Atrophie de l'imagination
Cela fait un certain nombre de fois que les gens me font part d'une certaine atrophie de leur imagination, quand je parle de roman dharmique. Je ne parle pas de crétins mais de gens qui ont une certaine vie intérieure (quoiqu'on se demande quand même à quoi correspond exactement cette intériorité vu le défaut d'imagination). Ce qui me suscite deux réflexions. Je me demande si le responsable de cela ne serait pas la télé, et plus gloabalement ce monde où l'oeil est sans arrêt attiré par toutes sortes d'objets, mais d'objets non harmonieux. On pourrait même dire que c'est cette disharmonie qui attire l'attention. Par exemple, si on marche dans une forêt, on sera peut-être attiré par une fleur ou un oiseau, mais ça n'aura pas le même impact que d'être attiré par chaque panneau publicitaire croisé dans le RER. Parce qu'une fois j'avais fait le test d'essayer de n'en regarder aucun, et c'est vraiment difficile, parce que notre esprit est conditionné à lire les écritures. Dès qu'un mot est capté, il faut se forcer pour ne pas lire la suite même si c'est une connerie. Or il est quasi-impossible de ne capter aucun mot quand on prend le métro, ou qu'on marche dans une rue. C'est pour cette raison qu'il y en a de plus en plus, de partout, afin de fragmenter l'esprit des gens. Essayez de vous concentrer en ville. La seule solution c'est de se concentrer sur le bout de ses chaussures. Bref, je pense que l'esprit n'est plus du tout entraîné à produire ses propres images, et qu'il est agi sans cesse de l'extérieur. Certes, il y a aussi des gens perdus dans leurs pensées, mais il faudrait voir les pensées en question. A mon avis, c'est l'aube de la pensée, le balbutiement.
Bon, la deuxième réflexion, c'est que comme par hasard le néo-advaita a pris son essor en même temps que la télé. Je me demande s'il n'a pas fait son lit de cette atrophie de l'imagination. Les gens n'étant plus capable d'avoir un univers intérieur ont décrété que l'acte le plus spirituel consistait à le supprimer. (Il me faut ici préciser que le fait de conceptualiser sans fin n'est pas faire oeuvre d'imagination. Il suffit de regarder les philosophes modernes). Alors ensuite on me dit "Oui mais je ne peux pas imaginer les choses avec précision comme tu le fais". Donc 1) c'est le résultat d'un entraînement 2) notre corps subtil "est" cette faculté. Le stade de génération semble engendrer un mandala, mais il engendre surtout un nouveau corps. Donc si quelqu'un veut rester avec un corps subtil qui ne distingue à peu près rien et se retrouver avec ce genre d'outil après sa mort, finalement c'est son choix, et qui suis-je pour le discuter. Parce que bon, une fois qu'on enlève les sens, que reste-t-il ? Alors on me dira "oui mais on rêve très bien les yeux fermés". Pour combien de temps ? Il faudrait lire des témoignages d'aveugles et voir au bout de combien de temps ils oublient les visages des gens qu'ils aiment. C'est assez court, je crois.