Sur "L'art d'aimer", d'Erich Fromm
J'ai lu avant hier "l'art d'aimer" d'Erich Fromm, les premières pages semblaient prometteuses, exposant en mieux et plus développé ce que j'avais écrit dans mon Manuel du compagnon d'elfe, notamment que "l'amour n'est pas une question d'objet mais de faculté", cependant l'ouvrage tourne vite en rond, et les seuls conseils qu'il peut donner au final consistent à développer la discipline et la concentration, comme dans n'importe quel art ou artisanat. Surtout il dit qu'il faut apprendre à connaître l'autre, et que ça prend du temps. Mais qu'est-ce que l'autre ? Dans 99% des cas, il s'agit d'un ensemble de tendance récoltées ici et là durant son éducation et sa vie présente, qui se sont cristallisées sous la forme d'un ego qui l'enferme et le fait souffrir. Il ressemble à un rocher au milieu d'une eau plus ou moins stagnante où, avec le temps, des tas de choses se seraient accumulées, bouteilles vides, algues, vieux papiers, poissons morts... Il y a aussi, nous explique Trungpa dans Pratique de la voie tibétaine, des brocanteurs. Des personnes qui ont parcouru le monde à la recherche d'enseignements précieux accumulés les uns à côté des autres, en sorte qu'au final c'est un chaos sans nom. Il y en a qui sont spécialistes d'hindouisme, de bouddhisme, de christianisme, de yoga, de méditation... mais au final ce sont toujours des boutiquiers qui ont circonscrit soigneusement leur savoir et n'en sortent pas.
C'est ce que j'ai découvert avec Petit Elfe. Qu'il n'y a rien à connaître, à part quelques tendances fondamentales de générosité, de créativité et d'esprit d'enfance, qui sont les qualités même de l'esprit et qui n'appartiennent à personne en propre. Tout le reste flotte là au milieu, au gré du vent. Si elle fond en larmes pour une raison ou pour une autre, on peut lui faire une séance de psychanalyse, qui va déterminer que son papa, sa maman etc... n'ont pas fait les choses comme il faut, il n'en résultera que plus de confusion et de désolation, car si papa et maman n'ont pas fait les choses comme il fallait, qu'est-ce qu'on y peut maintenant ? C'est ce que l'on constate avec les gens qui vont de thérapie en thérapie. Dans le meilleur des cas ils trouvent un "équilibre", à savoir une absence relative de souffrance, la possibilité de passer leur vie en n'étant pas trop malheureux. Tout cela sur un ego bien solidifié par les thérapies, où ils ont appris qu'ils étaient par "nature" comme ceci, comme cela, et pas autrement. Cela pose un sérieux problème, puisqu'on peut constater par soi-même qu'on n'est rien du tout par nature, ainsi que je l'ai écrit dans un précédent post. Que ses propres tendances les plus enracinées peuvent tout à coup disparaître en un clin d'oeil si les circonstances changent. Tout ce que je peux retrouver en moi de constant, ce sont les germes des cinq sagesses, qui sont les qualités spontanément émanées de la nature de notre esprit, mais pour tout le reste, je ne sais plus. Homme ? Femme ? Solitaire ? Sociable ? Guerrier ? Pacifique ? Adulte ? Enfant ? Aucune idée. Ce sont les circonstances qui me font et me défont. Alors pour ce qui est des autres, je peux seulement leur accorder la même chose. Des germes de qualités éveillées qui demandent à être développées, et je préfère me concentrer sur celles-là plutôt que cristalliser le moindre ego en avalisant ses prétentions.
Bref, Erich Fromm conçoit l'amour comme une relation entre adultes "construits", ayant des caractéristiques déterminées (d'où il va nécessairement découler des conflits), alors que je conçois un effort réciproque pour déconstruire ce qui n'a pas de réalité (d'où il va nécessairement découler l'absence de conflits). Si bien qu'au final, malgré la ressemblance superficielle, il y a bien peu en commun entre la relation parfaite telle que je la conçois et ce qu'il appelle l'amour. Bien plus proche est la conception des Fidèles d'amour du soufisme, mais c'est quelque chose de fort peu connu de nos jours, et que personne ne paraît souhaiter vivre au quotidien - la conception même de cela n'existe nulle part dans notre société, je parle d'une conception dans l'imaginal et non par le mental.