Qu'est-ce qu'aimer les gens ?
Il paraît que je déteste les gens, ou plus exactement que je semble détester les gens, ce qui serait l'indice que je déteste peut-être, ou sans doute, les gens.
Mais qu'est-ce que détester les gens ?
Voici un petit texte qui définit l'ouverture et la fermeture, c'est-à-dire l'amour et la détestation :
You sit down. Inside you, what is going on? You want to be right. "I'm a nice guy, how could this person do this to do me? How could someone take advantage of me in the business world," or "How can somebody not love me? Don't they understand what I did?" Inside you, these muscles close up; they are protecting you. They are protecting your ego, protecting the image you have of yourself. You sit down to take your breath, and you find that something has robbed you of your heart. What robbed you of your heart ? The need to be right. These muscles do not want to open. They would rather you were safe and secure behind the wall than outside the wall.
Surrendering is opening all the muscles. This is the real test of your surrender in a situation. Can you breathe ? Does the throat open to receive the energy ? Are you free to receive this energy and open and see what your condition really is ? If you find out you are constricted in your heart, you have a pain in your back, or you can't get the air down, what does it mean? It means you are closed. What closed you? It does not matter what closed you, you do not have to find the rational reason, you just have to open. You sit and work, and you breathe. I do not have that problem anymore, but I used to sit and take that breath six hundred times in one day, sometimes, to begin to feel a little crevice start to open. If you are closed, you are dead. You can't be right if you are closed. Can a closed person know what he or she did or did not do ? So, if you find that you are closed, you have to drop the whole issue of whether the other person is or is not right.
Donc, ça se résume à la question suivante : quand je suis avec des gens, est-ce que j'ai le coeur serré, l'air qui ne circule pas, etc etc ? La réponse est non. Vu ma réputation, c'est un scoop. Quand je suis dans la queue du supermarché en train de regarder la caissière avec son vernis à ongle violet, ses colifichets et son chewing-gum, ça ne m'empêche absolument pas de respirer. Pas plus que le type devant moi qui s'est pris 6 bières, du saucisson et une pizza surgelée, et qui me fait penser à un abricot sec tellement il est ratatiné sur lui-même. Il y a aussi le cas du restau, avec ce gros type qui a collé sa chaise sur la mienne, juste dans mon dos. Est-ce que je respire ? Oui merci, et même des fois c'est l'extase. Pas à cause du gros type ou de la caissière. Quoique, ils ont l'air tellement misérables les pauvres, qu'on ne peut que ressentir de la compassion, et il faut admettre que c'est une aide. Et puis l'autre jour une fille m'a heurté en essayant de passer à côté de moi, provoquant une vague de félicité. Pas la fille. La sensation du heurt sur le bras. Il y a aussi le bus, avec la fille derrière moi qui fait penser à Radamanthe Némès d'Hypérion, hâve, les yeux morts vissés sur son portable. Et en plus ça pue. Mais je respire. J'adore le bus, sauf pour les bosses de la route.
Il faut se rendre à l'évidence, aussi terrible soit-elle. Physiquement, je ne déteste plus les gens (ce qui fut longtemps le cas). Peut-être même que je pourrais entrer dans une salle où il y a un satsang et respirer. Mais c'est pas sûr, parce qu'il y a là une telle torsion du vital que je ne peux pas dire à l'avance l'effet que ça me ferait. Enfin, la dernière fois que j'ai fréquenté une telle assemblée, j'ai eu de la chance, c'était chez les muslims, j'ai fait la prière avec eux, quelqu'un collé sur ma droite, quelqu'un collé sur ma gauche (ils vous touchent physiquement). J'ai trouvé ça génial, mais les bons muslims ne détestent pas les gens, physiquement. Ceux-là étaient bons.
Ceci ne m'empêche pas de voir que le corps des gens est plein de piquants, malgré leurs sourires et leurs paroles aimables. Alors je n'ai pas toujours le sourire, ni la parole aimable, mais mon corps ne jette pas de piques, même sur ceux qui m'en jettent. Je suis bien trop occupé à respirer.
Mais je crois que dans notre société, "aimer les gens", ça veut dire prononcer des paroles onctueuses en jetant des piques et même des hallebardes. L'inverse de ce que je fais. Alors c'est sûr, de ce point de vue, je déteste les gens.
En réalité, les gens je m'en fous. Comme je le disais, je suis bien trop occupé à respirer, et faire circuler l'énergie. Parfois c'est difficile (quoique rarement impossible), parfois ça déborde, et là, tout le monde pourrait se servir s'il voulait. Ma copine se sert, ça elle n'oublie jamais. Les chiens aussi se servent, c'est évident. Mais les proprios des chiens ne voient rien, trop occupés à penser à leurs problèmes. Est-ce que c'est de ma faute ? Je ne vais pas dépenser toute mon énergie, que je suis en train d'offrir à leur chien tout content, pour essayer de les convaincre sans succès que j'ai un cadeau pour eux. Le cadeau il est là, ils n'en veulent pas, c'est pas grave, le chien me suffit (et Dieu sait que je n'aime pas les chiens...).