L'Éternel appauvrit et enrichit, il abaisse et il élève
Il me semble de plus en plus utile d'écrire un roman dharmique, car on y découvre finalement des choses qu'on refuserait de voir si on n'en inventait pas soi-même la possibilité. Sans parler de toutes celles dont on n'a finalement pas la moindre idée. Il est d'ailleurs évident que les mystiques s'incorporent tout ce qui est dit de la Trinité, de la Sainte Famille, des apôtres, des Prophètes, de différents saints etc... comme si c'était une histoire qu'ils avaient eux-mêmes inventée, ce qui doit prendre un certain temps je pense, car il faut recréer en soi un certain nombre de personnages, et toutes leurs relations. Méditer sur Marie sans recréer son histoire, c'est se retrouver avec une méditation tronquée, et donc beaucoup moins forte. Si on imagine une mère avec son fils sur la Croix, certes l'histoire est triste, mais on s'en remet. Si on imagine qu'on a soi même un fils qui est le plus doux des êtres, qu'on l'a élevé dans des conditions difficiles, qu'on l'a vu grandir au milieu de ses amis, qu'on a vu tout le bien qu'il a fait et quelle perfection non terrestre il représente en même temps... l'histoire devient tout à coup plus pénible. Certes, il faut pouvoir se l'imaginer, et ça ne se fait pas du jour au lendemain. ça n'est pas une simple histoire humaine, comme celle de Madame Smith qui voit son fils innocent finir sur la chaise électrique. Certes, cette histoire là n'est pas agréable non plus, mais la mort d'un homme ordinaire n'a pas grand chose à voir avec celle de Jésus, faut-il le dire. Peut-être que Smith Junior a converti quelques uns de ses compagnons du couloir de la mort dans ses dernières années, et qu'il a écrit ses mémoires, mais il n'a pas été conçu par le Saint Esprit, et il n'est pas une version divine de l'Adam Universel.
Finalement, on ne se demande jamais trop ce qui a pu se passer entre Dieu le Père et Marie, pourtant je suis convaincu qu'il s'est passé beaucoup de choses, et que cela précisément fait partie de l'histoire. Il y a aussi le fait que plusieurs mystiques rappellent que Marie était pour Jésus, et Jésus pour Marie, ce qui est aussi quelque chose de beaucoup de poids, et qui est lié à ce que je dis juste avant.
Ma Saison 9 devra normalement raconter l'histoire d'un Messie particulier, un peu différent de Jésus, mais conçu sur un schéma équivalent, et je me rends compte que dans cette histoire, la façon dont il vient à l'existence, et les relations de ses parents (qui sont 3...) ont une importance plus que fondamentale. Ce qu'il est, c'est le projet de Dieu le Père, et ça n'est pas rien, parce que ça veut dire qu'il a aimé une de ses créatures d'une façon particulière. On ne fabrique pas un Jésus avec n'importe qui n'importe comment. Et cette pauvre créature, si un fils lui vient de l'amour que Dieu le Père lui a manifesté, on peut imaginer que ça n'aura pas la même signification que si c'est un accident survenu après une amourette de vacances. Ou même un fils désiré par de braves gens.
C'est d'ailleurs dans le cours de cette histoire que j'ai réalisé que Dieu pouvait fort bien décider de faire chuter une âme (c'est dit partout, mais je ne l'avais pas compris, car on ne le comprend pas tant qu'on n'en conçoit pas la nécessité) pour diverses raisons. Si elle se comporte bien et prend la faute sur elle (alors même que c'est celle de Dieu), elle sera bien entendu récompensée très au-delà de sa peine. Quelque chose de similaire est mentionné à plusieurs reprises dans l'islam, où on fait la différence entre Iblîs et Adam de la sorte. Les deux ont conscience que c'est Dieu qui les a fait chuter (dans une histoire que j'ai lue, c'était comme ça en tous cas), sauf qu'Iblîs accuse Dieu et Adam s'accuse lui-même. Le premier a "raison", mais le second fait preuve de "courtoisie spirituelle", ce qui est très supérieur. Dans l'islam on considère que si Dieu vous fait faire une sottise, il est correct de s'en accuser soi-même, et ça se défend. Car si on aime vraiment Dieu, on va finalement préférer s'en accuser soi-même. Rûzbehan dit que c'était également le cas du Prophète qui, dans la situation particulière où Dieu l'avait mis, se retrouvait parfois dans une situation où il n'avait plus toute sa tête devant faire le yoyo tous les jours entre Dieu et la société, et s'en accusait lui-même (commentaire sur le hadith "En vérité il nuage sur mon cœur, et j'en demande pardon à Dieu soixante-dix fois par jour").
Dans mon roman, Daniel va faire chuter Shams, et on conçoit qu'il en sortira du bien, car finalement, de quelqu'un qui n'a jamais péché, il y a des bienfaits qui ne peuvent pas sortir. "De même, je vous le dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent, que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de repentance". S'il y a plus de joie, ce n'est pas seulement affectif je pense, c'est parce que vraiment, ce pécheur repenti peut apporter dans le Royaume des dons que les autres ne peuvent apporter. En tous cas, Shams a beaucoup plus de valeur, en tant qu'âme, après sa chute qu'avant. Car il y avait quand même une sorte d'orgueil subtil de n'avoir jamais péché. Pas un orgueil peut-être, mais une absence de compréhension de beaucoup de choses, et donc une distance entre lui et les pécheurs. Il vivait comme un ange, mais pas davantage, alors que l'incarnation permet davantage.
Quand on dit qu'il manque aux anges deux Noms divins pour être complets (j'ai oublié lesquels mais ce sont des Noms qui semblent assez négatifs, et dont on pourrait vouloir se passer), on a le sentiment que ces Noms ne sont pas des cadeaux, mais quand on y réfléchit, ce sont peut-être ceux qui vont permettre de s'immerger dans l'Essence divine (ce que les anges ne peuvent pas).