Monde astral, monde imaginal, roman dharmique et divinités courroucées
(le monde imaginal est-il le monde astral ?)
Où les yogis rencontrent-ils des dakinis ? Où se situe la montagne du Qâf, le royaume de Shamballah, le pic du vautour où le Bouddha enseigna le sutra du coeur ? Tu crois qu’il est monté au sommet d’une montagne ? Tu me fais penser à la femme de mon père, une marocaine, qui croit mordicus que le Prophète est monté au ciel physique sur le dos d’un cheval physique, lors du Miraj. Lis n’importe quel écrit mystique et dis-moi dans quel univers se déroulent leurs visions. https://fr.scribd.com/doc/34831727/Ruzbehan-Le-devoilement-des-secrets L’hypothèse du monde astral est plutôt grotesque, puisque le monde astral est en fait le monde vital, une sorte de déchet donc. Non, le plus étonnant, c’est que tout le monde ait oublié le monde imaginal alors que les mystiques de toutes les traditions n’arrêtent pas d’en parler. Sans doute parce que la psychologie moderne a décidé qu’il s’agissait de délires, ou d’aventures symboliques. Ce dont Jung parle, ce n’est pas le monde imaginal. Sinon il n’aurait pas tenté de faire croire à ses patients qu’ils réalisaient je ne sais quoi alors qu’ils étaient juste en train de fantasmer. ça prend du temps d’entrer là-dedans, et par soi-même on ne peut pas.
(le mal n’est pas si profond que ce qu’on croit, c’est juste une illusion)
Mais profond, ça l’est. Le 1er tome du Néonomicon est puissant, même si ses explications ne sont pas claires. Ce qu’il trouve, ce n’est pas un langage, c’est un univers, et cet univers n’est pas constitué comme un langage. Le langage n’est qu’un pâle dérivé et en réalité est incapable d’en rendre compte. Le monde imaginal est le monde où prennent forme les énergies divines, positives ou négatives, ce que la théologie appelle les anges. Un ange négatif est un être fascinant, c’est absolument certain, et à juste titre, puisqu’il nous dépasse (il est divin). Le défaut des mauvais anges n’est pas d’être « vilains », c’est l’auto-contemplation : ils se trouvent si beaux qu’ils ne veulent rien regarder d’autre qu’eux mêmes. Quand un humain fait ça, il est évidemment ridicule, puisque l’homme est ontologiquement vide. Il ne fait que contempler son néant. Mais un ange qui fait cela n’est pas ridicule parce que sa nature est d’être plein de quelque chose. Il est juste néfaste, parce qu’il induit la même chose chez nous, et alors là nous devenons ridicules, parce qu’il ne faut pas croire qu’il nous emplisse de sa qualité. Donc l’arnaque est là : nous contemplons une énergie divine que nous ne pouvons pas devenir, comme l’ange qui ne voit que lui-même n’est pas partageur, par définition. C’est ainsi que les mages noirs s’auto-détruisent. Le mal n’est pas une absence d’être comme certains ont voulu nous le faire croire, c’est un être bien réel, mais qui ne nous est pas accessible.
(Le roman dharmique ça a l’air bien, mais ça semble difficile de prévoir à l’avance si un personnage sera gérable).
On ne prévoit jamais à l’avance qu’un personnage sera gérable. Saison 6 j’en ai créé un bien sévère, et il m’a donné du fil à retordre, mais après c’était bien. Saison 9 j’en ai créé un autre encore plus difficile, et je peux dire que quand le personnage émerge, tu te sens mal. Parce qu’en fait ce qui apparaît, ce ne sont pas des vilains mages noirs, somme toute très misérables à leur façon, ce sont des anges. Ils n’expérimentent pas vraiment la misère du samsara, ils sont même très fiers de leur merde, ni la maladie ni la vieillesse ne leur pend au nez, ils sont assez puissants pour maîtriser leurs ennemis, donc au fond tout va bien (Morgoth au départ est un excellent candidat). Une fois transmutés, ils sont évidemment plus intéressants que les gentils, car ils ont plus d’intensité : « Garchen Rinpoche on the meaning of Wrathful Deities The transformation that occurs when the afflictive emotions are subdued with the sharp discriminating awareness is the arising of the wrathful deities. The actual nature of the afflictive emotions is primordial wisdom, thus the five poisons are the five wisdoms. Through the power of awareness the afflictive emotions collapse, and this collapsing reveals their true nature, primordial wisdom. This collapsing or transformation is the wrathful deity. ».
Cela nécessite d’expérimenter avec la plus grande intensité possible ces émotions négatives, tout en ayant le canal central ouvert. C’est là qu’Alan Moore s’est pris les pieds dans le tapis. Pendant qu’il contemplait l’abîme, il n’était pas « uni à Jésus », comme diraient les saints. Ca ne veut pas dire forcément penser à Jésus en tant que tel, mais si tu aimes ton personnage d’un amour passionné (il faut parvenir à ce degré d’intensité), alors tu peux expérimenter ses sentiments passionnés de haine et de colère, et tout se transmute par la vertu de l’amour que tu ressens pour lui.
Maintenant, il faut du temps pour engendrer un personnage qu’on aime à ce point. L’erreur de Tolkien par exemple, a été de détester ses méchants. Tu remarqueras qu’ils se sont scindés en petits morceaux qui ont fini par disparaître dans le néant, comme Voldemort. Mais tout ça, c’est de l’énergie perdue. Dans le Silmarilion, il y avait un épisode prometteur, Morgoth et Luthien. La fille lui plaisait, si elle avait éprouvé suffisamment de compassion pour lui, elle l’aurait transformé. Ces personnages-là sont transformés par la vision de la vraie bonté, mais il faut que la vraie bonté paie de sa personne et verse son sang pour les sauver (modèle christique). Frank Herbert s’y est un peu essayé avec l’Empereur-Dieu de Dune, sauf que ça reste facile.
Peu d’auteurs ont la notion de la véritable compassion, il faut dire qu’on ne l’apprend que chez les saints.