De la difficulté d'aimer Dieu
Il est vrai que notre désir c'est d'aimer sans trop se poser de questions, comme le dévot modèle, ou du moins l'image qui en est colportée par un certain hindouisme, ou un certain christianisme. Mais je doute quelque part de la véracité de ces images.
Si je prends un moment en essayant de "juste" aimer Dieu, c'est très tiède, sauf grâce particulière. L'amour séraphique ne m'a pas été donné, et je doute qu'il soit donné magiquement à qui que ce soit, car c'est un tout. Quand je suis dans ma tiédeur et que je demande à Dieu de m'en sortir, il ne m'en sort jamais par l'amour dévot, jamais par le haut. Toujours par le bas.
Hier c'était les malheureux noyés dans l'océan, aujourd'hui tout à coup j'ai eu mal au pied et cela m'a remis face au fait que mon corps de m'appartient pas. Ce mal au pied pouvait être le premier symptôme d'une grave maladie dégénérative, qui sait... en même temps j'ai la vue qui baisse, il va falloir que je retourne chez le dentiste, je mange trop de sucre... tôt ou tard, cette histoire va très mal finir. Et il me semblait que le corps n'est pas un tout, mais un assemblage instable, généreusement prêté par le ciel, et que c'est uniquement par une sorte de volonté égotique qu'il nous apparaît comme un tout et qu'il se tient ensemble. Bref, c'est un ensemble d'agrégats temporairement unis par une force qui n'est certainement pas la nôtre, et s'imaginer que nous le tenons ensemble par notre propre force (car c'est bien la croyance que nous avons) empêche simplement la lumière d'y entrer. En quelque sorte, le corps ne peut pas avoir deux propriétaires en même temps. Soit c'est moi, et c'est un ensemble obscur voué à la tragédie... soit c'est Dieu et malgré sa nature misérable il peut être illuminé. En quelque sorte, mieux vaut le remettre à son légitime propriétaire, dans tous les cas.
Le "remettre à Dieu", c'est un ressenti très spécifique, un abîme d'impuissance qui nous emplit d'amour pour autant qu'on accepte de se laisser faire... et j'en reviens donc au début de ce post. Si je cherche l'amour en tant que tel, je ne le trouve pas. Si je demande à Dieu de m'y mettre, il le fait toujours en me faisant plonger, jamais en m'élevant. Il y a un sens à cela, tout de même, et c'est peut-être celui de "Quiconque s'élèvera sera abaissé, et quiconque s'abaissera sera élevé". On a tendance à prendre cette parole pour les orgueilleux, mais peut-être que s'élever, cela concerne aussi tous ceux qui essaient d'aimer Dieu sans descendre dans leur misère.