Les fantômes affamés
La lecture de Rudi m’a permis de comprendre une situation récurrente depuis... toujours, et d’après ce qu’il dit, ça n’est pas près de s’arranger. Il explique que les personnes ayant certaines qualités spirituelles (disons que chez moi il s’agit de persévérance et d’inventivité) vont attirer autour d’elles d’autres personnes dont l’intention n’est pas de devenir libres, mais au contraire de se rassurer et de cristalliser leur ego avec l’énergie fournie. Quand il s’agit d’un “magicien”, une personne qui n’a aucune intention de libérer les autres mais de les asservir, l’association fonctionne très bien, parce que c’est précisément le but de ces gens. Ils veulent servir un maître qui a du pouvoir, afin de se sentir exister, de se rassurer sur le fait qu’ils détiennent la vérité, et d’obtenir aussi une partie de son pouvoir. Il n’y a qu’à regarder les dévots d’Amma, de Sai Baba etc... ou les fanatiques de n’importe quelle religion, pour voir jusqu’où ça va. En revanche, quand ils ont le malheur de tomber sur quelqu’un dont l’idée est de libérer les gens, ça se passe très mal.
Mon problème, c’est que j’ai été naïf, et puis j’aimais bien avoir des amis. Donc, lorsqu’une personne s’approchait de moi, j’avais tendance à minimiser la composante fascinatoire de sa démarche, tout en la renvoyant sans cesse à elle-même et à sa propre créativité. Il y en a un certain nombre qui n’ont pas supporté, et qui en sont devenus à moitié fous. Par exemple un certain Régis (et j’espère bien que ce post lui reviendra aux oreilles). Dès le départ, il a été totalement fasciné, tout le monde autour de moi a tenté de m’en prévenir. Mais je n’ai pas voulu le voir. J’ai été assez stupide pour lui fournir de l’énergie pour l’aider. Il voulait quelqu’un qui le conforte, mais cette énergie lui a donné un surcroît de clarté qui lui a montré que sa situation familiale était celle d’un esclave. Je lui expliquais comment s’occuper de sa femme et de ses enfants, et pendant ce temps, il voulait divorcer, se faire ermite pour fuir tout ça, que sais-je. Parce que moi je mène une vie d’ermite et qu’il voulait évidemment se prouver qu’il était aussi bien que moi. Bref. Il a explosé en vol. A l’heure actuelle il m’accuse d’avoir essayé de détruire sa vie et son ménage, et il dit du mal de moi à qui veut l’entendre. Il s’est évidemment associé à un autre de mes anciens adorateurs.
Ces gens proposent toujours un marché de dupes à la personne honnête “Je vais t’admirer, en échange de quoi tu vas me donner l’énergie pour devenir fort et pouvoir écraser les autres”. En effet, leur admiration ne vaut pas un clou, puisque ce sont des fantômes. L’énergie qu’on leur donne en s’occupant d’eux, en revanche, est bien réelle. Les faux-gourous, eux, ont trouvé la solution. Ils demandent de l’argent, fournissent le minimum d’énergie. Mais quand on ne veut pas faire commerce de spiritualité frelatée, on se retrouve entouré de chiots transformés en loups affamés par l’énergie qu’on leur a donnée (comme la créature du Voyage de Chihiro). Au final, au est obligé de les détacher de soi : pour ça, on n’a pas d’autre solution que de s’en faire détester, sinon ils ne lâchent jamais. Rudi a eu affaire à un certains nombre de personnes de cette sorte. Il donne quelques exemples. Au bout d’un certain temps, je pense qu’il a finalement appris à les repérer et à ne pas les nourrir. Pour ma part, je sais bien que ce qui m’a valu tous ces désagréments, c’est ma compassion idiote.
Je me suis demandé comment les saints s’en sortent, eux qui fascinent tellement de gens. Il me semble qu’ils respectent plusieurs règles. 1) Repérer ces gens 2) Ne pas s’impliquer avec eux 3) Ne pas leur donner la moindre “connaissance” que leur mental pourrait s’approprier, et qui leur donnerait du pouvoir.
Bref, tout ça pour dire que les gens qui me détestent le plus aujourd’hui sont ceux qui m’ont trop “aimé”, et que j’ai dû détacher à coup de hache - parce que je peux vous dire qu’une fois qu’un fantôme affamé a trouvé une source de nourriture, il s’accroche de toutes ses forces - (je précise que le cas de Régis cité plus haut a été un peu différent, c’est sa femme qui l’a détaché de moi à coups de hache, mais le résultat est le même, il me hait). Ce qui veut dire que c’est foutu. Je ne peux pas aller vers eux en leur disant “On fait la paix, moi je vous aime bien”, parce que ce serait me les recoller sur le dos.
C’est étrange qu’aucun maître spirituel n’en parle. Mais je sais que je ne suis pas fou, parce que Rudi consacre de nombreuses pages à ce problème.