Les réalisations du surmental
Le problème des traditions actuelles, telles qu'elles sont explicitées et pratiquées, c'est qu'elles ne proposent que des voies conduisant à des réalisations du surmental. Il en découle de graves inconvénients.
"Le surmental dissout ou surpasse la conscience de l’ego qui limite l’être à sa formation individualisée, liée par une structure ou gaine extérieure étroite du mental, de la vie et du corps ; il révèle le Soi et l’Esprit universels, la divinité cosmique et ses myriades de forces projetant des myriades de formes ; là, l’existence du monde apparaît comme un jeu de voiles toujours changeant, sur la face d’une ineffable réalité, comme un cycle mystérieux de création et de destruction perpétuelles ; c’est l’écrasante vision donnée par Sri Krishna à Arjuna dans la Gîtâ. D’autre part l’expérience initiale et plus intense qu’apporte cette conscience cosmique est l’extrême relativité, la contingence et le transitoire de tout le flux, et il y a une nécessité qui semble logique et psychologiquement impérative, c’est celle d’échapper dans l’éternel substratum, qui est l’ineffable absolu". Nolini Kanta Gupta.
En conséquence de cela, l'être intégral du disciple est complètement ignoré. Il n'y a aucune raison de s'en occuper puisque le but est soit l'absolu impersonnel, soit un modèle pris comme la référence absolue (christianisme). La méthode la plus simple consiste donc à détruire la personnalité du disciple, et à jeter toutes ses qualités personnelles à la poubelle. Ensuite, Dieu ou le gourou, peut remplacer cela par ses propres qualités, qui sont les qualités divines, ou du moins des qualités d'un certain aspect du divin.
On peut penser que nous exagérons, mais plutôt que de voir dans le traditions ce que nous voulons bien y voir, essayons plutôt d'y voir ce qui s'y trouve. Dans toutes les traditions, il y a une règle absolue, qui est l'Obéissance. Dans le christisnisme, on doit obéir absolument à son confesseur, même s'il est le dernier des imbéciles (ce qui est apparemment assez courant). Dans l'hindouisme, demander même les plus petites choses à son gourou, comme la couleur de la brosse à dents qu'on va acheter, est une vertu. Dans le bouddhisme, il faut obéir en tous points, et cela concerne toute l'existence physique. Pourquoi ? Parce que le mental et le vital sont à détruire. Ils ne servent à rien, ce sont des obstacles à la transmission du gourou. Le gourou peut transmettre sa réalisation, si ces parties de l'être ne font plus obstacles. Relisez la vie des mystiques, vous verrez que c'est ce qui se produit. Regardez les plus proches disciples de n'importe quel maître, observez-les bien.
Il en découle que si le maître ne parvient pas à détruire complètement la partie personnelle du disciple. Ou, s'il ne le voit pas assez souvent pour lui conférer son entière réalisation, le disciple a tout perdu. Il s'est engagé sur une voie qui a détruit ses possibilités personnelles et ne les a remplacées par rien. Il lui faudra de nombreuses existences pour se reconstruire, à moins qu'il ne tombe à nouveau sur un maître qui pourra, cette fois, lui conférer sa réalisation. Par ailleurs, entrer dans cette voie exclut la possibilité d'une réalisation au niveau du supramental, dans laquelle le personnel et l'impersonnel sont les deux faces de la même pièce.
C'est pour cette raison que dans les milieux spirituels, les gens sont tellement désaxés. En général, l'énergie spirituelle du maître a fait exploser la personnalité du disciple qui de toutes façons n'est jamais très solide, mais le nettoyage s'avère difficile, car le disciple ne vit pas dans la maison du maître, et la transmission ne peut pas être complète. On a donc des gens qui ont des "expériences", qui tiennent des discours incohérents, ou dénués du moindre bon sens, sans aucun esprit critique, et dont le vital crée toutes sortes de problèmes.
