Gestion des noix
"dans ce genre de chocs (quand la suffisance est mise à mal ou dans d'autres cas, quel que soit l'ampleur de la chose), comment utilises-tu l'énergie du choc ? Comment l'affrontes-tu ? Je veux dire, vraiment très concrètement, sur le moment, pour en "jouir de son potentiel énergétique" ?"
Pour moi, c'est toujours un choc physique qu'on refuse, mais comme ils sont en cascade, on ne prend conscience généralement que du premier. Dans le cas que tu cites, mettons qu'il y a en premier lieu le choc d'avoir été ignoré (ce que tu appelles vexation), bien visible. Ensuite tu dis que cela révèle d'autres choses comme de l'arrogance, une crétinerie spirituelle etc... mais toutes ces choses sont également des chocs physiques si on regarde bien. En tous cas chez moi ça l'est toujours. Se dire "quoi ? J'en suis encore là ?", il faut bien reconnaître que ça fait aussi une drôle de sensation au ventre. Et ainsi de suite, car il est possible que cette sensation en cache encore d'autres, parfois inattendues :"Si j'en suis encore là c'est parce que Dieu ne veut pas m'aider, parce que je suis indigne".
Enfin bon, ça prend la direction que ça prend, mais c'est un peu comme des chapelets de saucisses, ces trucs, quand on commence à tirer un fil, ça amène assez loin. A ce sujet, j'espère que tu ne m'en voudras pas si je t'en suggère un, mais ça m'est venu spontanément à l'esprit, et je sais que c'est un filon qu'on oublie souvent d'exploiter. Est-ce que tu as considéré la possibilité qu'elle pouvait avoir raison ? Si tu l'admires tant, j'imagine que c'est parce qu'elle est plus évoluée que toi. Donc, il est bien possible qu'elle ait ouvert ce mail, lu 3 lignes et qu'elle se soit dit "Oh putain, il recommence, je l'aime bien mais là j'en peux plus". Peut-être que de ton point de vue, tu t'es confié d'une manière qui t'a coûté, mais peut-être que le résultat, c'est que de son point de vue tu étais encore en train de parler de toi. Je dis ça parce qu'il m'arrive souvent d'écrire des lettres non envoyées, et quand je les ouvre 1 an plus tard je me dis "Heureusement que je l'avais pas envoyée celle-là, je me serais couvert de pipi". Du coup ça me rend circonspect pour les suivantes...
Quelque part je t'envie parce qu'il y a encore des gens qui arrivent à te faire ce choc-là. Si je réfléchis à la personne que j'admire le plus, c'est un prêtre, celui précisément pour qui je suis en train de peindre une icône. J'espère qu'il priera pour moi, mais je n'attends franchement aucune réponse de sa part, je serais même étonné d'en recevoir une. C'est quelqu'un de tellement plus évolué que moi, que, de mon point de vue, mon cadeau est plus une requête (celle de prier pour moi), qu'un cadeau, à savoir que ça lui coûtera peut-être plus que ça ne lui apportera. Je prie pour que cette icône ait une valeur en soi et qu'elle lui apporte quelque chose, mais franchement ça n'est pas entre mes mains, et si ça ne marche pas, eh bien c'est un cadeau qui pourrait lui coûter et dont il voudra peut-être se débarrasser (alors que moi je la garderais volontiers). Bref.
C'est une attitude que j'ai développée même avec les gens que je n'admire pas particulièrement. C'est comme pour Noël, la plupart des cadeaux reçus sont des fardeaux et on voudrait les revendre sur le Bon coin. Je me dis que ce que j'envoie aux gens doit être de même nature, de leur point de vue. J'envoie un mail super intelligent, et ma malheureuse victime ne peut même pas le revendre sur le Bon coin. Donc les gens font ce qu'ils font dans ce cas, ils ne répondent pas et on n'en reparle plus jamais. Heureusement, quand j'en ai 100 j'en fais un livre en kindle dont je vends 5 exemplaires sur amazon.
