Le sentiment secret de supériorité (par Adyashanti)
J'étais dans ma douche lorsque j'ai songé qu'il me faudrait vraiment commenter ce texte, lu plus tôt dans la soirée :
«Voici une anecdote personnelle qui illustre à quel point je sais qu'un sentiment secret de supériorité peut se manifester, et comment y remédier. À l'âge de vingt-cinq ans, j'ai connu mon premier éveil spirituel et l'expérience s'est avérée extrêmement puissante, libératrice. Moi, ce gamin de vingt-cinq ans, j'étais soudain libre de toute peur. Je savais que j'étais immortel et que rien ne pouvait me nuire. Tout instinct de survie inhérent m'avait quitté.
Quelques mois après avoir réalisé cela, je suis allé voir mon maître. Je rencontrais toujours cette femme le dimanche matin. Nous méditions ensemble, elle donnait un enseignement, nous méditions encore un peu, puis nous prenions ensemble notre petit déjeuner. À cette occasion, en m'installant dans la pièce avec les autres disciples, j'ai éprouvé ce sentiment de supériorité. J'en fus très étonné. Avec le temps, je l'ai baptisé « l'homme supérieur».
J'étais assis, en méditation, et subitement l'homme supérieur se manifestait. Je jetais un coup d'oeil autour, ayant l'impression que les autres personnes présentes étaient parfaitement ignorantes. Elles ne savaient rien de la vérité; elles ignoraient tout de la réalité. Moi, par ailleurs, j'avais connu ce formidable état de conscience. Immédiatement, mon état d'âme m'horripilait, car, heureusement pour moi, j'étais conscient qu'il était illusoire. La réalisation même m'avait démontré que la supériorité est un rêve absolu, une chimère égoïque. Ce qui n'empêchait pas l'homme supérieur de se manifester de temps à autre.
Mon mental fabriquait ce sentiment de supériorité formidable à la base des constituants de l'éveil. Parallèlement, il y avait cette lucidité plus profonde consciente que ce sentiment n'avait aucune validité. Au départ, je tentais simplement de me rappeler sa nature illusoire, je revenais à cet espace intérieur où la supériorité était inexistante. Malgré tout, chaque semaine, quand je me pointais pour une séance de méditation, cette arrogance apparaissait.
J'ai tout essayé. J'ai d'abord tenté de détester à mort cet homme supérieur. Puis, de l'aimer à mort — de l'accepter, de lui laisser libre cours, dans l'espoir qu'il se volatiliserait. Je cherchais son point d'origine, ses raisons d'être. Au fil des semaines, j'ai appliqué toutes sortes de stratégies pour l'annihiler — en vain. Chaque dimanche matin, je me pointais, je m'installais et l'homme supérieur se manifestait.
Finalement, un beau matin, j'ai compris que je ne pouvais rien contre cet homme supérieur. Cela m'a paru un échec cuisant. J'avais tout tenté pour m'en débarrasser, sans aucun résultat. Je n'y pouvais vraiment rien.
Ce n'était pas un rejet; je n'étais pas aveugle à son sujet. Il s'agissait d'une réalisation sincère, authentique. Un instant de défaite cuisante. J'ai compris que peu importait l'envergure de mes réalisations, je pouvais toujours être vaincu. Il était toujours possible qu'apparaissent en moi une attitude illusoire, une tendance impossible à éliminer, même après l'éveil qui avait eu lieu.
Je suis resté là, consentant à la défaite. J'ai médité un peu plus longtemps, puis je me suis levé en même temps que les autres. Nous avons entamé notre petit déjeuner. J'étais attablé avec les autres pour un repas quand j'ai remarqué que mon sentiment de supériorité s'était estompé. Non pas que j'avais subitement saisi quelque chose — il n'y avait aucune raison à cela—, mais j'avais compris que je ne pouvais rien contre ce sentiment. Appréhender le fait de ne pas être en mesure d'abolir cette arrogance, malgré mes efforts, fut l'une de mes premières leçons, suivies de plusieurs autres, sur la futilité de la volonté personnelle.
Si, après l'éveil, vous éprouvez donc ce sentiment de supériorité, ne tentez pas de le réprimer. Ne cherchez pas à écarter la négativité, quelle qu'elle soit. Ne l'alimentez pas non plus. Voyez-la simplement pour ce qu'elle est. C'est ce qui compte. (extrait de "La fin de votre monde", par Adyashanti)
Bon, ce gars est enseignant, mais il ne montre pas une grande compréhension de la dynamique des choses, ce qui est triste pour ses disciples.
