Dégénérescence du dharma et pillage des disciples
J'ai compris finalement pourquoi le dharma dégénère, et en quoi les tibétains en sont eux-mêmes très responsables. Même le Lopön finalement, ou du moins son institution. Parce qu'en fait, on peut dire "oui bon il prend les sous de A pour donner à B et préserver le dharma, et puis comme A est trop nul pour comprendre ses enseignements, il fait plutôt une bonne chose quand même". Oui, une aussi bonne chose que de mettre une poutre dans un gigantesque rouage. A savoir qu'en inversant à un certain endroit le cours naturel des choses, car il l'inverse, il détruit l'ensemble du système de A à Z, et non pas seulement au point A.
Car, comment les choses sont-elles supposées fonctionner ? Comme dans un jardin. On récolte ce qu'il y a à manger, et on taille et on engraisse pour l'année suivante. Et ainsi de suite. Or les tibétains ont décidé de faire ce que fait le monde entier avec la gestion des communs, les forêts, les océans, l'eau, l'air, ces biens qui n'appartiennent vraiment à personne : on pille et après moi le déluge. L'énergie et l'argent des disciples, ce sont aussi des communs, et actuellement tout le monde les pille, exactement comme les ressources naturelles. Tout le monde se dit que cette ressource est infinie et que donc on peut y aller. Où qu'on se tourne, on trouve des faux gourous pour nous vendre n'importe quoi.
Quand il y avait peu de faux-gourous, et peu d'industries, on pouvait penser qu les communs étaient une richesse infinie. Mais du fait que maintenant tout le monde les pille, on se rend compte que c'est une richesse tout à fait limitée. Et que va-t-il se passer quand il n'y aura plus de pétrole, plus de poissons, plus d'arbres, et plus d'énergie ni d'argent chez les disciples ? Ce qui est au dessus va s'effondrer. Rudi a raison de dire que la richesse d'un maître, c'est ses disciples. Et le maître doit procéder avec ses disciples comme on procède avec un troupeau. Si on tue la bête pour manger la viande, on se retrouve ensuite avec plus rien à manger. Ce qu'il faut, c'est nourrir la vache pour qu'elle donne du lait. Comment on nourrit un disciple ? En lui donnant de l'énergie. Qu'est-ce que le lait ? Tout ce qu'il va entreprendre grâce à cette énergie. Si on prend l'exemple de John Mann, qui était bien loin d'être l'exemple du "bon" disciple, il a quand même écrit pas mal de bouquins (10 ou 20 je ne sais plus) et il a eu finalement une vie assez créative dans l'ensemble. Il a redistribué des richesses autour de lui, même s'il est resté très loin du niveau de Rudi. Donc, imaginons une sangha du Lopön, où, au lieu d'avoir des jeunes fatigués qui traînent dans tous les sens, il y aurait des gens créatifs. Il n'y aurait pas à faire des appels renouvelés en pleurant qu'on ne peut pas payer la nouvelle chaudière, ou qu'il faudrait 3 personnes pour s'occuper des jardin. Les gens auraient spontanément envie de s'occuper des choses, il y aurait 10 fois plus de disciples et ainsi de suite. Alors que là, c'est la mentalité d'assisté qui prévaut : si je donne 300 euros pour ne rien recevoir, je vais rester pendu à la ligne sans bouger en attendant que la nourriture arrive. Et les gars qui tiennent la canne à pêche se retrouvent avec des grappes de gens pendus comme des harengs à chaque retraite, ce qui est vraiment lourd. En refusant de donner de l'énergie créative, ils tuent leur propre troupeau, comptant sur le renouvellement naturel des ressources. C'est une double erreur : 1) tout le monde pille maintenant ces ressources, en sorte qu'il devient difficile d'en trouver 2) c'est karmiquement très mauvais car c'est aller contre la loi naturelle, qui dit que le jardinier doit cultiver son jardin. Le troupeau qu'on laisse à l'abandon pour le tondre régulièrement va développer toutes sortes de comportements adharmiques (ne serait-ce qu'on reproduisant ce comportement autour de lui), et ceux qui sont au-dessus n'auront rapidement plus la base pour évoluer. En effet, il doit y avoir un échange d'énergies entre maître et disciple, or là, il n'y a pas. Le disciple donne juste ses névroses, ce qui ne sert vraiment à rien ni à personne, alors que s'il était nourri, il pourrait donner des énergies nouvelles et intéressantes.
Bref, il sera intéressant de voir ce qui se passe quand il n'y aura plus de pétrole, ce qui ne va pas tarder, dans la mesure où l'extérieur n'est que le reflet de l'intérieur. Peut-être que spirituellement il va se créer des petites communautés écologiques soucieuses des ressources, mais je n'en ai pas encore croisé.