Solaris suite
Cette promenade m'aura mis en face de peurs dans le vital, d'irritations et de tensions dans le corps, partout, partout. Et puis une fois revenu dans le foyer-famille, les vieilles et affreuses rengaines ont commencé à sortir... Un silence et un calme compacts me permettaient de les recevoir sans broncher. Les quelques mots que j'ai pu adresser furent très mal pris. Alors, des vagues du subconscient sont montées des pieds à la tête, j'ai senti la catastrophe, le malaise. Tout le monde était mal. Ils ont monté le son de la télévision, chacun s'agitait dans son coin, le neveu sur mes genoux... J'ai senti soudain que je devais partir. Sans quoi la subconscience allait me jouer un plus ample vilain tour. J'ai bredouillé deux-trois mots stupides et je suis parti en disant qu'ils ne seraient pas près de me revoir. Ils n'ont rien compris et le petit papa, avant que je parte, m'a fait le signe que j'étais fou. La petite maman était comme à son habitude si lunatique...
J'ai marché dans la nuit parisienne et la folie du monde en paix universellement et en même temps fébrile dans ma nature perturbée par tant et tant d'horreur. Le plexus solaire était noué, comme jadis avec les symptômes de l'asthme. J'ai marché dans une grande invocation. Voilà ce que les grands magasins m'auront offert : c'est de voir l'enfer de la cassette des profondeurs familiales ; en fait, du mental basique, ce même endroit de violence que j'ai touché avec Phil au mois d'août. Là, je n'ai pas eu la Force et l'Amour de rester sans leur porter un mauvais coup venu d'en bas, tout autour. Il faut donc se préserver juste là où l'on n'a pas le pouvoir d'aller. (Extrait du Journal d'un mutant)
Cela me fait penser à un ami qui passait beaucoup de temps à convaincre ses parents et toutes sortes de gens des bienfaits de la spiritualité, à chaque fois il sortait de ces conversations en mille morceaux. Mais récemment, je crois qu'il a trouvé moyen de se faire passer pour un saint en tombant dans une sorte de fanatisme illuminé. Je n'ai évidemment plus de nouvelles car nous ne sommes plus amis. J'ai connu aussi un autre fanatique même pas illuminé qui passait lui aussi pour un saint. Ce qui me fait penser que Solaris était sur la bonne voie à cette époque, c'est qu'il passait pour un fou. Sans parler de ce que ses écrits transmettent, et qui est quand même assez net.
J'ai aussi trouvé un récit assez amusant d'un séjour chez A Desjardins, à l'occasion d'une visite d'Amma. A cette occasion, il a été saisi d'une sorte de crise qu'il explique par un choc entre l'énergie qu'on trouve chez les disciples d'Amma (fuite vers le haut) et la sienne (descente du divin dans la matière) : "En pleine cérémonie du darshan, un profond et vertigineux cri est sorti de ma bouche... Écrasé, répandu comme en bouillie, j’étais apparemment sorti de mes gonds de normalité. Alors on s’empressa de relever cet homme indécent apparemment tendu et froid, donnant tous les signes d’un disjonctage peut-être dangereux pour lui et pour les autres. L’inquiétude emporta les disciples qui emmenèrent son corps dans un lieu plus sûr. Une incompréhension fit rage. On voulut l’emmener à l’hôpital, on le contraignit à “revenir à la réalité”. On le menaça, etc". Je crois que j'aurais bien aimé le connaître. Mais à l'époque je n'aurais rien compris, et s'il est vivant aujourd'hui, j'imagine qu'il est devenu insupportable.
Je trouve ces récits intéressants parce que son processus est l'opposé du mien. Il y a deux types de processus. La lumière blanche qui descend, ou le feu qui monte. Il prétend que le 2è est plus dangereux que le 1er, mais quand je lis ce qu'il écrit, il a été de toutes façons complètement dédéquilibré et on ne sait finalement pas dans quel état il en est ressorti, sauf à prétendre comme Adi Da qu'il était quasiment le seul sur terre à connaître la vérité vraie, au-dessus des saints chrétiens etc. Au temps pour la fiabilité du processus. J'ai aussi expérimenté ponctuellement le truc qui descend, venant d'un père spirituel chrétien, ça rend tout aussi fou que le reste. J'ai l'impression que quand la lumière descend sur le bazar du vital, le choc est franchement violent. Alors que si on le nettoie en premier... il y a bien le risque de ne jamais arriver en haut, mais bon. Ce qui est sûr, c'est que si on n'a pas les balises de la Tradition, on a toutes les chances de se planter.