Le muscle à 72 000 cordes
"Mais, que l'on y prenne bien garde, ce qu'il faut encore, c'est isoler cette joie de ce qui en fût l'occasion, c'est la fixer dans sa mémoire en tant que pure et simple perception, en tant que simple et pure sensation, exactement comme si elle n'avait point eu de cause...
Est-ce une femme qui t'a donné la joie dont tu te souviens ? Oublie la femme, chasse la de ton esprit. Mais retient la sensation.
N'agis pas autrement s'il s'agit d'une bonne action, d'un paysage ou d'une symphonie. Oublier les occasions et les causes mais retenir le résultat, voilà le grand secret. Il n'est plus nécessaire alors, pour appeler la joie à soi, de se souvenir d'une ascension ou d'un baiser, il suffit de se souvenir de la joie. De la joie seule... Et crois-moi, ami : il n'en faut pas davantage. Chaque fois que tu te souviendras de la joie ainsi, la joie sera là, aux portes de ton coeur, qu'il te suffira d'ouvrir un peu pour qu'elle entre beaucoup..." Saint Bonnet.
J'aime bien Saint Bonnet, surtout à cause du livre de Lusseyran, mais il faut bien reconnaître qu'il simplifie outrageusement les choses. Quand il dit qu'il y a un muscle de la Joie, qu'il faut apprendre à faire fonctionner indépendamment des causes et circonstances, c'est bien vrai, et dit comme ça, ça paraît simple. Rudi ne dirait pas autre chose. Les tibétains non plus je pense, avec leur état naturel. Il n'empêche que dans les faits, pour alimenter ce muscle convenablement, qui n'est rien d'autre que le canal central, il faut décrocher les vents contaminés, les transformer en vents de sagesse, et les y faire entrer. Si le canal central est la corde du violon, les vents sont les archets. Avant qu'il en reste suffisamment de "libres" pour jouer en permanence, il faut en avoir décontaminé un certain nombre.
J'ai essayé de faire fonctionner ce muscle indépendamment de tout, ça fait d'ailleurs quelque temps que j'y ai pensé, mais le problème, c'est que chez moi cela se présente comme s'il y avait un grand nombre de cordes à ce muscle, 72 000 probablement. Et il semble qu'il est nécessaire de faire le même travail de dégagement pour chacune d'entre elles. Ce qui signifie retrouver la totalité des karmas, puisque chacune de ces cordes contient un karma. Tout est plus facile dans un lieu inconnu ou nouveau, car il y a toutes sortes de stimuli inattendus. Hors de chez moi, rester dans "l'état naturel" est assez facile en raison du décor changeant, des gens etc... C'est finalement chez moi que c'st le plus difficile, car les karmas encore non traités ne s'élèvent pas si facilement que cela. D'où l'intérêt du roman.
Récemment, je me disais encore que mon absence structurelle de parents était un handicap - j'ai eu des parents, mais dans mon esprit ils n'ont pas réellement créé de "structure parentale". Je ne sais pas très bien ce que c'est qu'une mère, quant à mon père j'ai dû le sauver de sa précédente femme, lui fournir logement et travail pendant 10 ans. Et quand j'étais petit il était généralement aux abonnés absents, à cause de son travail. Leurs propres parents étaient eux-mêmes assez bizarres, mon propre père a eu réellement des parents indignes, quant à ma mère elle en a voulu aux siens toute sa vie. Et il est difficile de donner ce qu'on n'a pas reçu. Du coup, père et mère sont pour moi des notions assez mystérieuses. Je ne sais tout simplement pas d'où je sors. On me dira qu'ils se sont forcément occupés de moi quand j'étais petit. Mais pas trop, en fait, il m'ont surtout confié à toutes sortes de gens plus ou moins névrosés. Heureusement dans mon roman, j'ai fini par trouver un personnage qui a une mère digne de ce nom. Le premier, en fait. Parce que pour les autres c'est apocalyptique. Dans mes autres personnages, il y a de tout, sauf la bonne chose.
Pour ceux qui connaisent mon roman, et par ordre chronologique : Jack est né de parent satanistes qui attendaient qu'il soit l'Antéchrist, il s'est enfui après avoir mis le feu à leur maison. Ivan est né dans une cuve de clonage. Son frère Anton a été enlevé à ses parents à la naissance et confié à des gens qui l'ont maltraité, comme Harry Potter. Amtar étant le résultat d'un programme génétique, il a été enlevé très tôt à ses parents. Marcius a eu une mère pas si mal, mais bien faible, qui ne la jamais protégé de son beau-père (le père, on ne le connaît pas). Onoë avait un père qui la battait, et une mère qui ne levait pas le petit doigt. Ryndil est la copie de Marcius sous ce rapport. Daniel n'est pas né avec le bon genre, son père a essayé de l'étouffer avec un oreiller à la naissance, sa mère n'a pas trop protesté. Eleonore, plus récente héroïne en date, a un père ivrogne, et une mère qui lui vole ses peintures pour les vendre. Mes parents sont moins pires que cela, bien entendu, mais très étrangement, c'est tout ce que j'ai réussi à inventer jusqu'à récemment. Qui se résume en moyenne à un mauvais père (ou beau-père) et à une mère inexistante incapable de protéger l'enfant.
Reste donc Yaël, dont le père est un bouddha et la mère une excellente personne. Malheureusement, ils n'avaient pas le même projet sur lui, son père lui avait prévu un brillant avenir, alors que sa mère voulait seulement être heureuse avec son petit garçon... bref elle a été obligée de partir quand il avait 8 ans et il ne l'a jamais pardonné à son père. Etre en bisbille avec un bouddha, ça lui a valu quelque chose comme 1000 ans d'une existence assez pénible. En somme, même s'il avait de bons parents, les choses n'ont pas si bien tourné que ça. Malgré tout, il a une image maternelle très positive, donc je me sers de lui pour engendrer cette image. On peut supposer que le jour où il réussira à pardonner à son père, ou à trouver un substitut, il pourra découvrir ce qu'est un père, et moi aussi. En attendant, je me concentre sur cette image maternelle, et je découvre que cela débouche certains canaux au niveau du 7è chakra. Qui ne se sont jamais débouchés tout seuls, faut-il le préciser. Voilà pourquoi il ne suffit pas de rester à méditer dans son coin pour progresser.
Quelque part, on s'en fiche, de ce qu'il y a dans les canaux, ça n'a pas d'importance. Par exemple, les canaux de l'image maternelle ne nécessitent pas d'être débloqués par la mère qu'on a eue. Il suffit d'en concevoir une, n'importe laquelle, et d'ailleurs ce n'est qu'un mot, qui désigne un certain type d'énergie divine. L'image maternelle n'est qu'un support qui permet d'activer des canaux correspondant à cette énergie. Il n'empêche que sans support, on ne s'en sort pas, car ainsi que je l'ai dit maintes fois, nous ne sommes pas des anges structurellement parlant. Nous n'appartenons pas au monde émané, mais au monde créé.
Chacun est libre d'imaginer le lien qu'il veut entre l'article et la photo