Par ailleurs, on notera que même si le mental et le vital sont censés êtes nettoyés par le maître, cela ne se fera pas sans leur collaboration. C'est ici que nous assistons à un phénomène véritablement déplaisant, lorsque des maîtres acceptent des disciples qui de toutes façons vont refuser le processus, en tous cas dans cette vie. Il y a des âmes chrétiennes, des âmes bouddhistes, des âmes hindouistes, des âmes juives, des âmes musulmanes... qu'on reconnaisse l'existence de l'âme ou pas. C'est à dire qu'il y a des gens qui s'épanouissent véritablement à l'Eglise, d'autres à l'ashram, d'autres à la mosquée... On le voit bien. Traduit autrement, l'ambiance de tel ou tel endroit va donner envie à l'être psychique de se manifester, calmer le mental et le vital, qui accepteront plus facilement l'opération que le chirurgien va vouloir effectuer sur eux. Mais on voit aussi beaucoup de gens qui ne sont pas du tout à leur place, qui sont malheureux, qui se contraignent parce que leur gourou leur a seriné que lui seul pouvait les sauver. On en trouve aussi beaucoup qui ne sont qu'à moitié à leur place, à savoir que le mental est à l'aise, ou le vital (rarement les deux), mais donc le psychique se cache soigneusement. Ce sont souvent des gens du "staff", qui trouvent un intérêt social à fréquenter le gourou. Ils se trouvent une utilité voire une position d'autorité dans un groupe, sont reconnus par d'autre, ça va pour eux.
Mais le progrès spirituel est une autre affaire. Toutes les parties de l'être doivent se sentir en affinité avec ce qui est présenté, et en réalité, c'est très rare. Et ensuite, il faut vivre un certain nombre d'années avec le gourou, afin qu'il puisse transmettre sa réalisation.
L'autre inconvénient des révélations du surmental, c'est qu'elle sont exclusives par nature.
"Dans le surmental commence le jeu des possibilités divergentes, – les certitudes simples, directes, unies et absolues de la conscience supramentale se retirent, pour ainsi dire d’un pas et commencent à se réaliser par l’interaction de forces d’abord séparément individualisées et ensuite contraires et contradictoires. Dans le surmental se trouve une unité consciente sous-jacente ; néanmoins chaque pouvoir, chaque vérité, chaque aspect de cette unité est encouragé à accomplir ses possibilités comme si c’était suffisant pour lui-même, et les autres sont employées par lui pour son propre enrichissement, jusqu’à ce que dans les régions plus denses et plus sombres au-dessous du surmental cela tourne en conflits et batailles aveugles, et semble-t-il, en sélection par le hasard". Nolini Kanta Gupta.
C'est ainsi que chaque religion va clamer sa propre vérité aux dépens des autres. Truc est le seul Dieu, Machin est le plus grand Avatar, Bidule est la seule voie correcte, tout le reste sont des vues erronées... C'est apparemment de cette façon que le mental du disciple est conquis. Lui seul et quelques autres détiennent la vérité, le reste du monde est perdu. On comprend que la seule voie possible à partir de là soit de faire disparaître le mental, car on se demande ce qui pourrait sortir de bon d'un mental aussi tordu. Ou, du point de vue du maître, peu importe que le mental du disciple soit tordu, puisqu'il est de toutes façons appelé à disparaître (et si ça peut aider à ramener des sous pour le Centre, c'est bien).
Ayant testé les qualités de différentes religions, nous trouvons cet exclusivisme insupportable, et au final, très préjudiciable. Elles mettent toutes en contact avec un aspect du divin, il se trouve simplement qu'il ne s'agit pas des mêmes aspects.
"Mais ces gens ne peuvent pas sortir de leur éducation! Voilà une dame [A. Bailey] qui, paraît-il, est très célèbre (elle est morte maintenant), qui est devenue disciple d’un lama tibétain... et elle parle encore du Christ comme du seul Avatar! – Elle ne peut pas en sortir!
Et chacun a la Vérité absolue!
(Riant) Mais ça m’a mis tellement en colère! (Pourquoi, colère? je ne sais pas), pas colère mais une espèce de... oh! on est excédé". Agenda de Mère. 25 avril 1961.