lui-même pourra nous assurer qu'une lumière intelligible n'est pas sensible. Bon, mais pourra-t-il aussi nous assurer que si l'une de ces lumières intelligibles entre en collision avec une âme, et encore mieux, avec un corps, rien ne sera ressenti ? Certes non. Car si rien n'est senti, c'est que la collision n'a pas lieu, et que donc rien n'a changé. Je rappelle que la corps de gloire, ou pierre philosophale, est une nouvelle substance née de l'union soufre + mercure + sel.
La grâce divine, bien que non sensible par nature, produit un effet sensible sur les pauvres créatures que nous sommes. Sinon, c'est la preuve qu'elle nous a traversé sans laisser de traces. Cela dit je veux bien admettre que conscient et sensible, ce n'est pas la même chose. Il peut y avoir des effets sensibles qui restent inconscient, surtout si on ne regarde pas au bon endroit. Par exemple il y a des gens qui ont l'air vraiment malheureux tout en se prétendant heureux. Leur corps ressent le malheur, mais pas eux. Il en va de même avec les filles qui se baladent à moitié à poil en plein hiver. Leur corps ressent le froid, mais pas elles. Cela dit, il me semblerait que tant qu'un pratiquant en reste à ce degré de sensibilité, c'est quand même signe qu'il n'a guère évolué. Comme le disait mon lama, "un grand neljorpa est conscient de tout ce qui se passe en lui". Et quand il disait tout, dans son bouche ça voulait dire vraiment tout, car dans son esprit, tout ce qui était en-dessous du corps d'arc-en-ciel était médiocre. Alors bon, avant d'arriver à tout, on passe évidemment par 1%, 10% etc. Mais c'est pour dire que l'évolution va dans ce sens.
La deuxième couleuvre qu'on me sert à toutes les sauces, c'est "il suffit de suivre les règles, et la grâce viendra". De la part d'un débutant, on peut comprendre sa naïveté, mais de la part d'un moine qui est là depuis 15 ans, 20 ans, qui mène une vie de labeur épuisante dans la stricte obéissance à son père spirituel, et qui ne tient pas en place parce qu'il ne sait à l'évidence toujours pas prier, le gars devrait quand même se rendre à l'évidence. Il semble que maintenant le Mont Athos est envahi de moines de cette sorte. Cette affaire de "règles à suivre", c'est à la fois la cause et la justification de tous les échecs. Et le temps n'y change rien, mais la psychologie sociale saurait l'expliquer. plus on est resté longtemps dans son erreur, plus on aura tendance à s'y accrocher. Il est difficile d'admettre qu'on a perdu un certain nombre d'années de sa vie, surtout si en face on n'a aucune solution. Parce que si ces braves moines reconnaissaient que la règle ne leur a rien valu de bon, où en seraient-ils rendus ? Enfin, je parle des moines, ils peuvent être zen, ou tibétains. J'en entendu un moine bön dire exactement la même chose : je suis la règle, et c'est Rinpoche qui va tout faire pour moi. Oui, bon, peut-être dans le principe, mais si ça n'est pas le cas, il faut ouvrir les yeux, car contrairement à ce que croient beaucoup de bouddhistes, on n'a qu'une vie. En effet, ce qui se réincarne, ce n'est pas l'âme charnelle, c'est le germe d'immortalité, qui dans la plupart des cas n'en est qu'au stade du cotylédon. Or ce à quoi nous sommes identifiés, c'est clairement à notre âme charnelle. Pour ne plus l'être, il faudrait que le cotylédon soit au moins devenu un homoncule.
Tout repose finalement sur le fait d'avoir le bon sens d'un enfant de 5 ans (ou celui qu'on lui prête, disons...), qui est capable de voir quand le roi (c'est-à-dire soi-même) est nu. Si on parle d'enfant de 5 ans, c'est plutôt pour dire qu'il n'est pas nécessaire d'avoir un QI de 180. Il est également intéressant d'analyser les raisons qui nous interdisent de regarder ici ou là. Certes, il doit être insupportable de réaliser qu'on a travaillé comme un âne pendant 15 ans pour pas un rond. En même temps est-ce une raison pour gâcher les années qui restent ? Parce que quand on va se retrouver en enfer, on va le regretter (l'enfer étant le monde vital où se retrouvent les âmes charnelles non transmutées. Je ne statuerai pas sur le purgatoire, peut-être qu'il existe un pouvoir spirituel qui a créé un lieu spécial pour récupérer certaines de ces âmes).
Et donc voilà que l'inspiration vient à me manquer...