Il a l'air se se considérer comme un ensemble unifié, sans voir qu'il est au contraire un ensemble d'agrégats. Qui est le "je" qui se sent supérieur ? Comment peut-on se prétendre éveillé lorsqu'on impute de cette façon un "je" sur des agrégats en continuel changement ? Et puis surtout, comment peut-on se prétendre éveillé et ne pas voir la dynamique qui constitue la séparation et la non-séparation, et donc avoir un minimum de maîtrise là-dessus. Moi aussi je peux regarder quelque et me sentir supérieur. Ou pas. Et c'est quand même mon choix. C'est-à-dire que si ce sentiment de supériorité me plaît, je vais le garder. Si je soupçonne qu'il y a mieux à faire, je vais me situer dans un endroit où il n'existe plus, c'est facile, il suffit de s'identifier à la personne (une possibilité qu'il ne semble pas du tout considérer, pour lui il n'y a que la fuite dans son petit nuage). C'est intéressant si elle a quelque chose d'utile.
Un cas typique, c'est une messe avec des moines qui ont plus ou moins des qualités. On ne sait pas. Ici, le sentiment de supériorité serait une mauvaise tentation je pense, parce que pas très enrichissant. Mieux vaut se choisir quelques moines assez inspirants et tenter de s'identifier. En revanche, j'admets que si je passe devant une plage en été et que je vois des jeunes débiles en train de jouer au volley, j'aurais plutôt tendance à me sentir supérieur. J'admets que je ne sais pas très bien me nourrir des équipes de beach-volley, ce qui est probablement une faiblesse, mais bon.
Cela dit, si on veut aller plus loin, il faut quand même se confronter aux résistances, car ainsi que je l'ai dit ailleurs, si on ne s'y confronte jamais, on ne grandit pas. De ce point de vue, il faut admettre qu'Adyashanti ne sait pas du tout comment grandir, il sait seulement comment être tranquille.
What is the hardest thing in the world? Reality. Meditation is when you are floating around in your own little spiritual world and you are the ultimate. Reality is when you are working your guts out to stay open so the spiritual force can transcend itself. It is exhausting but fantastic, because you are not caught in the world of your illusion. You are vitally working, you are vitally in contact and you are vitally changing, against your will, against your instinct, and against everything else. Reality has resistance. You are transcending yourself. Illusion has no resistance. Illusion is fantasy. It is easy — you float off. Our work is kundalini yoga. The kundalini energy can only rise if you are transcending.
Donc dans le cas des moines, qui est le plus intéressant, la résistance se trouve à l'endroit précis qui voudrait se considérer supérieur aux moines. Il est facile d'y échapper en choisissant l'autre solution, mais alors il y a un déplacement dans le corps subtil, et on s'aperçoit la fois suivante que la tendance est toujours là, à la place où on l'a laissée la veille. Donc là, je crois qu'il faut se contempler depuis cet endroit = se sentant supérieur aux moines, sentir le schéma dans le corps énergétique, et se demander "est-ce que je veux ce truc ?". Adyashanti nous dit de voir le truc, mais quoi ? Comme dit Rudi c'est comme le chien qui pisse sur le tapis. Tant qu'on ne lui file pas un coup de savate, il va continuer à pisser là. Tant qu'on lui dit "Ah, tu ne veux pas partir aujourd'hui, bon ben on verra demain", on est sûr qu'il va rester pour l'éternité.
On en revient à un post précédent. Si je n'ai pas d'interface claire entre moi et les moines, je ne peux rien faire face à ce sentiment de supériorité, et je pourrai juste regarder le chien pisser sur le tapis. Par contre, si j'identifie clairement, mais très clairement la forme énergétique, je peux commencer à identifier quelque chose que je ne veux pas. Par exemple, cas actuel, Adyashanti, je me sens supérieur à lui. Ce qui nous fait conserver ce type de s'entiment, c'est qu'il y a incontestablement un dynamisme. Ce sentiment de supériorité, disons, est un courant d'énergie entre le C3 et le C4, au centre. Tout à fait au centre. C'est agréable. Mais pour obtenir ce courant d'énergie, je dois créer en moi une image d'un pauvre débile, cette image est logée à gauche du C2 disons à 10cm. Et quand je la regarde bien, il y a une grosse résistance, comme une friction à cet endroit, et ce truc en fait me gêne vraiment. A force de le regarder, il commence à se dissoudre, et là il y a un autre courant qui monte du C3 au C4, d'une qualité qui n'a vraiment rien à voir avec le premier. La nuit et le jour.
Mine de rien, c'est aussi le fond de l'affaire avec les chenilles. Qu'est-ce que je préfère ? En plus du fait que tant que je maintiendrai dans mon corps subtil des duplicatas de chenilles, de débiles mentaux et d'hommes politiques véreux, il n'y a aucune chance de stabiliser le moindre état naturel. Il faut quand même en être conscient. Donc quelque part, il n'y a pas vraiment le choix.
En conclusion, je crois que l'erreur d'Adyashanti, c'est qu'il regarde l'énergie qui émane du sentiment de supériorité, cette énergie est agréable, donc ça n'est vraiment pas un problème. Mais s'il regardait l'image qui lui permet de générer cette énergie et qui est sa propre création, ça ne lui plairait pas du tout. Personne ne veut des choses pareilles dans sa terre pure, et d'ailleurs à partir du moment où il y a ces choses, il ne peut pas y avoir de terre pure.