Bon, ça ne désactive pas la crétinerie égotique à la racine, mais ça lui fait prendre d'autres chemins, parce qu'on s'y attend. Par exemple, si je n'ai aucune nouvelle du prêtre, je serai triste, mais pas vexé, parce que j'ai trop conscience d'être un ver de terre comparé à lui. Il y a un jour où on se rend compte que par rapport à un être plus évolué que soi, on représente avant tout une somme d'emmerdements, et peu de sujets de satisfaction.
Donc ta question. Chez moi ça va clairement se loger autre part. En l'absence de décès dans mon entourage, ce qui me fait des chocs, c'est plutôt la connerie humaine, c'est ma noix difficile personnelle. La solution, pour moi, c'est de ressentir ma représentation du con pour le blocage qu'il représente chez moi. Par exemple un gars sur FB qui me sort un truc d'une bêtise inimaginable, il y en a des milliers, il suffit d'ouvrir n'importe quelle page. La pensée que j'ai de lui dessine une forme géométrique assez repérable dans mon corps. On peut appeler ça une tension. Même si je ne peux pas prier pour le gars, je peux prier pour l'être interne à moi qui se manifeste en tant que cette tension. Donc je regarde cette chose et je me demande "est-ce que je veux la garder ?". Déconnectée de sa source externe, elle devient assez facile à défaire. Je procède ainsi avec tout ce qui se présente sous cette forme, ce qui arrive assez souvent dans la journée.
Par contre, je dois préciser que quelque chose a changé par rapport à avant. Il y a x temps, je ne pouvais pas maintenir la perception de ces tensions indépendamment de leur source externe, ce qui est en principe l'état ordinaire. C'est d'ailleurs le problème de la thérapie primale, le patient doit acquérir la capacité de garder en même temps une sensation et la visualisation qui est à sa source. Mais cela crée un problème : tant que ça reste connecté, c'est difficile à manier, et on peut se faire emporter par le courant (ça m'est arrivé). En même temps, si on déconnecte, la sensation disparaît. Aujourd'hui je peux conserver la sensation assez bien même en déconnectant, ce qui me permet d'avoir à gérer une quantité d'énergie qui est déterminée et qui ne va pas augmenter brusquement d'une seconde à l'autre.
Traduit dans un exemple. Je lis un commentaire de Toto qui me hérisse. Auparavant : si je cesse de penser à Toto, le hérissement disparaît et je ne peux donc pas le dissoudre. Si je pense à Toto le hérissement revient, mais comme il est sans arrêt alimenté il est très difficile de le dissoudre. Donc je n'ai rien pu faire tant que c'était en l'état. Aujourd'hui : si je cesse de penser à Toto le hérissement reste et je peux transformer cette quantité là que j'ai sous la main. Ce qui n'est possible que si j'identifie correctement la forme interne énergisée, car à ce moment je peux me concentrer sur elle, elle devient en quelque sorte un personnage interne. Je pense qu'autrefois, mon problème était que cette forme était trop vague, il n'y avait en quelque sorte pas d'interface entre la conscience et la forme extérieure. Et par définition, on n'a pas de pouvoir sur ce qui est "extérieur".
Au final, quel que soit le choc, le truc c'est de ne pas rester sur la vision ou l'élément externe qui l'a déclenché, mais de ressentir le plus précisément possible la forme que ça dessine dans notre système interne, et de travailler avec cette forme. C'est moins difficile une fois qu'on a compris qu'on ne sait rien de l'extérieur en réalité, et que toutes les représentations qu'on en a sont finalement des supputations, qui nous permettent plus ou moins de fonctionner avec le monde. Par exemple mes suppositions sur Olivier ne désignent qu'une certaine représentation interne que j'en ai, que sais-je de lui au final ? Si je ne suis pas dans la nécessité absolue de prévoir ses réactions, s'il n'est pas vital d'avoir un modèle correct, je peux me permettre de ne pas m'attacher à ce que je pense de lui, ce qui me permet de l'internaliser et de le modifier. Par contre, si je veux absolument avoir raison, je vais cristalliser l'énergie sur la forme dont j'estime qu'elle est "vraie". Bon, il y aurait tout un nouveau post à faire pour développer là-dessus.